lundi 23 novembre 2015

Les choix préalables à la dégustation









Ça peut paraitre idiot ou étrange, mais je me pose parfois beaucoup de questions avant de me lancer dans une dégustation. Quel thé ? Infusé comment ? Avec quel matériel ? Voilà des interrogations qui peuvent m'occuper un moment et je suis parfois encore en train d'y réfléchir alors que l'eau bout déjà dans la tetsubin. Je vous propose de m'accompagner dans ces tergiversations.











Le gong fu cha : le "temps du thé"

Voici pour commencer un élément important : il s'agit d'un moment consacré à la préparation du thé. Et, par définition, cela demande d'avoir un peu de temps à y consacrer. Pas 5 minutes, pas 10 minutes, pas des heures non plus, mais une quantité confortable de temps pour pouvoir faire un nombre suffisant de tasses. Comme on va le voir, cela influence beaucoup mes différents choix.

Il m'arrive souvent de faire autre chose en même temps, trop souvent même j'ai envie de dire, car plus l'attention est divisée, moins le thé a tendance à être bon : on est moins précis sur la préparation d'une part, mais aussi moins concentré sur les finesses et le ressenti. Une dégustation à plusieurs aura également cet effet dissipateur, mais ce sera compensé par le plaisir de partager une tasse voire sa passion.

La préparation et l'appréciation du thé demande donc du temps, celui qu'on voudra bien ou qu'on pourra lui consacrer. C'est une condition sine qua non.











Le choix du thé et de son dosage :

Dans ma tête, ceci est directement lié au point précédent. Certains thés seront faisables en une grosse demie heure et de façon confortable, et d'autres pourront littéralement prendre des heures si on les fait d'une traite. Bien sûr, il est possible d'interrompre une session pour la reprendre plus tard, mais c'est rarement ce qu'on souhaite, même si un bon thé ne souffrira pas trop des interruptions.

Donc si je n'ai qu'une heure, je ne choisirais pas forcément le même thé que si je n'ai qu'une demie heure ou au contraire une après-midi entière devant moi. Si j'ai envie de faire autre chose à côté, cela pourra aussi influer mon choix. Si je ne peux pas être tout entier à mon thé, je descendrai en gamme. Si j'ai un long moment sans interruption devant moi et l'envie de ne rien faire d'autre que de m'y consacrer, je choisirai plus volontiers un excellent thé.

J'ai en gros trois grands choix quand je m'apprête à me faire une dégustation : échantillon d'un thé que je ne connais pas ou très mal, que ce soit moi qui l'aie acheté ou non, nouveauté (achat récent), ou taper dans les réserves qui sont en général des thés qui ont passé l'étape de la sélection et que j'ai "stockés" quelle que soit la quantité (de quelques grammes pour la dancong-o-thèque à plusieurs centaines pour certains puerh). En pratique, je me rends compte que ce que je fais le moins souvent est de taper dans les stocks. Il y a toujours des échantillons à tester (et je ne m'en plains pas) ou des arrivages à découvrir.

La période de la journée jouera aussi : mon estomac refuse les thés torréfiés le matin, surtout que je suis souvent à jeun avant le déjeuner. Même chose pour certains thés rouges très tanniques (ce qui n'est pas forcément un bon signe j'ai l'impression de toute façon). Malheureusement, il m'est impossible de boire du matcha l'estomac vide également. À côté de ça, le matin est quand même le moment privilégié pour les thés verts. Je ne sais si c'est une idée préconçue que j'ai pérennisée, mais en tout cas, c'est vers ces thés que ma main se tend le plus naturellement du monde au réveil. Mon corps en réclame. Comme dirait un ami, "le thé vert, c'est la base" après tout. 

Quid de la saison ? On dit que le printemps se prête plus au vert et l'hiver plus à ce qui est fermenté et/ou torréfié. Comme le thé vert du matin, c'est quelque chose que je ressens assez naturellement. Mais à présent, grâce à la mise sous vide par exemple, nous ne sommes plus obligés d'être autant rythmés par les saisons. On peut profiter de thés verts hypers frais ou de darjeeling de printemps encore intacts en plein décembre. Et j'avoue que, plus que tout, j'aime avoir l'embarras du choix et ne pas être limité à ce qui est normalement de saison (pour le thé). Je dirais donc que ce paramètre influe assez peu sur mon choix au final.

Dernier point que je mets ici, c'est le dosage du thé, qui permettra de moduler la durée de la session. Envie de passer un long moment avec un yancha ? Un ratio de 1g/1cl devrait faire l'affaire. Juste une petite heure avec le même thé ? 5g suffiront amplement, en fonction de la qualité bien entendu, car un bon thé n'est pas celui qui s'éteint au bout de quelques infusions, toutes familles confondues, les paramètres choisis allant jouer aussi, bien entendu. C'est un autre critère à prendre en compte. Par exemple, si je décide de faire un sencha en infusions flash et très chaudes, j'aurais beaucoup plus de tasses au final que les 3/4 habituelles avec des paramètres plus classiques, donc besoin de plus de temps.

Dans ma pratique, il y a un lien direct entre le temps disponible et les choix du type de thé, de sa qualité et des paramètres utilisés.











Le choix du matériel d'infusion :

Première question : matériel neutre (porcelaine) ou terre (pouvant altérer le rendu final) ? Cela dépendra de ce que je bois. Déjà, si c'est une découverte, je ne me pose pas de question : gaiwan obligatoire. Si c'est quelque chose dont j'envisage l'achat : idem. En fait, je suis un gros aficionado du gaiwan, pour son aspect pratique et sa neutralité, il sera donc presque toujours mon choix de prédilection. Il n'y a que quand je bois mes stocks, donc que je n'ai pas besoin d'évaluer la qualité, que je suis susceptible de choisir une théière et/ou pour certaines catégories de thé précises : yan cha ou vieux puerh sur des infusions tardives par exemple.

