vendredi 25 mai 2012

Mi Hua Xiang 2011 - Hojo Tea






Voici venue l'heure du Mi Hua Xiang, littéralement "Honey Flavor". Après avoir patiemment goûté une bonne partie de la gamme de Phoenix Oolong d'Akira, dans l'ordre croissant de prix (et de plaisir), me voici enfin arrivé au sommet. 78 € les 15g, soit 26€ pour cette dégustation. C'est le thé le plus cher que j'ai acheté à ce jour, mais je l'ai fait en connaissance de cause, pour avoir déjà goûté la version 2010 de ce thé, déjà médaillée d'or à l'époque, grâce à un échantillon alors offert par Akira. Mais mon palais n'était pas aussi habitué aux dan cong et, a fortiori, aux dan cong frais. Rappelons que c'est précisément dans cette catégorie qu'on trouve les tous meilleurs dan cong. Idem pour les Tie Guan Yin d'Anxi d'ailleurs.








Le set up utilisé est le même quasiment que pour le Tong Tiang Xiang. Le zhong de Mandarin's Tearoom accompagné de petites tasses de Jingdezhen (style Doucai) toujours en provenance de chez Tim. J'ai utilisé 5g de feuilles. Eau Mont Roucous bien entendu, dans une bouilloire en verre. Petite différence, je n'utilise pas de pot de réserve cette fois-ci. 

Aujourd'hui mes attentes sont un peu particulières par rapport à ce thé, car Akira m'a confirmé que la qualité des Dan Cong 2012 serait inférieure à celle de l'année précédente, et cela pour cause de pluies incessantes qui se sont abattues sur le Guangdong ces derniers temps. Il se rendra sur place le mois prochain, mais à part le haut du panier comme ce Mi Hua Xiang, ou à l'inverse l'entrée de gamme (Mi Lan Xiang), on risque de ne pas trouver la même sélection cette année que l'année dernière, ou alors peut-être si, justement, ces mêmes thés de 2011 restockés faute de mieux. Cela dit, il y aura un lot de consolation : sa nouvelle sélection de puerh promet d'être exceptionnelle, avec certaines trouvailles récentes ayant un aftertaste supérieur au thé dont je vais vous parler ici (!), qui est accessoirement le top de sa sélection en la matière au jour d'aujourd'hui. Le tout avec des prix attractifs pour la qualité. Affaire à suivre...








D'emblée, l'odeur des feuilles sèches annonce la couleur, et c'est plutôt une claque. On n'est pas sur le même registre que le Tong Tiang Xiang, mais plus proche d'un Mi Lan Xiang je dirais.

Honnêtement, des fois je me dis que je pourrais m'arrêter à cette étape. Je suis déjà comblé. L'odeur des feuilles sèches, même pas encore dans le zhong qui préchauffe, c'est le pied. Un parfum incroyable. Le bonheur est déjà total. Après, on peut préférer d'autres caractères, mais le nez est proche de la perfection. Je suis obligé de préchauffer le zhong une deuxième fois tellement j'ai passé du temps à humer ces feuilles...

Une remarque juste en passant sur la qualité de l'emballage : sur les 5 g prélevés du sachet (de 15 g), je n'ai rencontré aucune brisure, que des feuilles entières, ce qui parait normal pour ce prix mais pas évident non plus. Je me suis déjà fait envoyer un thé de rochers assez cher par correspondance par la m3t pour me retrouver au final avec un sac de miettes, pourtant avec la boite rigide qui va bien (?). Inutile de dire que le thé était à peine meilleur qu'un thé de base au final...








Alors, histoire d'être moins vague sur le parfum des feuilles sèches, maintenant que je suis un peu remis de mes émotions, je dirais agrumes, orange, fruits exotiques, litchi, mangue, et pêche. Dans le zhong chaud, c'est un peu plus floral. Rincées, ce sentiment est accru, avec des notes minérales superbes. Encore une fois, c'est dans la pureté, l'absence de fausses notes, que ce thé d'emblée semble se distinguer de ses congénères de grades inférieurs. En portant le zhong au nez tout en fermant les yeux, j'ai vraiment l'impression que mes narines sont à quelques millimètres de la chaire d'un fruit qu'on viendrait de cueillir et de couper en deux.  

Je conserve le même protocole que les dernières fois. Je ne sens aucunement le besoin de changer quoi que ce soit. Je pense avec un petit peu de recul que ces infusions courtes couplées à une bonne quantité de feuilles, sont particulièrement adaptées aux dan cong frais… À voir avec un thé torréfié.








