mardi 25 janvier 2011

Chawan made in Switzerland, by Ginkgo





 




Voici un chawan réalisé par Ginkgo. Depuis que j'ai découvert son blog où l'on peut, entre autre, admirer son travail, j'ai eu envie de posséder l'une de ses pièces. C'est maintenant chose faite. Et le moindre qu'on puisse dire est que je suis loin d'être déçu. Ce bol interpelle tous les sens et son aspect change quasiment de jour en jour. Je vais vous le présenter ici. Mais d'abord, je vais préciser pour les profanes ce qu'est un chawan.








Un Chawan est un bol conçu pour préparer et déguster le thé traditionnel de la cérémonie du thé japonaise. Ce thé, le maccha, se présente sous forme de poudre qu'on mélange à de l'eau chaude avant de battre le tout avec un fouet de bambou (chasen.) Il convient donc d'avoir un bol assez large, pas trop effilé de manière à permettre une bonne préparation. Voici un article en anglais qui en parle justement.

Sen no Rikyu, qui codifia la cérémonie du thé quasiment telle qu'elle est connue à ce jour, réfléchit beaucoup aux outils simples mais élégants qui devraient être employés. Les bols qu'il préférait étaient ceux nommés Raku, un des principaux potiers de ce style se nommait Chojiro. On peut voir certains de ces bols au musée de cette école à Kyoto. Il est amusant de voir le public se pencher au plus près des vitrines, mimant de leurs mains la prise des bols, pour évaluer leur toucher. Deux autres styles très connus sont ceux de Hagi ou de Karatsu. "D'abord Raku, Hagi en second, Karatsu en troisième" dit un vieil adage nippon.









Voici une petite vidéo montrant une jolie brochette de chawan. On peut y avoir à quel point la beauté réside dans l'imperfection et l'asymétrie. Il s'agit de la collection et a priori également d'œuvres d'un céramiste tchèque nommé Jirka Duchek. Il y a d'abord des chawan puis des yunomi (tasses).









Pour comprendre pourquoi les japonais sont friants de ces formes imparfaites, il faut se dire que là-bas, symétrie n'est pas synonyme de perfection, que le blanc ne renvoie pas à la pureté ni à la propreté, que la finesse n'implique aucune élégance. En Europe, si on essayait de dessiner un bol "parfait", une tendance serait de prendre une forme géométrique standard, de travailler des courbes dans un souci de symétrie et de parallélisme. Pas au Japon, ni en Corée d'ailleurs d'où vient le style de Hagi.








Au niveau de la création de ces objets, il est fréquent de lire que beaucoup des pièces fabriquées sont détruites, car le "hasard" a son rôle à jouer dans la cuisson notamment. Bien évidemment, ce "hasard" est quelque chose que l'expérience doit aider à maitriser. Mais par exemple une artiste que j'aime particulièrement nommée Yamane Yoshiko, qui pratique le style Kazuwa-yaki, et qui fera l'objet d'un prochain article, détruit environ 50% de ses créations, le résultat ne lui convenant pas. Peut-être est-elle extrêmement perfectionniste ?








Cet aspect "aléatoire" a un avantage incroyable : chaque bol est unique et continuera d'affirmer son unicité pendant son évolution. Car il ne s'agit pas de porcelaine ici, mais d'émaux et autre matériaux poreux. Chaque session de thé, ou autre pour un verre à sake par exemple (guinomi), laissera sa trace et influencera l'avenir de son esthétisme. Surlignage des fissures, apparitions de taches, sont des signes habituels. Pour les céramiques de Hagi, un des grands styles d'objets de thé nippon, ce phénomène se nomme "Hagi no Nana Bake" littéralement les 7 changements d'Hagi.








Revenons un peu à ce chawan de Ginkgo. Déjà, je dois dire qu'il m'a fallu une petite éternité pour me décider entre deux modèles. J'ai été rassuré une fois le choix fait : pas de regret : c'était le bon choix.

Il est constitué d'une superposition de deux émaux. Le premier est brun et fait à partir de terre volcanique, le second, celui du dessus, est un émail shino. La cuisson s'est opéré à 1280°C, en oxydation.








J'adore ce bol car il a quelque chose d'organique, et si je poussais un peu, je dirais qu'on le croirait sorti d'un film de Cronenberg. L'émail est comme lacéré, laissant entrevoir la couche brune/rouge profonde du dessous. Sur l'extérieur, on peut voir des excroissances verdâtres tout à fait originales. Il faut le voir pour bien l'apprécier, car malgré les efforts pour la photographie, rien ne remplacera la prise en main d'une telle pièce, les sensations de froid et de lisse de la texture extérieure, avec toutes ses aspérités. Certains détails sont difficiles à deviner par des seuls clichés, car par transparence, des couleurs, du rose, du rouge plus profond, du vert apparaissent.