Il y a aussi le cas où je cherche un effet bien précis, comme mes différents kyusu pour mes thés japonais (cuits en réduction ou en oxydation), ou théières dédiées à un type de thé (ex : wulong torréfiés).

La question d'après est : quel gaiwan ou quelle théière ? Taille : si j'ai un échantillon de 4g de puerh, je ne vais pas prendre mon plus grand gaiwan (encore que rien n'oblige de remplir un gaiwan ou une théière au maximum de son volume utile). Si c'est un thé rouge, je vais surement chercher un grand modèle, ou un thé vert chinois. L'épaisseur dépendra du mode d'infusion et du thé : eau très chaude pour thé délicat : gaiwan fin. Thé vert préparé avec une eau plus tiède et avec des infusions plus longues : gaiwan épais. La forme jouera aussi, encore que la plupart de mes gaiwan soient adaptés pour une majorité de thés. J'ai néanmoins des gaiwan plus ou moins dédiés, et certains qui sont meilleurs que d'autres. La qualité du thé rentrera donc un peu en jeu ici aussi. Je ne vais pas infuser un Dan Cong de fou ailleurs que dans mon meilleur gaiwan.











Le choix de la bouilloire et de l'eau :

Là encore, tout est une question de temps. Dans l'idéal, je sors la tetsubin vu que j'ai la chance d'en avoir une. J'ai aussi une superbe bouilloire de chez Lin's Ceramics, mais pour le moment elle se repose, car elle n'est pas neutre et change beaucoup plus le rendu que la tetsubin, chose que je ne recherche pas en ce moment. En effet, j'essaie d'être plus dans l'analytique et l'appréciation de la qualité sans artifice que dans le plaisir de la manipulation de beaux objets. Mais son rendu est très bon. Avant, je ne sortais la tetsubin que lorsque j'avais plus d'une heure devant moi. À présent, même pour une grosse demie heure, elle me rejoint pour ma session, quitte à préchauffer le matériel avec ma bouilloire en inox le temps que l'eau bout (ce qui est rapide quand même).

L'avantage de ces bouilloires outre l'esthétique et l'amélioration de l'eau est la précision de la verse, chose qui devient pour moi de plus en plus important. En ne remplissant pas trop une bouilloire "occidentale" en inox et avec beaucoup de précaution, cela reste tout à fait possible d'être précis, mais c'est un vrai plaisir d'utiliser des instruments conçus pour faire le thé, y a pas de secret...

Ce sera donc le manque de temps ou la fainéantise qui me feront utiliser la bouilloire classique, dédiée à l'eau minérale que j'utilise pour tous mes thés depuis un moment et que je ne suis pas prêt de changer : le Mont Barbier de chez carrouf. Je verrai plus tard pour faire varier ce paramètre, la route est encore longue, mais pour le moment je souhaite que seules les feuilles changent d'une session à l'autre, et pas d'autres paramètres si tant est que cela soit possible.











Le choix des autres instruments :

Tasses, pichets, éléments plus décoratifs sont choisis en général en dernier, pendant que l'eau chauffe. Mon choix se porte presque toujours sur un set complet en porcelaine pour les raisons citées plus haut, en tout cas, quand je suis en mode "évaluation". Mais bon nombre de mes tasses japonaises sont émaillées donc relativement neutres et feront l'affaire. En fait, je peux rester avec la même tasse pour différents thés sur plusieurs jours. Je rince juste entre chaque thé rapidement à l'eau bouillante et hop ! J'en utilise plusieurs quand je bois plusieurs thés en même temps, pas en mode dégustation en parallèle, ce qui m'arrive peu souvent de toute façon, mais quand je finis un thé commencé la veille en même temps que j'en entame un nouveau, étant donné que je suis un adepte des infusions longues. Mais il m'arrive aussi de ne faire qu'avec une seule tasse. Ça dépend de l'état d'esprit. Les thés japonais sont comme souvent l'exception où je me permets des écarts par rapport à mes résolutions habituelles. Il m'arrive d'utiliser un kyusu non émaillé, en même temps qu'un pichet et une tasse non neutres. Sisi... Quel fou je fais...

Pichet ou pas pichet ? Je l'évite quand je peux, pour empêcher toute perturbation extérieure, mais en général je m'en sers pour refroidir le thé afin de boire plus vite. Quand j'attaque un thé qui va durer de nombreuses infusions, autant que ça défile un peu, surtout au début où les temps d'infusion sont (très) courts. J'avoue avoir besoin que la liqueur ait bien refroidi avant de pouvoir y tremper les lèvres. Je suis assez sensible à ce niveau là. Et n'étant pas branché arômes plus que cela, je ne me soucie guère de boire des thés qui ont un peu refroidi. Comme précisé plus haut, le pichet idéal est en porcelaine ou en verre, soit un matériau qui ne viendra pas perturber le rendu de la tasse.











Voilà donc le genre de raisonnement qui me passe par la tête avant de m'attaquer au thé en lui-même. Pas mal de contraintes au final, notamment sur le temps et l'attention que je pourrais apporter au thé que je bois. Bien sûr, il y a la "routine" du matin typiquement, où je prends le même paquet que la veille, mais il est fort heureusement rare que je me contente d'un seul thé dans la journée. J'espère que cette réflexion vous aura servi à quelque chose.



つづく

dimanche 11 octobre 2015

Thés bio et eau chaude









Dans cet article, j'aimerais parler de la manière d'infuser certains thés qu'on considère généralement comme "fragiles" : thés blancs, thés verts, chinois et japonais, oolong verts, thés rouges riches en bourgeons, etc. Cette réflexion fait directement suite à un article de Charlotte, dont je recommande chaudement la lecture, qui parle de température et de différences de pratique entre la Chine et l'Occident. Je vais aussi faire référence à la prose de mon ami Akira Hojo pour le côté technique et chimique.






