Akira a pas mal insisté cette année dans ses articles, et sur un réseau social bien connu, sur l'influence de la main de l'homme sur le produit final. Il l'explique grâce à la chimie de la plante, fort de son expérience d'ingénieur agronome. C'est un point de vue assez unique dans le monde du thé, très intéressant à mes yeux. Il ne parlera pas d'effet sur le cholestérol, mais de concentration en matières minérales au sein des feuilles que nous buvons et son influence sur la qualité. Encore une fois, tout ceci pourra être extrapolé aux fruits et légumes que nous consommons.
L'emploi de pesticides, d'engrais, qu'ils soient bio ou non, la taille des arbres (du verbe tailler), vont avoir une influence sur la productivité. C'est leur but après tout. Plus de feuilles, généralement plus grosses, plus vertes, aux allures plus grasses, peut-êtres plus appétissantes au premier abord. Mais sont elles meilleures une fois infusées ?
Les photos de cet article sont empruntées à la collection d'Akira avec son aimable autorisation.
Ci-dessus une feuille ayant reçu une bonne dose d'engrais. Elle a utilisé cette énergie supplémentaire pour grossir, comme une personne à qui on donne une quantité supplémentaire de nourriture, comme un cochon qu'on engraisse, une oie qu'on gave.
Par contre, soumise à des conditions plus rudes, moins "fast", la plante va passer en mode survie. L'énergie, plus rare, ne sera pas utilisée pour grandir, mais conservée pour se protéger (du froid dû à l'altitude par exemple) et sera accumulée sous forme de matières minérales dans les feuilles.
L'emploi d'engrais va donc augmenter le nombre et la taille des feuilles, mais ces dernières ne seront pas plus riches en matières minérales, au contraire. La petite feuille qui aura lutté pour survivre, elle, en sera gorgée. Et, d'après Akira, ce sont ces matières minérales qui seront importantes pour le dégustateur.
Voici des exemples de plantations qui n'ont reçu ni engrais ni pesticide. Beaucoup moins de feuilles, mais gorgées de polyphénols, beaucoup plus qu'une grosse feuille bien grasse. Leur couleur est plus claire, tirant sur le jaune.
Voici pour l'emploi d'engrais. Et cela ne fait pas de différence s'il est bio ou non. La plante aura plus d'énergie de toute façon, elle ne souffrira pas assez pour produire des feuilles concentrées en polyphénols. Voici un exemple de théier élevé avec de l'engrais bio :
Outre les engrais, la taille (élagage) des arbres jouera un grand rôle. Voici un arbre qui a été taillé :
Un an après sa taille, ce théier est recouvert de feuilles. Très bon pour la productivité ! Mais Akira décrit le goût de ce thé comme plat, sans goût ni parfums remarquables.
Est-ce que ce genre de chose est bon pour une plante à consommer ?
Pour votre rosier dans le jardin, ok, mais là...
Autre chose qui doit être respectée : l'écosystème des sols, le terroir. La terre doit vivre. Exit donc les désherbants (même bio) et les pesticides. C'est dans un écosystème équilibré que les arbres donneront les meilleurs fruits et les théiers les meilleures feuilles. C'est un principe qu'on retrouve de plus en plus dans le vin également.
Nous voici dans le Lin Cang. C'est beau, non ? Et ça, c'est pas mal non plus ? (photo prise à Kasuga, jardin du Kasuga Zairai Sencha).
Je me souviens, il y a un an (déjà...), chercher dans les plantations en Malaisie l'insecte responsable de l'oxydation de l'Oriental Beauty, à parcourir des dizaines de mètres sans parvenir à repérer le moindre insecte, à secouer des branches sans voir un seul moucheron s'envoler... Honnêtement, ça fait peur...
Ci-dessus le tableau presque parfait selon Akira, ce qu'il recherche. Pourtant, ici, il manque quelque chose... la végétation au pied des théiers a été enlevée, brisant légèrement l'écosystème du milieu.
Alors, je
NE cherche
PAS à faire l'apologie totale de la sélection d'Akira, car il n'est pas le seul à accorder une énorme importance à la culture des théiers, au retour à une agriculture raisonnée, plus traditionnelle, qui se focalise sur la qualité et non sur la quantité (je pense à Postcard Teas, Essence of Tea...)
Je suis plutôt en train de faire
l'apologie de la nature : si on la laisse faire, qu'on ne cherche pas à augmenter la productivité, soit en ajoutant des engrais, en taillant, ou en évitant de perdre des feuilles à cause des insectes, elle vous le rendra au point de vue de la qualité !
La même chose s'applique partout et pour tout. Pourquoi la confiture de la grand-mère est-elle meilleure que celle du supermarché ? Pourquoi la gnôle d'antan était meilleure que celle que l'on trouve à présent dans le commerce ? Pourquoi le poulet de la petite ferme d'à côté est meilleur que ceux élevés en batterie ? Pourquoi le vin produit en biodynamie est-il meilleur que celui trafiqué par Michel Rolland pour ressembler à un vin qui plait à Parker ? L'homme veut vendre, s'enrichir, si ce n'est pas sur le dos des autres, c'est sur celui de la nature. Mais la qualité se perd en chemin. Et le monde du thé est plein de personnes sans scrupules, ou qui font confiance au marché chinois qui obéit à ses propres règles de commerce, différentes des nôtres.
Pour finir, voici une lecture que certains trouveront peut-être intéressante. C'est un livre japonais, traduit en anglais et distribué gratuitement par Yoko Ono. Vous le trouverez
ici. Il raconte l'histoire d'un homme qui laisse son verger "à l'abandon", laisse la nature y reprendre ses droits et qui finit par produire les meilleures pommes du monde, celles que les meilleurs chefs s'arrachent. Une belle histoire.
À bientôt !