Autre chose importante, les sensations du contact lèvres-bol. C'est quelque chose que les utilisateurs de la seule céramique ne peuvent comprendre à mon avis, et pourtant cela jouera un rôle très important dans la dégustation et influencera copieusement le résultat gustatif. Ici, c'est froid, un peu rugueux par endroit, poreux, très agréable.








Bref, la vue et le toucher sont à tout point interpellés par ce bol. Les détails ne manquent pas et occupent beaucoup l'œil. Et ce chawan évolue très rapidement. De tout petits pores retiennent le thé, agrémentant l'intérieur de mini tâches vertes. Au début j'ai essayé de les enlever, puis j'ai décidé de laisser ce bol tranquille, évoluer à sa guise. Je ne vous montre pas pour le moment les premières évolutions qui pourtant sont assez visibles. Mais ça viendra bien assez vite, ne vous inquiétez pas.








Une chose assez incroyable pour finir : ce bol fait du bruit quand on verse de l'eau chaude à l'intérieur. De micro bulles d'air emprisonnées dans les multiples pores et autres fissures se dégagent, comme si on y avait lâché un cachet effervescent. Douce musique. Encore un sens mobilisés.

Le reste est en images tout au long de cet article...


À bientôt !


Prochain article : Song Zhong de Hojo's Tea (dan cong)


vendredi 14 janvier 2011

Mi Lan Xiang de Hojo Tea



Il y a quelques semaines, je suis rentré en contact avec Akira Hojo au sujet d'une théière. Nous avons pas mal échangé, comme d'habitude ai-je envie de dire. J'aime sa vision du thé, somme toute différente des autres vendeurs. Ses thés sont réputés pour être assez chers, mais la qualité est toujours au rendez-vous. C'est toujours le même débat, n'est-ce pas ? Acheter moins de thé mais plus cher, ou plus de thé moins cher. Ayant déjà fait un petit tour des thés qui m'intéressaient, je choisis la première option. Et je ne suis jamais déçu avec les thés d'Akira.

Quand ce dernier se met à proposer des dan cong et des puerh, connaissant son perfectionnisme et ses critères de sélection draconiens, je ne peux qu'avoir envie de les gouter. Voici mes impressions "en direct" de ce dan cong. J'ai ici retranscris mes notes instantanées prises au cours de la dégustation. Seule la conclusion est écrite a posteriori. Pour info, j'ai aussi acheté la théière...








Ceci est une dégustation découverte, un premier contact. J'ai bu beaucoup de dan cong différents cet hiver. Je commence à me sentir plus à l'aise. L'observation des feuilles, leurs odeurs, vont donner des bons indices sur la manière de les infuser.

Voici le lien vers la page de ce thé (en anglais.)

J'utilise toujours le même protocole pour aborder un nouveau dan cong : 5g dans mon gaiwan de 10cl.








Odeur des feuilles sèches : prélude d'une dégustation gourmande ; pour autant, j'ai du mal à décrire ce que je sens. Il y a du fruit exotique, de la pêche, et des notes plus florales mais à ce stade, rien de plus précis.

Odeur des feuilles sèches dans le zhong chaud : le côté fruité est tout de suite plus accentué. Également, un côté miel/pain d'épice assez sympathique. Ça sent très bon !! Ce dan cong a l'air énergique, je ne vais pas le pousser les infusions trop loin au début.

Odeur des feuilles humides : après un bref rinçage à l'eau bouillante (5") le côté plus floral ressort. Je laisse un bref repos aux feuilles avant de passer à la suite.








Première infusion : 30" : les odeurs prisonnières de mon pot bellybutton, dont la forme est idéale pour les retenir, sont très classe, pas agressives pour un sou, et restent assez longtemps. Très bon signe.

La liqueur avalée fait saliver un long moment. L'évolution est bluffante, très florale mais avec un fond sur le litchi. À ce stade, avec ces thés qui ont une grande longueur, il faut faire attention de ne pas boire trop vite la seconde infusion, pour éviter une superposition des saveurs.

Il doit bien se passer 3 minutes après avoir avalé ma première infusion avant que je décide de passer à la seconde. Je prends un temps assez similaire car les feuilles s'ouvrent en ce début de session. Plus serait risqué.