"Darjeeling" japonais de chez Postcard Teas





Notre pratique du thé fait appel à plusieurs gestes. Certains sont faits machinalement, d'autres sont plus approfondis. Dans un premier temps, on a tendance à copier la pratique de quelqu'un d'autre, sans vraiment la comprendre, ou de mélanger plusieurs influences. Parfois, on cherche à être original, à avoir sa patte. Ça rend le rituel plus fun. 


Mais au hasard de rencontres ou de lectures, on peut être amené à réfléchir différemment, à remettre en cause ses habitudes, ses gestes. C'est ce qui m'est arrivé. Première personne qui a boulversé (de nombreuses fois) ma pratique, et celle avec qui j'ai le plus de contact, c'est Akira Hojo, dont les idées diffèrent parfois (souvent ?) de ce qu'on peut voir ailleurs. Et cela pousse à la réflexion, en plus d'être incroyablement fun pour un adepte de l'expérimentation comme moi. L'autre personne, c'est donc Charlotte, qui a aussi, d'une autre manière, boulversé ma vision et ma pratique du thé. Tout cela pour mon plus grand plaisir.





Long Jing de Charlotte





Faisons un petit condensé de ce qu'elle nous apprend dans l'article sus-cité : les Chinois infusent leurs thés verts (mais aussi d'autres familles) à une température bien plus élevée que nous autres Européens. Mais ils ne le font pas n'importe comment, le geste, au travers de la verse notamment, compense cet écart de température. 

Aussi, et c'est le coeur du sujet, si une température élevée permet de mettre en avant les qualités d'un thé - qui sera donc sous-exploité à température trop faible, - ses défauts seront aussi mis en exergue. On pourrait donc lire le "un thé vert (chinois) s'infuse à 80°C" sur les étiquettes ou dans le discours des grandes enseignes commerciales comme "s'il vous plait, ne les infusez pas plus chauds, car sinon vous allez vous apercevoir qu'en fait ce ne sont pas de "grands crus" si rares que ça, et que la marge qu'on fait dessus n'est pas justifiée."

Dans la prose d'Akira, on trouvera des explications techniques au niveau de la chimie de la plante. Il s'intéressera plus particulièrement au fameux "umami" japonais, marque de fabrique et à présent de qualité, chose avec laquelle il n'est pas d'accord. Mais ce n'est pas le sujet ici. À noter que bien qu'ayant fait de la chimie, la théorie me dépasse un peu, mais une chose est sure : le résultat de mes expérimentations colle en tout point avec ses théories. On trouvera ses réflexions sur le sujet un peu partout dans ses articles, ici notamment. Je ne rentrerai donc pas dans les détails chimiques, je ferai juste un résumé très et certainement trop simpliste de ce qui nous intéressera ici :


engrais chimiques (azote) => production augmentée d'acide aminé (umami) => amertume ressentie au-delà de 80°C. 

pas d'engrais => plus de polyphénols qui requièrent une température très chaude pour leur extraction => pas d'amertume.






Puerh Da Xue Shan sauvage de chez Akira





Car, comme le dit le titre, je vais parler ici de thés bio ou, mieux, issus "natural farming" (pas d'engrais pour augmenter la productivité, même bio), soit des thés souvent issus de cultures traditionnelles où on pourra utiliser certains produits naturels comme le lisier, mais pas de produits purement chimiques, comme c'est malheureusement de plus en plus le cas un peu partout. Je ne vais pas refaire ici l'apologie de ces cultures raisonnées, il suffit de comparer une pomme de supermarché à une autre venant du fin fond du jardin de ses grands-parents pour réaliser l'écart qualitatif qu'il peut y avoir, sans parler de la nocivité de certains produits utilisés. Je citerai juste encore une fois "Miracle Apple", ce magnifique ouvrage d'Akinori Kimura, dont les droits ont été acquis par Yoko Kano, qui tomba par hasard dessus dans la lounge d'un aéroport nippon, et qui prit alors la décision d'en acheter les droits, de le traduire et le distribuer gratuitement sur le net. 






Sejak de l'Éclos (Lyon)





Maintenant que mes sources et le contexte sont plantées, passons au vif du sujet. Voilà plusieurs jours que j'ai repris bon nombre de mes thés bio, verts, chinois et japonais, blancs, oolong verts, noirs à forte concentration de bourgeons (souvent considérés comme fragiles, comme le précise Charlotte), comme des darjeeling first flush. Je les ai tous infusés à l'eau presque bouillante, c'est à dire une eau retirée du feu jusqu'à ce que le bruit d'ébullition disparaisse (une poignée de secondes), et versée avec précaution, en utilisant un gaiwan ou un hohin, soit un instrument qui permet une verse rapide et de ne pas cuire les feuilles. Et le résultat est à mes papilles assez incroyable, d'où l'envie de partager tout ça.






Long Jing de Master Luo de chez Postcard Teas





Revenons en détails sur deux points techniques très importants :


1/ la verse : c'est peut-être une chose qui est assez négligée chez nous, d'ailleurs, les bouilloires occidentales ne permettent pas une verse très précise, ce qui est pour nous fort dommage. Car il convient lorsqu'on emploie une eau très chaude avec ces types de thés "fragiles" de ne pas la verser avec force et surtout pas directement sur les feuilles. Il faut viser un angle de l'ustensile si l'on peut, avec un débit contrôlé. Tout cela contribuera d'ailleurs à diminuer légèrement la température de l'eau. De même, il est plus pratique d'effectuer une verse basse à des fins de précision. On m'a personnellement déconseillé les verses hautes de toute façon, que ce soit pour l'eau ou le thé, et ça me semble une bonne idée.