C'est parti avec une poignée de secondes. Tout d'abord, c'est assez différent de mes souvenirs. Ce qui attrape mon attention au premier contact avec la liqueur, c'est une épice. D'emblée, ça m'a fait penser à du curry, plus précisément à du curcumin. Non, en fait ça ressemble beaucoup plus à de la coriandre. Je rassure le lecteur, j'ai fait particulièrement attention à ce que j'ai mangé avant cette dégustation. J'ai même fait attention d'être bien reposé et que toutes les planètes soient alignées de façon à ce que cette dégustation se passe au mieux. 

Pas le temps d'attendre la deuxième infusion avant de me faire rattraper par l'énergie de ce thé. Je fais une pause, pas forcement volontaire, m'assois bien. Ce thé est puissant et fortement relaxant. Je suis envahi par le besoin de bailler, de m'étirer. J'ai l'impression d'être un chat qui s'étire au milieu d'une siseste avec ce sentiment de satisfaction et de souplesse qu'on leur envie tant. Rares sont les fois où un thé m'a fait autant d'effet. La dernière fois, c'était lors de la dégustation d'un Wuyi Yancha d'Essence of Tea, pas au même niveau que ce dan cong, mais tout de même impressionnant à ce niveau là.








La deuxième infusion, qui durera aussi quelques secondes, est un peu moins légère. Elle laisse plus de place aux fruits, mais il y a aussi ce pôle épicé ressenti précédemment. Et c'est loin d'être désagréable. L'aftertaste est tel qu'on a l'impression que la liqueur se vaporise au moment d'atteindre la gorge. On respire mieux, on se sent mieux. Ce thé n'est pas extraordinaire de façon "évidente". Tout est dans la subtilité, même au niveau de l'aftertaste. En fait, ce n'est pas comme si le goût d'un fruit vous restait dans la gorge pendant des heures, mais c'est une sensation, une présence, qui reste. Alors bien sûr, elle est fruitée. Mais parler uniquement des saveurs, des fruits ou des fleurs auxquelles ce thé me fait penser, serait extrêmement réducteur et ne lui rendrait pas hommage. C'est un thé à vivre, pas à décrire.








Troisième. Cinq secondes à la louche. La liqueur est une version plus intense des deux précédentes. Malheureusement, y'a pas 36 moyens de dire à quel point cette dégustation est extraordinaire. Les mots me manquent. 

Aussi, je ne vais pas épiloguer longtemps parce que je n'ai pas envie d'aligner les superlatifs en boucle. Je vais plutôt profiter d'un moment tête-à-tête avec ce thé. En plus, j'ai une fâcheuse tendance à piquer du nez, et je ne crois pas que le thé soit totalement étranger à cet état...








La suite de la dégustation durera encore longtemps. Au dixième passage, je n'avais presque pas augmenté le temps d'infusion. Ce thé a vraiment une longévité assez extraordinaire. J'ai fini par faire une pause. Et c'est en me levant que je me suis rendu compte à quel point j'étais "teadrunk", limite à ne pas marcher droit. Impressionnant... !


Lorsque j'ai partagé mes impressions avec Akira, il m'a répondu ceci : "cet effet est précisément ce qu'on recherche. En Chine, l'aftertaste est souvent appelé de plein de façon différentes. Le Cha Qi a la même signification que le Hou Yun. On l'appelle Qi car il impacte directement le Qi de notre corps." Voilà qui éclairera peut-être la lanterne de certains, moi le premier...


Trois jours plus tard, alors que je peaufine cet article, je sirote toujours ce thé, qui tire à présent plus sur la banane verte. Hier, c'était l'ananas et la mangue fraîche. Toujours pas de fausse note.  Le thé est peut-être à présent moins intéressant, mais c'était encore loin d'être le cas hier. J'effectuerai une ultime infusion nocturne avant de déclarer cette session finie. C'est la première fois que je rencontre un oolong frais qui est encore excellent après une pause, a fortiori plusieurs. Voilà qui relativise un peu son prix.


À bientôt !


14 commentaires:

  1. Hello David,

    Merci de nous faire partager tes expériences.
    J'ai quelques questions:
    1-les feuilles du DC sont elles épanouies c'est à dire vraiment dépliées, détorsadées au final ? Si oui au bout de combien d'infusions?
    2-comment réserves tu ton infusion pendant les pauses: dans le zhong à température ambiante, au frigo, dans un autre contenant ?

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  2. Non, les feuilles d'un Dan Cong ne s'ouvrent pas comme celles d'un Tie Guan Yin ou d'un Dong Ding, en tout cas, pas avec ce genre de dosage. Elles restent longiformes. L'ouverture des feuilles ne se fait pas au sens littéral, mais renvoie plus à une phase de préparation afin qu'elles puissent livrer leurs précieuses saveurs. La dernière photo à été prise après une petite dizaine d'infusions pour te donner une idée.