Deuxième infusion : 35" : même remarque sur les parfums du pot. Celle-ci est plus florale en bouche, puis évolue en flèche. Cette évolution finit par assécher la langue et met du litchi plein la bouche. Extra. Le temps était bon, mais ma curiosité me force à pousser un peu. J'attends un peu que les éruptions de litchi s'arrêtent, pendant ce temps, je prépare la suivante, pour qu'elle soit à température quand je serai prêt.


Troisième infusion : 1' : c'est bon. J'ai bien fait d'augmenter. Mangue, papaye, litchi, il manque plus que le soleil...

Je me rends compte que j'utilise de l'eau bouillante et que l'astringence n'est pas démesurée, loin de là. Des fois, avec les dan cong, il faut savoir accepter une relative astringence, qui sert à améliorer la longueur. Baisser un peu la température, par exemple en versant l'eau dans le pot avant de la transvaser dans le zhong, aide. À noter qu'un ami qui est parti dans le Guangdong m'a dit que les locaux utilisaient un ratio de feuilles très élevé avec de l'eau bouillante, menant souvent à des liqueurs très astringentes. Ici en tout cas, c'est parfait.

Je décide de pousser encore pour la prochaine.








Infusion 4 : 2' : un peu plus expressif à l'attaque, ce qui ne me déplait pas. Cela dit, je n'offrirai pas une telle tasse à quelqu'un qui n'a pas l'habitude. La grande concentration des saveurs nuit cependant à la longueur. C'est souvent le cas avec le thé. Il faut chercher son point d'équilibre.








Infusion 5 : 2' : Quand j'ai le sentiment d'avoir dépassé le temps idéal, j'utilise la  même durée jusqu'à ce que je trouve mon bonheur. Une technique comme une autre. Je range une tasse car les feuilles se sont réhydratées et prennent plus de place. A ce stade, je me demande si mes papilles sont saturées ou si la liqueur est moins expressive. Honnêtement, je pense que la première option n'est pas à négliger. Même si je ne sens pas de saveurs rémanentes dans la bouche, l'astringence reste. Ce genre de thé ne supporte pas bien les pauses j'ai remarqué. Je ne pourrai donc pas savoir.


Les infusions suivantes ne sont pas chronométrées. J'allonnnnnge, remplis le zhong dès qu'il est vidé - évitant ainsi qu'il ne refroidisse trop après des temps plus importants. Souvent à ce stade, je bouquine, versant quand j'y pense. Le meilleur est derrière moi, ce qui ne veut pas dire que la suite est dénuée d'intérêt.

Ce dan cong est d'une pureté assez incroyable. Le choix de l'eau est à mon avis important pour parvenir à ce résultat. Une eau peu minéralisée du commerce, chauffée dans une bouilloire Lin's de surcroit... La prise de risque est moindre.








Ce que je changerai la prochaine fois que je ferai ce thé : pas grand chose. Une théière spéciale dan cong m'attend à Londres. J'irai la chercher mi février. Cependant, je ne sais si ce thé déjà très doux et sans aspérité gagnerait dans une théière. Une seule façon de le savoir me direz-vous. Indeed...







Conclusion : un thé vraiment expressif d'une très haute qualité. Akira m'a parlé longuement de ses critères de sélection en matière de thé et de dan cong en particulier. Il ne s'est pas trompé. Il y a tout : arômes superbes, textures plaisante et surtout une longueur extra, ce qui est mon critère de prédilection pour les thés de cette famille.

J'ai en ma possession les deux autres dan cong en vente chez Hojo (et les 3 puerh) encore que je crois qu'il vient d'en rajouter deux autres. J'ai hâte de les gouter. Mais j'attendrai un moment spécial. Ces thés exigent de l'attention.

A bientôt !


Prochain article : Un Chawan helvétique !


lundi 10 janvier 2011

Back to Basics : puerh (3/3) : Préparation







Dernière partie de cet article : une introduction à la préparation. C'est parti !
 


Dans quel instrument infuser son puerh ?

En gros, il y a le choix entre le zhong (ou gaïwan, cette petite tasse en porcelaine munie d'un couvercle) et une théière. Il ne faut pas se prendre la tête trop longtemps sur cette question. Le puerh, surtout s'il est jeune, jusqu'à dix ans environ, n'est pas un thé qui demande d'avoir LA théière super méga chère. Un zhong suffira presque toujours. Néanmoins, je préfère les puerh cuits en théière. On dit que les vieux puerh sont également mieux ainsi, mais je n'ai que peu d'expérience en la matière, même si je suis tenté de le croire.