2/ l'instrument : je parle de verse rapide, car température et durée d'infusion sont intimement liées. Plus on infuse chaud, plus bref devra être le contact. L'exemple d'Akira ici (pour les Dan Cong) est intéressant. Donc, pour des températures "extrêmes" qui impliquent une infusion presque "flash", il faut que l'instrument puisse permettre de vider intégralement le thé en quelques secondes. Pour cela, le gaiwan est imbattable. J'utilise aussi un hohin avec de nombreux trous et un large bec. Il est possible d'utiliser une théière, mais il ne faudra pas hésiter à baisser alors un peu la température, et ce pour deux raisons : la verse du thé dans la tasse sera en général plus longue, et les parois parfois épaisses pourraient "cuire" les feuilles. Quel que soit l'instrument, il ne faudra surtout pas laisser le couvercle pendant l'infusion et après la verse, pour éviter cette "cuisson". Profitez-en pour admirer l'ouverture et la beauté des feuilles, ça vaut parfois franchement le coup ! Et c'est assez rapide avec de l'eau très chaude. Alors vous allez me dire "mais si on ne met pas le couvercle entre deux infusions, surtout avec un gaiwan, ce dernier va très vite refroidir, ce qui pourra être préjudiciable pour les infusions suivantes !" Certes, mais vu qu'on utilise de l'eau très chaude avec un contact bref, je doute que ces quelques degrés aient une importance capitale, du moins je n'en ai pas remarqué.






Mao cha de thé blanc du Yunnan d'Akira (Ma An Shan) infusé à l'eau bouillante





Alors, est-ce que ça va marcher avec tous les thés bio ? Je ne pense pas. Je n'ai pas fait le test, mais un thé bio de supermarché ne sera à mon avis pas très différent d'un thé non bio à ce niveau là. Déjà, dans les critères du bio, il y a de la marge, des engrais bio peuvent être utilisés, avec des taux limites de produits qu'idéalement on aimerait ne pas trouver du tout, et susceptibles de produire de l'amertume. Aussi, je pense que l'état des feuilles est très important. Des feuilles trop hachées (sauf sencha) nuiront à l'équilibre dans la tasse à plein de niveaux, ce qui pose la question du soin apporté à la fabrication des thés, voire à leur conditionnement et leur conservation. Exit donc le sachet de thé rempli de poussières, et les thés qui passent deux ans dans une grande boite en métal sur une étagère de boutique.

Ce que me montrent mes expériences, c'est que des thés de très bonne facture sur tous les critères cités plus hauts, infusés avec soin - je ne rappelle pas ici l'importance de la qualité de l'eau (et des instruments), mais c'est toujours à mes yeux le critère numéro un - donneront un résultat superbe avec de l'eau très très chaude et des infusions plus ou moins courtes.

Après, il y a de la marge entre une eau très très chaude et des infusions très très courtes, et de l'eau un tout petit peu moins chaude et des infusions un peu plus longues. Charlotte cite l'infusion en verre, technique très utilisée en Chine. Là, on n'est pas dans le cas d'infusions de quelques secondes, ce dont je parle ici, mais plus dans une "voie du milieu", mais un excellent thé pourra résister à de très longues infusions, même avec des températures assez élevées. Essayez, vous verrez. À noter que l'eau se refroidit assez vite dans un instrument ouvert (verre ou infuseur sans couvercle), ce qui permettra de relativiser cette durée d'infusion, l'extraction diminuant au fur à a mesure, avec le danger de "cuire" les feuilles. Le dosage rentre aussi en compte, mais inutile de complexifier les choses pour se concentrer sur le coeur du sujet.






Tai Ping Hou Kui de Charlotte





Quelle température exactement, et pour combien de secondes ? C'est difficile à dire. Les instruments tels le thermomètre ou le chronomètre ne sont pas vraiment le sujet ici, vu que le but est justement quelque part de se simplifier la vie, tout en obtenant quelque chose d'au moins aussi intéressant. C'est pour moi encore très empirique comme approche, je commence tout juste. Et souvent, on apprend plus de ses erreurs que des séances consensuelles. Mais c'est fun de sortir de sa zone de confort, et avec un bon thé (ce qui ne signifie pas forcément "hyper cher", surtout quand on voit le prix de certains thés "bio" d'enseignes populaires), peu de risques au final de ruiner l'intégralité d'une session si on prend quelques précautions, comme celles discutées plus haut. 






Sencha bio (Koshun de Shimizu) de chez Thés du Japon infusé à l'eau presque bouillante et flash





Qu'obtient-on au final et quelle différence avec des paramètres plus classiques ? Il est fort possible que les amateurs de "mâche", de texture, d'intensité en bouche n'y trouvent pas leur compte, même si on peut rallonger aussi la durée d'infusion à température plus élevée sans que ce soit le drame. Rappelons que le but de tout ça est aussi d'éviter l'écueil qui consisterait à infuser trop froid un excellent thé, et donc de ne pas en tirer la substantifique moelle.

Les liqueurs tirées d'infusion chaudes et courtes seront en effet plus légères, ce qui ne signifie pas forcément moins intéressantes. Personnellement, je trouve qu'elles y gagnent un aspect aérien et en fraicheur. Le profondeur d'un thé, ce que je recherche par dessus tout, est pour moi plus évidente à repérer dans des liqueurs légères que dans des tasses plus lourdes, plus denses. Il en va de même pour toutes les subtilités que j'aime trouver. Les qualités seront présentes dans tous les cas me direz-vous, mais je préfère quand c'est léger. Ce n'était pas le cas avant qu'Akira me fasse essayer. J'utilisais des paramètres trouvés ça et là, assez "bourrins" (cf. l'historique de ce blog), sans trop me poser de questions. La force des tasses denses me donnaient l'impression d'avoir une longueur plus importante, mais je ne suis plus très sur à présent qu'il ne s'agit pas en fait plus de "rémanence" due à l'intensité justement, et non un autre type de longueur en bouche. Dans tous les cas, les thés me paraissent beaucoup plus longs ainsi.