    Pendant les pauses, je fais juste attention qu'il ne reste pas de liquide dans le zhong, et je le referme, ni plus ni moins. Pour repartir, je verse de l'eau bouillante 10-20 secondes que le zhong se réchauffe, je vide et je remets de l'eau bouillante pour la première vraie infusion.

    En espérant que ça t'aide.

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  3. Merci David.
    Je suis à la découverte des DC du Guangdong qui est une de mes familles de wulong préférées.
    En ce moment, je fais une série de 5 comparaisons sur l'influence du temps (une sorte de maturation, de temps de pause) sur des DC venant d'Imen, entre récolte de l'année et celle d'il y a 2. Et donc au cours de mes expériences, à faible dosage en set à déguster, 2g/10cl, je n'ai pas réussi à faire ouvrir les feuilles comme sur un TGY effectivement, d'où ma question. Je vais commencer à les déguster un à un maintenant pour former mon palais...
    Dis moi si je me trompe, les DC d'Akira sont ils tous des récoltes de l'année ? Est ce principalement pour cela que tu les appelles "frais" en dehors de la logistique de conditionnement? Autrement dit, un DC de la récolte de l'année dernière d'Akira sera t-il considéré comme frais?
    D'avance merci de ta réponse.

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  4. Bonjour,

    Et merci, David, de nous faire partager ta dégustation d'un thé exceptionnel.

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  5. Hi David,

    Thank you for an interesting article. I had some what similar results with this tea; however, I did not enjoy the third day's brews.

    Ben T

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  6. Ce que j'appelle Dan Cong frais, c'est déjà un Dan Cong, autrement dit un Phoenix Oolong de grade supérieur et pas commercial (les feuilles sont récoltées sur un voire deux arbres, c'est ce qu'Imen appelle single bush si je ne m'abuse) mais aussi et surtout non torréfiés et quasiment pas oxydés (<10%). Si tu regardes les feuilles, elles sont vertes. Il peut y avoir quelques points rouges, mais ils sont très rares. L'oxydation et la torréfaction sont deux opérations qui vont altérer le goût de manière significative. Le résultat peut être superbe, mais si à la base on a de très bonnes feuilles, ce n'est pas nécessaire. Le problème, c'est qu'une feuille non oxydée ne le restera pas longtemps, surtout que la saison des pluie suit de près la période de la récolte et que l'humidité va accélérer l'oxydation. Mais si le thé est acheté au bon moment avec une bonne logistique de façon à protéger les feuilles du vieillissement, alors on peut boire un dan cong frais. Il le restera tant qu'il sera dans l'emballage d'origine, voire plus si comme moi tu pousses le vice jusqu à acheter une machine à faire le vide...

    Les personnes qui vivent dans le Guangdong n'ont pas de problème pour trouver des feuilles fraîches. C'est vraiment la conservation et le transport qui demandent de faire appel à la torréfaction. Après, ça fait de très bons thés également (Master Wang, Master Lin chez Postcard teas).

    Tu trouveras des infos dans des articles précédents sur l'oxydation des Dan Cong par exemple.

    Bon week-end !

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  7. Hi Ben ! A pleasure to read you here. I've been meaning to write to you, procrastination is a b..... ^^

    So you retrieved your bag of samples ? Which one was your favourite in the end ?

    Third day with this tea consisted of relatively long steppings, and yes, it was not as good as the day before, but usually when I make a pause with a dan cong (one could say oolong I guess) it is always very disappointing when I get back to it. Here, the second day was incredible and the simple fact that this tea still had something to say the third day, even fainter, without being spoiled, was great ! I guess I didn't want to say goodbye to such incredible leaves. ^^

    Tim from Madarin's Tearoom once told me that a real good dan cong must be able to sustain pauses. I now see what he meant.

    Looking forward to seeing you once again one day.

    Take care !

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  8. Merci David de nous permettre de vivre un tel thé par procuration.
    Il faut quand même être confiant dans sa technique de préparation, et aussi confiant en sa capacité à vivre pleinement une telle dégustation avant de se lancer dans une telle aventure. Tu ne te sens pas un peu fébrile à l'heure de déguster un thé d'une telle trempe ? (moi si quand je me fais un Gyokuro...)

    (je viens de mettre en fond d'ecran ta photo de la branche de geranium dans son vase façon instagram...arigato !)