Préparation :


Je vous conseille les vidéos de jeancarmet pour apprendre comme procéder (avec humour.) Je vais illustrer ici comment s'y prendre avec un zhong.




Le matériel : un zhong (celui-ci fait 10cl,) une tasse, un bol pour les eaux de rinçage et une serviette pour essuyer les goutes puisque je n'utilise pas de bateau à thé ici.




On commence par préchauffer le zhong avec de l'eau bouillante...




... puis on remet le couvercle. On attend environ 30 secondes que ce dernier soir bien chaud. Et on jette l'eau.




On met ses feuilles de puerh à l'intérieur, ici  à vue de nez 3g de maocha, on referme rapidement, éventuellement secoue un peu le tout. Ensuite on ouvre et on sent l'odeur des feuilles sèches dans le zhong chaud. C'est un peu l'apéro de la préparation. Un très bon moment.

Il y a plusieurs manières de doser le puerh. Cela fera l'objet d'un article prochain. Sans rentrer dans les détails, je conseille pour ma part de doser peu le puerh sheng jeune (2g - 3g pour 10cl) et un peu plus fortement le puerh cuit ou âgé (environ 4-5g.) Bien évidemment, il faudra que chacun fasse des essais pour trouver ses marques et ce pour chacun de ses thés. La préparation du thé n'est pas une science exacte. Plein de facteurs entreront en jeu qui rendront chaque session unique.




On verse ensuite de l'eau chaude sur les feuilles, sans ménagement. Pas besoin de refaire bouillir l'eau si on n'a pas trop trainé. Pour un puerh sheng, je rince entre 5 et 10 secondes, quelque fois plus si les feuilles sont très compressées. Pour le puerh cuit, je compte 30 secondes.

Il faut surtout bien vider l'eau après cette étape. Un fond d'eau dans un zhong et l'infusion suivante en fera les frais, au prix d'une amertume désagréable. Ceci est vrai entre chaque infusion.

Je laisse ensuite les feuilles se reposer 1 à 2 minutes pendant lesquelles elles vont un peu s'ouvrir et les blocs se déliter.





Attention de ne pas se brûler en versant le thé très chaud. Pour cela, deux conseils :

- ne pas trop remplir le zhong,
- ne pas verser trop vite sous peine de voir l'eau couler sur vos doigts.

Un zhong comme celui-ci à bord large aide au début. Mais c'est une question de pratique avant tout.




Une bonne habitude est de verser cette eau de rinçage dans sa tasse (ou son pichet) afin de le laver d'éventuelles impuretés et de la préchauffer.




On pourra sentir les feuilles humides et comparer à l'odeur des feuilles sèches. Il y a souvent une différence importante.

D'une manière générale, sentir les feuilles après chaque infusion est une bonne habitude à prendre.




Voilà le moment de la première infusion. On verse de l'eau bouillante (éventuellement un peu plus fraiche dans le cas d'un puerh un peu vert en fonction des goûts) et on infuse 30 secondes pour débuter.

Cette première infusion va finir d'ouvrir les feuilles. La seconde infusion ne devra pas être plus longue que la première car les feuilles bien ouvertes normalement vont délivrer beaucoup de matière aromatique. Si vous disposiez à la base d'un bloc très compact, surveillez les feuilles, car quand elles commenceront à se libérer du bloc, l'infusion devra être plus courte, et ce sera peut-être plus tard qu'à la seconde infusion.

Après on augmentera le temps petit à petit. Chaque infusion donnera une idée du temps de la suivante. Si on est par exemple à 1 minute pour la 4ème infusion et qu'elle est trop faiblarde, on pourra faire 1 min 30s pour la suivante. On verra en fonction du résultat que faire ensuite. Au contraire si elle est trop forte, gardez le même temps pour la suivante ou diminuez un peu.




Pour mes 3g dans 10cl, on peut par exemple faire des temps du style : 30" / 20" / 30" / 45" / 1' / 1'30" / etc.

Mais cela pourra varier énormément d'un puerh à l'autre.

Pour les puerh cuits, je conseille d'utiliser des temps plus longs et des dosages plus élevés, en théière. Disons, en moyenne 4-5g/10cl : 30" / 30" / 1' / 1' 30" / 2' / etc.




On verse bien tout le thé. Il est dans la tasse. On laisse refroidir jusqu'à arriver à une température agréable. On utilise ses sens le plus possible.