Je n'infuse pas comme ceci à chaque fois, car le but est aussi de varier. Mais je suis stupéfait de la qualité des tasses que j'obtiens avec cette technique au final très simple à mettre en place, ce qui est un peu le but aussi. Un zhong, une bouilloire, une tasse. Les seules conditions sont : une eau et du thé de qualité, cultivé sans ou avec le minimum de produits chimiques, une verse attentive et précise, des infusions courtes, et faire attention de ne pas cuire les feuilles, notamment avec le couvercle. À noter qu'on pourra rapidement augmenter les durées d'infusion au fur et à mesure de la session. Ça dépendra aussi du thé.






Li Shan Cha de Shan Yun Cha




Je serais curieux de savoir si certains d'entre vous ont observé un tel phénomène et s'ils préfèrent ou non cette technique à d'autres. Peut-être, et même surement, la "voie du milieu" suggérer par Charlotte avec l'infusion en verre est encore plus intéressante. L'avenir me l'apprendra peut-être.


À bientôt !




Thés testés : thés blancs, verts et noirs du Yunnan d'Akira, thés verts chinois de Charlotte, darjeeling de printemps, thés verts chinois et thé rouge japonais "darjeeling-like" de Postcard Teas, sencha bio de Thés du Japon, oolong verts de Shan Yun Cha (le petit nouveau de ma liste de fournisseurs, qui au passage a bien mis à mal mon scepticisme exposé dans mes articles précédents, au sujet de fournisseurs qui sortent de "nulle part", avec des histoires presque trop belles pour être vraies, mais la tasse a parlé et c'est encore elle qui tranche au final).


lundi 14 septembre 2015

Critères de choix de fournisseurs (6/6)






6 - l'offre : logiquement dans cette liste. Cela prend en compte tous les critères cités plus haut. Si possible, une offre variée permet de gouter à plein de choses différentes, ce qui est toujours intéressant. Chez un vendeur sérieux et constant, peu importe la famille de thé qu'on choisit j'ai envie de dire, car tous auront été sélectionnés suivant la même logique, avec les mêmes critères de qualité. Je sais que personnellement, je me fiche de plus en plus de la famille du thé que je bois, du moment que j'y trouve les qualités que je cherche. "Peu importe le flacon du moment qu'on ait l'ivresse."

Une petite sélection est bien pratique, surtout quand comme moi on aime tout gouter. À ce niveau là, les vendeurs qui proposent des échantillons, ou à l'inverse de gros packs économiques, sont une vraie bénédiction, surtout pour des thés pas donnés.



Voilà pour cette liste certainement pas exhaustive, un peu dans le désordre, mais qui a le mérite de permettre d'évoquer quelques sujets intéressants. Vous l'aurez compris, je dresse un tableau assez négatif du commerce du thé, en France déjà, où les meilleurs vendeurs ont l'air d'être ceux dont on parle le moins (la boutique Chanomi de Valence par exemple), alors qu'à l'inverse, les menteurs voire imposteurs ont pignon sur rue. Il faut dire que moyennant un joli chèque, Paris Match fait un article sur vous dans lequel vous pourrez dire ce que vous voulez, y compris les pires mensonges, et Lu Yu sait que certains ne s'en privent pas. J'avoue l'avoir appris il y a quelques jours seulement. C'est lamentable...

Alors, quelle solution, surtout quand on débute ? À mon avis, ne pas rester seul. Isolé, on ne progresse pas et on est très sensible à la désinformation. On peut se tromper sur des choses de base et persister dans ses erreurs pendant un long moment. La progression nécessitera pour moi est d'échanger, de partager, et de garder son esprit critique aiguisé. Et peut-être est-ce à nous consommateurs d'élever la voix contre les moins bien intentionnés des vendeurs, pour la postérité.


Ceci conclut donc cette série. Toute ressemblance avec une personne ou établissement existant ou ayant existé ne serait probablement pas si fortuite que ça...


À bientôt ! 

http://www.kanchatea.com/






dimanche 13 septembre 2015

Critères de choix de fournisseurs (5/6)






5 - le contact, la sympathie, le service client : il est évident que ça va jouer énormément, même si on est plus ici dans le domaine du subjectif. Mais personnellement, je préfère donner mon argent à quelqu'un que j'apprécie, quitte à me priver de certaines découvertes. Et le contact joue un grand rôle évidemment. La disponibilité aussi. En ligne, la correspondance est le seul moyen de bâtir ou non une relation de confiance, ça et ce qu'on boit bien évidemment, qui restera une part importante du choix. Cette communication est une des parties clés pour moi. Car, outre la tasse de thé, l'aspect humain, les échanges, les rencontres, le partage, restent ce que je préfère par dessus tout. 

Je mettrais aussi dans cette catégorie la déontologie. La plupart de mes vendeurs me suggèrent d'aller papillonner ailleurs que chez eux, de voir d'autres choses, d'autres visions. Et c'est sincère. C'est sûr que ça me donne plus envie de revenir qu'un vendeur qui bâcherait tous azimuts. 

Pour l'anecdote, un jour dans un salon de thé japonais à Paris, j'ai demandé quel était le thé qu'on me servait. On me répondit Yabukita, que c'était le seul cultivar important (ndlr : 3/4 des thés japonais l'utilisent). On me demande pourquoi je pose la question, et je réponds que j'avais lu sur le net qu'apparemment, il y en avait plein d'autres ! La réponse fut à jamais disqualificatoire : "faut pas croire ce qu'on lit sur internet, surtout pas ce qu'on lit sur les blogs (sic), que c'est de la propagande publicitaire faite par certaines boutiques qui croient avoir trouvé un nouveau créneau dans le thé japonais, mais ça n'a aucun intérêt". Je suis à présent on ne peut plus fier d'être client de cette concurrence, et, pour l'anecdote, je me régale !! Ailleurs à Paris, dans un endroit où l'on vend des centaines de thé, mais aucun japonais, on m'a dit qu'il ne fallait pas en boire du tout car ils étaient faits avec des colorants... Et c'était avant Fukushima car à présent, je n'ose imaginer les horreurs qu'on raconte... Discuter permet donc de repérer les failles. Croyez-moi, même un supposé maître de thé adulé par la presse peut sortir des âneries assez énormes, et révélatrices...