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  9. Merci lionel. Non, pas trop d'appréhension car je me sens assez armé face à ce genre de thé. D'une part, je suis les recommandations d'Akira qui sont tirées elles-mêmes de la façon dont les habitants du Guangdong boivent leur thé (avec plus de feuilles dans leur cas), et puis, j'en ai bu pas mal dernièrement.

    Paradoxalement, ce n'est pas tant dans la préparation du thé qu'est la difficulté pour moi, mais plutôt dans celle du dégustateur. Je fais ce genre de dégustation le dimanche, quand je suis bien reposé, alors que j'ai fait attention à ce que j'ai mangé, que j'ai le temps, etc. D'ailleurs aujourd'hui c'est au tour du Zhi Lan Xiang de Master Lin (Postcard Teas), un autre dan cong médaillé d'or.

    Sinon, j'avoue avoir bu de très grands crus en Malaisie, bien plus chers que celui-là, du coup je me sens moins fébrile face à ce genre de thé. Ça fait quand même presque un an que je l'ai cela dit... Mais Akira tenait à ce que je goûte dans l'ordre de prix. C'est à la fois pour éduquer le palais, mais aussi pour être plus serein quant à la préparation je pense. Il n'était pas vraiment d'accord avec mes temps d'infusion super longs utilisés précédemment (mais surtout pour des dan cong torréfiés).

    Merci pour la photo. C'est au moment où j'ai posté l'article que je me suis rendu compte qu'il y avait un puceron sur la tige. ;-)

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  10. En parlant de la préparation, tu sembles boire tes Dan Cong uniquement en Gaiwan,
    est-ce un parti pris de ta part pour découvrir le thé sans la modification apportée par la terre, but de dégustation aaalytique ?
    Est-ce que tu n'a pas trouvé de théière qui convienne a tes goûts ?
    Ou simplement sont-ce les conseils d'Akirah ?

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  11. Déjà, quand je découvre un thé pour la première fois, c'est zhong systématique. Transparence et objectivité.

    Maintenant, je pense que le zhong est le meilleur outil déjà pour les Oolong mais aussi pour tous les thés. Une théière va toujours modifier quelque chose, mettre en avant un trait particulier, gommer un défaut. Personnellement, je m'installe plus dans une philosophie qui consiste à acheter les meilleurs feuilles possibles et à les laisser s'exprimer dans de la porcelaine (de qualité). Peut être que c'est juste une phase mais je me sens solidement ancrée dans cette voie.

    J'ai essayé moult théières pour les dan cong, pour me rendre compte que je me forçais à vouloir utiliser un tel instrument, et je n'osais m'avouer que le résultat me décevait toujours un peu. J'ai toujours peur de "cuire" les feuilles délicates d'un Dan Cong, surtout pour un spécimen frais comme celui là. La solution de baisser la température mènerait à une extraction moindre ce qui n'est pas une option pour moi.

    De plus, de ce que j'entends des pratiques locales, beaucoup de chinois utilisent le gaiwan. Il y a certes un aspect pratique, mais si la théière était si extraordinaire que ça, tout le monde en utiliserait une à mon sens.

    C'est une réflexion qui mènera justement à un article prochainement.

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  12. Bonjour,

    Avant tout merci pour ce blog, que je suis avec beaucoup d'attention depuis quelques mois. J'avance pas à pas dans le riche univers du thé en me formant notamment à ton école. Et c'est un véritable plaisir.
    Ma question est très triviale : tu as mentionné l'utilisation d'une bouilloire en verre. Je me demandais si tu en avais trouvé une avec un régulateur de température. J'envisage l'acquisition d'un tel outil, je suis donc directement intéressée.

    Merci encore pour tous ces beaux articles si bien illustrés.

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  13. je suis tout à fait impatient de ton billet sur terre / porcelaine en tout cas

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  14. Bonjour Agathe. Merci pour ton message. Concernant ma bouilloire en verre, il ne s'agit pas d'un modèle électrique, mais d'un simple récipient qui se pose sur un réchaud, dans mon cas à alcool. Tu trouveras plein de photos sur le blog de Philippe : http://addicttea.blogspot.fr/search/label/Glass%20Kettle%20Yama

    Pour ce qui est du variateur, je n'en ai pas besoin. Tous les thés que je bois quasiment s'infusent à l'eau bouillante. Dans les rares cas où j ai besoin d'une eau moins chaude, je verse mon eau bouillante dans un récipient prévu à cet effet (yuzamashi) dans lequel je mets un thermomètre quand je veux être précis. J'ai eu une bouilloire avec régulateur dans le passé, mais les écarts entre la température affichée et la température réelle m'a fait peur...

    Bonne continuation !

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