Pour la suite, on continue jusqu'à ce que des infusions plus longues ne donnent plus rien de plaisant. Les dernières pourront attendre 15, 20, 30 minutes sans problème. On peut interrompre une session pour la reprendre plus tard. Ça marchera mieux sur un vieux puerh qu'un jeune en général.

Mon péché mignon est de toujours terminer par une infusion d'au moins une demie journée, souvent une nuit. Le résultat est toujours extra.




Le gong fu cha doit rester un plaisir, presque un jeu. Il ne faut pas trop se prendre la tête surtout au début sur quelques paramètres imparfaits. Chaque session perfectionnera la technique et apportera son lot de découvertes et de nouvelles interrogations. Il faut jouer également avec ces paramètres, mettre plus ou moins de thé, augmenter les temps d'infusion, baisser la température, aller jouer avec les extrêmes, etc.

Le mieux est de consigner ses paramètres et ses impressions quelque part. Un cahier, un fichier informatique. Cela permet entre autre de se rendre compte qu'avec le temps, les paramètres changeront pour coller à ses goûts, qui évolueront eux aussi.

Il y aurait beaucoup à dire, à rajouter dans cette préparation, mais ce n'est qu'une approche. Chaque geste, chaque étape mériteraient un article tout entier. Une bonne idée de série d'articles à venir...


À bientôt !


lundi 3 janvier 2011

Back to Basics I : Puerh (2/3) : Critères de choix









Tout d'abord, je vous souhaite à tous tout mes vœux à tous pour cette nouvelle année ! Je ne suis pas très "résolutions" etc, mais si je devais en prendre une, ce serait sûrement... de continuer de découvrir le thé et les céramiques japonaises à fond !!


Pour la deuxième partie de cette petite série, je vais continuer de parler un peu de généralités et aussi des critères de choix d'un bon puerh. Je commence par une question qui m'a été posée.


Quelle est la différence entre un puerh cru stocké en milieu très humide et un puerh cuit ?

N'étant pas un spécialiste des puerh stockés de façon humide, je vais néanmoins me risquer à donner une réponse, surtout qu'en relisant ce que j'ai écrit auparavant, je me rends compte que la distinction n'est pas évidente.

Pour un puerh cuit, les feuilles sont traitées avant d'être compressées. En général, elles sont stockées à même le sol dans de grands hangars, arrosées d'eau et recouvertes d'une bâche jusqu'à ce que le degré de fermentation désiré soit obtenu. Ensuite les feuilles sont séchées puis éventuellement compressées.

On peut ainsi imaginer que ce traitement est autrement plus "violent" que le simple stockage dans une atmosphère humide, surtout d'un morceau de thé déjà compressé.


Pour se faire une bonne idée des méthodes de fabrication du puerh, je vous suggère d'aller voir les reportages photo de Philippe Coste.








On voit souvent le puerh compressé en formes bizarres...

Le puerh se décline en effet sous différentes formes. C'est quasiment le seul thé à se trouver ainsi. Les feuilles séchées de base (maocha) sont trop volumineuses pour le transport. Elles étaient donc traditionnellement compressées. Le thé sous certaines formes au poids normalisé servaient même à payer l'impôt.


On distingue principalement :








- la Galette (bing, cake) : la forme la plus commune. Ancestralement, les feuilles placées dans un sac étaient pressées sous des pierres. Elles sont souvent regroupées par sept et entourées de feuilles de bambou. Le résultat obtenu s'appelle un tong.

On trouve des galettes de plusieurs tailles. Les plus répandues sont celles de 357g, 400g et 500g. Comme votre camembert à présent vendu en petites parts enveloppées individuellement pour faire significativement augmenter le prix, on trouve à présent des galettes de 200g, voire de 100g dont le prix se rapprochent souvent de leurs homologues plus grandes. Le marché du puerh est juteux, et tous les moyens sont bons pour tirer du profit.








- la Brique : souvent de 250g ou de 500g.








- le Carré : 100g ou 200g.








- le Tuocha : rencontré plus fréquemment faisant 100g ou 250g.

On trouve aussi la forme melon et champignon.








Enfin, le Maocha de base : les feuilles séchées.







Comment ne pas me faire arnaquer pour acheter du puerh ?

Essayez de ne pas acheter à l'aveuglette et renseignez-vous au moins au début.

Il existe deux sortes de boutiques pour acheter du thé de qualité : celles qui ont véritablement un magasin basé quelque part et celles qui ne vendent que sur internet. Celles que vous recherchez auront un bon feedback de leurs produits trouvables sur le net en général. Partir à l'aventure auprès d'un revendeur dont personne n'a jamais entendu parler peut être un pari risqué pour quelqu'un qui débute.