Je regrette souvent de ne pas avoir plus de contacts directs avec mes vendeurs, de les écouter parler, de me poser dans un coin de leurs boutiques à musarder en buvant un excellent thé. À présent, je n'utilise que la vente par correspondance dans l'immense majorité des cas. Mais tel est le prix à payer visiblement pour avoir une sélection de qualité avec quelqu'un de sérieux, sympathique et doté d'une carte intéressante. 

Autre chose, Mesdames et Messieurs les vendeurs, Maîtresses (wapa !) et Maîtres, sachez qu'un petit échantillon cadeau, ça ne fait jamais de mal ! Je vais vous dévoiler un secret : les amateurs de thé déballent leurs commandes comme des enfants leurs cadeaux le matin de Noël. Et plus il y a de cadeaux... Je ne pense pas trop m'avancer en disant que ça doit être assez rentable au bout du compte. Et bien sûr, à côté d'un vendeur qui fait plein de petits échantillons cadeaux, celui qui sera radin, ou qui n'en fera que rarement, voire jamais, ne partira pas favori. Sans compter que certains vendeurs le font avec un plaisir sincère de faire découvrir des thés assez uniques et sans arrières pensées de rentabilité au bout du compte. Si si. Je connais un établissement où des clients ayant dépensé des sommes assez hallucinantes attendent toujours la couleur d'un geste commercial...

Je terminerais par dire que par correspondance, la protection et le soin en général apporté aux thés et au colis en lui-même auront leur importance. Niveau protection, suffit de regarder un colis en provenance du Japon pour avoir une idée du bon exemple à suivre. Le jusqueboutisme jusqu'à l'emballage, c'est assez plaisant quand on est client. À croire qu'il résisterait presque à un crash aérien... À côté, quand je reçois un vieux carton tout pourri avec les thés qui donnent l'impression d'avoir été jetés du haut d'une échelle de 3m, ben ça ne me donne pas envie de revenir. 

La protection des thés est donc importante. À cela s'additionne le conditionnement sous vide, qui est bien pratique pour les thés verts notamment, des fois qu'on n'ait pas envie de tout boire au printemps et d'en garder pour l'hiver, ce que j'aime faire personnellement. Idem pour les darjeeling first flush et autres thés blancs.

Enfin, la cerise sur le gâteau, c'est le design des emballages, voire du colis en lui-même. Je me souviens la première fois que j'ai reçu une commande de Mandarin's Tea Room, j'ai tout simplement halluciné. C'est peut paraitre idiot, mais on se sent toujours flatté par autant de soin et d'attention. Ça ne signifiera pas que les thés seront meilleurs (le commerce de le jolie boite fait recette chez les Kusmi, et pourtant on ne peut pas faire beaucoup plus médiocre...), mais en l'occurence, avec MTR, design et qualité se rejoignent, ce qui est toujours impressionnant.


Voilà pour cet avant-dernier volet.





つづく

samedi 12 septembre 2015

Critères de choix de fournisseurs (4/6)






4 - l'affinité "théistique" avec le vendeur : un vendeur qui sélectionne ses thés avec logique et régularité aura aussi une appréciation propre, personnelle, de ce qu'est la qualité. Ça peut sembler bizarre au début, car la qualité objective devrait être unique. Alors est-ce que le thé, parce qu'il est asiatique, bénéficie d'une aura plus subjective ? Serait-ce lié à l'énergie (Qi) ? J'avoue être encore en train de me poser la question. Toujours est-il que chaque vendeur aura sa "patte", et du coup sa propre idée de ce qui est "meilleur". Ça prendra en compte des critères objectifs et subjectifs. Ça dépendra aussi des terroirs qu'il affectionne, ou auquel il a accès.

Personnellement, je trouve ça super intéressant d'essayer de repérer ce dénominateur commun entre les thés d'une même enseigne. Des fois, ce point commun, c'est la médiocrité, ça arrive. D'autres, même sans ça, proposent tout simplement trop de thés pour qu'il y ait cette constance. En général, les vendeurs qui ont de la régularité dans leur sélection n'ont pas une carte très étendue. Ils cherchent quelque chose de précis plus qu'un éventail de choses moins homogènes niveau qualité. On comprend vite que leur but premier n'est pas de faire le plus d'argent possible. Ce sont des sélections de passionnés, qui sont en général assez fiers de ce qu'ils ont dégoté, et des histoires humaines, des rencontres, qu'il y a derrière leurs recherches.

Et parmi les vendeurs qui ont une telle sélection, il y en a toujours un ou deux qui vous parlent plus que les autres. C'est comme si on avait la même appréciation subjective du thé, les mêmes "goûts". En gros, à la place du vendeur, si on avait eu à choisir entre 5 thés de qualité égale mais avec des personnalités différentes, on aurait pris le même. C'est rare. C'est pas tout le temps 100% sur la même longueur d'onde non plus. Mais ça arrive. Et ça mérite de passer un peu de temps à chercher.





つづく

vendredi 11 septembre 2015

Critères de choix de fournisseurs (3/6)






3 - l'analyse chimique : critère relativement nouveau et intéressant. Le lobby agro-alimentaire parvient encore à faire en sorte que certains additifs chimiques ne figurent pas sur les étiquettes de nos aliments. Mais certaines associations de consommateurs et ONG essaient de faire changer les choses. (message subliminal : soutenez les !!)

Je me rends compte que pas mal de mes fournisseurs testent à présent leurs thés. À l'heure actuelle, ce n'est pas forcément idiot. Et même un vendeur en toute bonne foi sous nos latitudes pourrait toujours s'être fait avoir par un fournisseur. Il y a eu une chaine de boutiques (ayant en France pignon sur rue) qui a du retirer du marché de gros lots de thés soi-disant bio après contrôle d'associations de consommateurs. Là, on parle de gros volume. Mais comment assurer le label bio quand on commande plus d'une tonne d'un même thé chinois ? 

Alors, pour moi l'analyse des thés n'est pas obligatoire, si et seulement si j'ai un minimum confiance. Un vendeur qui s'y connait et qui va sur place pourra voir les théiers par lui-même déjà. Ça aide aussi. Mais cette année, même David d'Essence of Tea a dit avoir été surpris, alors que c'est son critère numéro un. Il dit que le sentir lors des dégustations est parfois compliqué, même si lui est particulièrement exigeant. Mais si certains vendent des thés totalement exempts de produits chimiques, c'est que ça doit se trouver. Et plus il y aura de demande, plus il y en aura sur le marché. Malheureusement, en Chine, dès qu'un terroir commence à devenir connu, les paysans ont tendance à utiliser des produits pour augmenter la production, même s'il s'agit de théiers plusieurs fois centenaires qui n'avaient jamais vu la couleur d'un produit chimique jusque là. C'est triste de notre point de vue un peu idéaliste d'occidental, mais c'est ainsi. Ce n'est pas pire que de raser des hectares et des hectares de vieux théiers pour y planter des hévéas. 

Il y a deux niveaux qui m'intéressent pour le thé : le bio et le "natural farming". Le bio, on connait, mais ça peut inclure quand même de petites quantités de trucs pas cools, et autorise l'emploi d'engrais bio. Dans le "natural farming", il n'y a pas d'engrais. Pas de traitement, des fois pas de coupe, on n'arrache pas les plantes aux pieds des théiers. C'est un peu comme le "Miracle Apple" d'Akinori Kimura. Bref, d'après ce que j'ai compris - ou comment je l'interprète - ça part de l'idée que si on laisse la nature faire les choses par elle-même pendant assez longtemps, elle livrera le meilleur qu'on puisse obtenir, et aucun traitement ni additif ne pourra jamais égaler ou encore moins surpasser ce résultat. Bien sûr, la production est drastiquement moindre, mais la qualité est bien meilleure. J'ai entendu aussi parler de bio-dynamie dans le thé. Intéressant. Le résultat sur les vins est assez impressionnant.

Alors pourquoi s'imposer de telles restrictions ? Parce que pour moi c'est tout simplement meilleur. Je ne suis pas un forcené du bio, mais avec l'habitude, je trouve qu'on a des sensations plus profondes, les thés sont plus vivants. En plus, ça soutient des artisans qui essaient de faire les choses bien, comme évoqué plus haut, donc... je soutiens. Et je pars du principe quand quand rien n'est précisé, c'est qu'il peut y avoir les pires horreurs, sans faire de parano non plus... Mais vu que la Chine utilise de plus en plus de produits nocifs dans l'agro-alimentaire, je préfère cautionner le courant bio, vu que j'ai la chance d'en avoir les moyens.





つづく

mercredi 9 septembre 2015

Critères de choix de fournisseurs (2/6)







2 - la traçabilité : quoi de plus inutile que de nommer ses thés avec des numéros, ou des noms farfelus, sans les assortir d'autres informations ? Est-ce vraiment professionnel ? Quid de la provenance, de la méthode et des produits utilisés ? Et le respect pour les artisans qu'il y a derrière ? Du savoir-faire ? C'est sûr que c'est pas facile d'essayer de développer un culte de la personnalité en ventant les mérites d'autres personnes... 

Pour moi, cette traçabilité est pourtant essentielle. Comment puis-je espérer tirer un enseignement quelconque sans information ? "Ok, j'ai bu un thé super, mais je ne sais pas du tout ce que c'est que ce truc !! Alors j'ai appelé le vendeur qui m'a raconté que c'était un thé hyper rare qui pousse sur une plaine au sommet de l'Himalaya sur des théiers plantés par Bouddha lui-même quand il était encore dans le ventre de sa mère, et cueilli par des vierges aveugles acrobates..." Ok... Ça vous rappelle quelque chose ? Personnellement - appelez-moi sceptique - je pars du principe que toute information non vérifiable sera fausse dans la majorité des cas chez ce genre de vendeur. J'ai eu trop de déceptions à essayer de dénicher la perle rare, à être trop crédule. Trop d'argent perdu aussi. Même si gouter à un thé médiocre reste quelque part de l'expérience engrangée, encore faut-il ne pas en abuser, ce qui peut être le cas quand on papillonne trop. 

Un peu de respect donc pour les vrais artisans du thé s'il vous plait Mesdames et Messieurs les vendeurs, Maîtres et Maîtresses. Rien n'est plus efficace auprès des amateurs que de leur dire exactement ce qu'ils boivent. Ils reviendront alors gouter d'autres millésimes, d'autres terroirs, d'autres variétés du même producteur, etc. Il y en a qui le font avec passion et dévouement, alors y a pas de raisons. Quand quelqu'un n'est pas honnête dans son approche, ça finit toujours pas se voir de toute façon.

L'achat est un acte "politique" : ne cautionnez pas les vendeurs de rêves. On trouve sur le marché des vendeurs directement liés à des sectes, des vraies. À côté de ça, d'autres multiplient les efforts pour essayer de faire connaitre des thés exceptionnels, et par la même parfois soutenir une agriculture traditionnelle en péril, d'améliorer les conditions de vie et de travail parfois misérables de certains travailleurs du thé. Et, accessoirement, ils vous permettront de connaitre le gout authentique d'un thé, chose qui sera peut-être de plus en plus dure à faire. Mais rien ne vous empêche de donner votre argent à de grands gourous, ou des imposteurs qui se font passer pour de grands maîtres de thé devant Paris-Match... Le problème c'est que personne ne va vérifier si ce qu'ils avancent est vrai. Même pas les journalistes. 