Une boutique de confiance apportera des informations pour accompagner ses thés et assurera une bonne traçabilité de ses produits : année, cultivar, âge des arbres, éventuellement photos. Si vous allez par exemple à Terre de Chine, on vous montrera des photos des arbres qui ont servi à la cueillette et des vidéos de la manufacture du thé. Puis on vous montrera une carte avec la localisation de ces arbres. C'est ce que j'appelle du service de qualité.

A contrario, un vendeur qui ne saura rien vous dire sur son thé, à part lire l'étiquette à haute voix, ne sera pas d'emblée très convaincant de mon point de vue.








Quel bon conseil donner à quelqu'un qui veut se lancer ?

Diversifier vos sources d'approvisionnement et procurez vous le maximum d'échantillons possibles.

Plusieurs boutiques permettent d'acheter de petites quantités de thé, même de galette. Foncez sur l'occasion dès que c'est possible. Il est plus intéressant pour un débutant d'essayer 10 échantillons de 20g qu'une galette de 200g. Après, passer du temps avec un même thé est aussi une bonne idée afin d'apprécier l'impact des différentes méthodes de préparation sur le rendu. La préparation en elle-même fera l'objet de la troisième partie de cet article.

Dites vous bien que la sélection d'un magasin reflète les goûts et les critères de son propriétaire. À qualité égale, une boutique moins réputée qu'une autre peut offrir des produits qui vous plairont plus.








Quelles sont les qualités d'un bon puerh ?

Les mêmes que pour tout bon thé ou tout bon vin ou alcool. Il  y a essentiellement trois qualités à trouver :

- le parfum, le nez, tout le côté aérien ;
- la texture : le "grain" gustatif en bouche, la façon dont le liquide interagit avec les papilles ;
- la longueur en bouche : une fois le thé avalé, les saveurs continuent à se sentir et à évoluer.

Un très bon puerh se conservera très longtemps en bouche et on le respirera longtemps encore après l'avoir avalé, des fois plusieurs heures après. À noter que ce sera vrai pour bien d'autres sortes de thés.


À part ça, mon choix personnel va plus dans les puerh dont les feuilles sont issus d'une seule récolte que dans les blends. Comme le whisky, je préfère un single-malt (ou sinlge-cask) à un blend. Mais étant en phase de découverte, ce moyen me permet aussi d'essayer d'apprendre à reconnaitre les différents terroirs existants.








Comment dois-je conserver mon puerh à la maison ?

Nul ne sait comment vont vieillir nos belles galettes et notre puerh en général sous nos latitudes. Pareil qu'en Chine ou à Taïwan ? Différemment, que ce soit en bien ou non ? Mystère et boule de gomme. Il y a quelques années, ces questions ne se posaient même pas, le prix du vieux puerh étant tout à fait abordable. À présent, on doit penser au plan B.

Le plus important sont les conditions du lieu où vous le stockerez. Voici les choses communément admises : à l'abri de la lumière et des odeurs domestiques, à température ambiante sans variation. Le moins de fluctuation du degré d'humidité (hygrométrie.)








Le papier de soie est pratique pour entourer votre puerh sous forme compressée. Il laissera respirer le thé. Le tout pourra être rangé dans une boite, non fermée pour laisser respirer encore une fois.

En Chine les galettes sont entassées par sept et entourées de feuilles de bambou. Il existe à présent des paniers en bambou de plusieurs tailles pour ranger son thé.








Le puerh en vrac pourra être gardé dans le sac dans lequel il a été vendu, en chassant l'air et en le fermant avec un trombone ou une pice à papier (ou le zip.) Il pourra aussi être conservé dans une jarre en argile, sans odeur bien évidemment. On pourra aussi y mettre ses puerh compressés. S'ils ne rentrent pas, on pourra par exemple détacher des morceaux d'une galette.








L'important n'est pas de se prendre la tête avec la conservation selon moi, juste de respecter les règles de base citées plus haut.

Voilà pour cette fois-ci. À bientôt !


PS : vous l'avez peut-être vu dans le blogroll, La Galette de Thé ouvre ses archives à tous, sans les commentaires. Pour les gens comme moi qui ont découvert et appris le gong fu cha au travers de ce blog, il s'agit d'un excellent cadeau de Noël. Merci Philippe !


Tasse blanche : Tetsuaki Nakao, émail galaxy hiver.