Sur le même principe, et pendant qu'on y est, écrire un livre ne fait pas de vous un(e) expert(e), qu'on le dise. Un blog non plus, j'en suis la preuve vivante. 

Alors, si le vendeur ment, et que Paris-Match et la télé ne font pas bien leur boulot (ça, c'était pas dur à deviner), qui va le faire à leur place ? Qui va faire en sorte que le premier venu ne soit pas victime de cette désinformation ? Pas grand monde apparemment. Peut-être serait-ce aux amateurs qui communiquent sur la toile d'être un poil plus informatifs ? Mais encore faut-il ne pas dire n'importe quoi soi-même, et que le but ne soit pas de faire du chiffres de viewers. Auquel cas, oui, mieux vaut colporter des âneries, ça c'est sur. Quel que soit le domaine, c'est un créneau visiblement plus porteur.

Le problème c'est qu'au final, surtout quand on est débutant, il est très compliqué voire impossible de reconnaitre une contrefaçon d'un thé authentique, même chez soi avec ses paramètres familiers, et surtout quand on est influencé par une belle histoire... Mais qui peut avoir une telle expertise à part un vendeur sérieux et honnête ? N'est-ce pas son rôle, ce pour quoi on le paie ? Pourquoi ai-je l'impression qu'un débutant devra braver vents et marées avant de dénicher UN vendeur honnête et qui s'y connait ? En voilà un gros problème, car nombre de professionnels abusent de cette situation. Idem pour le label "bio" ou la présence de produits chimiques. Qui peut les repérer à la dégustation ? Ce sera le sujet du prochain volet de cette mini-série.





つづく

mardi 8 septembre 2015

Critères de choix de fournisseurs (1/6)




Voilà un moment que ce blog dort... Pour me rattraper, voici une petite série d'articles de réflexion sur un sujet qui me tient à coeur.


Nous avons chacun nos goûts, nos affinités, nos habitudes, notre méthode de progression dans la découverte des thés, mais aussi découverte artistique au sens large. Je sais par exemple que quand un album me plait, je commence par regarder toute la discographie du groupe/artiste, puis je regarde ses influences et remonte le courant. C'est comme ça que je suis parti de Ten Years After un jour, par hasard, et me retrouve à présent à écouter Robert Johnson. Et c'est exactement sur le même principe que ma recherche m'a conduite des thés aromatisés à des choses plus pointues, puis à essayer de dénicher les plus pointus parmi les pointus.

Bref, notre méthode - ou son absence suivant comment on est câblé - mène à des choix de fournisseurs différents d'un amateur à l'autre, et tant mieux, car il en faut pour tous les goûts. Et c'est bien de papillonner au début. 

Je vais donc essayer de parler de mes choix, au travers de critères, pas forcément présentés dans leur ordre d'importance. Ce n'est pas pour faire de la pub pour telle ou telle enseigne - d'ailleurs je vais éviter d'en citer trop - mais expliquer le cheminement qu'il y a derrière mes choix et, dans le meilleur des cas, inciter à la réflexion. Sachant que tout cela n'engage que moi bien évidemment.









Déjà, je respecte beaucoup les vendeurs qui expliquent leur démarche et leur manière de sélectionner leurs thés. Leur logique. Déjà, c'est qu'il y en a une, autre que la seule rentabilité.


1 - les vendeurs qui se déplacent, explorent, recherchent : c'est à dire qui ne vont pas se faire prendre en photo devant un champ de thé avant de filer au marché de Beijing, Kunming ou Taipei et d'y acheter du thé anonyme sans certitude de ce que c'est ni de ce qu'il y a dedans.

Déjà, c'est un premier critère qui écrème pas mal de monde dans ma recherche. Bien sûr, certains vendeurs vous feront croire qu'ils parcourent les montagnes à la recherche de perles rares. Mais est-ce toujours vraiment le cas ? La belle histoire du papy de 80 ans trouvé par hasard en train de cultiver son thé de manière traditionnelle depuis des décennies, sans produit nocif, etc, on l'a tous entendue. Ce genre de fables inonde le marché, peut-être autant que les contrefaçons.

Alors, comment savoir ? Y a pas 36 solutions, il faut des preuves et une relation de confiance. La meilleure preuve se trouve dans la tasse me direz-vous. Certes. Le problème, c'est que ce n'est pas forcément facile au début, surtout quand on est seul.

Je me souviens par exemple qu'à mes débuts, je m'approvisionnais chez un seul et unique vendeur pour une famille de thé bien précise. Ça a duré deux ans environ. Il y avait des avis des fois assez contrastés sur ce vendeur, mais j'avais confiance et la certitude de boire des thés rares, artisanaux, à l'excellent rapport qualité prix. Seulement un jour, au hasard d'un échantillon glissé dans ma commande par un autre vendeur, j'ai pu gouter à un thé identique à ce que j'avais l'habitude de boire, même terroir, grosso modo même prix. Pas de "thé rare", pas de belle histoire, juste un travail de sélection très rigoureux (et documenté). Et je me suis rendu à l'évidence : mon plan n'était pas si exceptionnel que ça. J'avais été naïf. Pourtant des indices existaient, mais je n'avais pas voulu les voir. Ce fut néanmoins pour moi l'occasion d'apprendre deux très bonnes leçons : il faut gouter pour juger (surtout avant de critiquer), et il n'y a pas de fumée sans feu, ou assez rarement. 

Enfin, les vendeurs inconnus qui débarquent de n'importe où avec une sélection d'emblée alléchante et un site super léché, j'ai tendance à m'en méfier. Je ne m'empresse plus comme avant pour essayer de récupérer des échantillons. Si je peux en gouter un ou deux, par exemple dans le cadre d'un échange, je les boirais avec plaisir, mais je ne cours plus après. J'ai eu de trop nombreuses déceptions. Je ne dis pas que les bons plans n'existent pas. Ils sont extrêmement rares cependant si vous voulez mon avis.



つづく