Dernière partie de cet article : une introduction à la préparation. C'est parti !
Dans quel instrument infuser son puerh ?
En gros, il y a le choix entre le zhong (ou gaïwan, cette petite tasse en porcelaine munie d'un couvercle) et une théière. Il ne faut pas se prendre la tête trop longtemps sur cette question. Le puerh, surtout s'il est jeune, jusqu'à dix ans environ, n'est pas un thé qui demande d'avoir LA théière super méga chère. Un zhong suffira presque toujours. Néanmoins, je préfère les puerh cuits en théière. On dit que les vieux puerh sont également mieux ainsi, mais je n'ai que peu d'expérience en la matière, même si je suis tenté de le croire.
Préparation :
Je vous conseille les vidéos de jeancarmet pour apprendre comme procéder (avec humour.) Je vais illustrer ici comment s'y prendre avec un zhong.
Le matériel : un zhong (celui-ci fait 10cl,) une tasse, un bol pour les eaux de rinçage et une serviette pour essuyer les goutes puisque je n'utilise pas de bateau à thé ici.
On commence par préchauffer le zhong avec de l'eau bouillante...
... puis on remet le couvercle. On attend environ 30 secondes que ce dernier soir bien chaud. Et on jette l'eau.
On met ses feuilles de puerh à l'intérieur, ici à vue de nez 3g de maocha, on referme rapidement, éventuellement secoue un peu le tout. Ensuite on ouvre et on sent l'odeur des feuilles sèches dans le zhong chaud. C'est un peu l'apéro de la préparation. Un très bon moment.
Il y a plusieurs manières de doser le puerh. Cela fera l'objet d'un article prochain. Sans rentrer dans les détails, je conseille pour ma part de doser peu le puerh sheng jeune (2g - 3g pour 10cl) et un peu plus fortement le puerh cuit ou âgé (environ 4-5g.) Bien évidemment, il faudra que chacun fasse des essais pour trouver ses marques et ce pour chacun de ses thés. La préparation du thé n'est pas une science exacte. Plein de facteurs entreront en jeu qui rendront chaque session unique.
On verse ensuite de l'eau chaude sur les feuilles, sans ménagement. Pas besoin de refaire bouillir l'eau si on n'a pas trop trainé. Pour un puerh sheng, je rince entre 5 et 10 secondes, quelque fois plus si les feuilles sont très compressées. Pour le puerh cuit, je compte 30 secondes.
Il faut surtout bien vider l'eau après cette étape. Un fond d'eau dans un zhong et l'infusion suivante en fera les frais, au prix d'une amertume désagréable. Ceci est vrai entre chaque infusion.
Je laisse ensuite les feuilles se reposer 1 à 2 minutes pendant lesquelles elles vont un peu s'ouvrir et les blocs se déliter.
Attention de ne pas se brûler en versant le thé très chaud. Pour cela, deux conseils :
- ne pas trop remplir le zhong,
- ne pas verser trop vite sous peine de voir l'eau couler sur vos doigts.
Un zhong comme celui-ci à bord large aide au début. Mais c'est une question de pratique avant tout.
Une bonne habitude est de verser cette eau de rinçage dans sa tasse (ou son pichet) afin de le laver d'éventuelles impuretés et de la préchauffer.
On pourra sentir les feuilles humides et comparer à l'odeur des feuilles sèches. Il y a souvent une différence importante.
D'une manière générale, sentir les feuilles après chaque infusion est une bonne habitude à prendre.
Voilà le moment de la première infusion. On verse de l'eau bouillante (éventuellement un peu plus fraiche dans le cas d'un puerh un peu vert en fonction des goûts) et on infuse 30 secondes pour débuter.
Cette première infusion va finir d'ouvrir les feuilles. La seconde infusion ne devra pas être plus longue que la première car les feuilles bien ouvertes normalement vont délivrer beaucoup de matière aromatique. Si vous disposiez à la base d'un bloc très compact, surveillez les feuilles, car quand elles commenceront à se libérer du bloc, l'infusion devra être plus courte, et ce sera peut-être plus tard qu'à la seconde infusion.
Après on augmentera le temps petit à petit. Chaque infusion donnera une idée du temps de la suivante. Si on est par exemple à 1 minute pour la 4ème infusion et qu'elle est trop faiblarde, on pourra faire 1 min 30s pour la suivante. On verra en fonction du résultat que faire ensuite. Au contraire si elle est trop forte, gardez le même temps pour la suivante ou diminuez un peu.
Pour mes 3g dans 10cl, on peut par exemple faire des temps du style : 30" / 20" / 30" / 45" / 1' / 1'30" / etc.
Mais cela pourra varier énormément d'un puerh à l'autre.
Pour les puerh cuits, je conseille d'utiliser des temps plus longs et des dosages plus élevés, en théière. Disons, en moyenne 4-5g/10cl : 30" / 30" / 1' / 1' 30" / 2' / etc.
On verse bien tout le thé. Il est dans la tasse. On laisse refroidir jusqu'à arriver à une température agréable. On utilise ses sens le plus possible.
Pour la suite, on continue jusqu'à ce que des infusions plus longues ne donnent plus rien de plaisant. Les dernières pourront attendre 15, 20, 30 minutes sans problème. On peut interrompre une session pour la reprendre plus tard. Ça marchera mieux sur un vieux puerh qu'un jeune en général.
Mon péché mignon est de toujours terminer par une infusion d'au moins une demie journée, souvent une nuit. Le résultat est toujours extra.
Le gong fu cha doit rester un plaisir, presque un jeu. Il ne faut pas trop se prendre la tête surtout au début sur quelques paramètres imparfaits. Chaque session perfectionnera la technique et apportera son lot de découvertes et de nouvelles interrogations. Il faut jouer également avec ces paramètres, mettre plus ou moins de thé, augmenter les temps d'infusion, baisser la température, aller jouer avec les extrêmes, etc.
Le mieux est de consigner ses paramètres et ses impressions quelque part. Un cahier, un fichier informatique. Cela permet entre autre de se rendre compte qu'avec le temps, les paramètres changeront pour coller à ses goûts, qui évolueront eux aussi.
Il y aurait beaucoup à dire, à rajouter dans cette préparation, mais ce n'est qu'une approche. Chaque geste, chaque étape mériteraient un article tout entier. Une bonne idée de série d'articles à venir...
À bientôt !
Une fois de plus, très beau billet.
RépondreSupprimerLes photos sont superbes et concilient avec classe la beauté du bois de la table et la douceur d'une lumière crépusculaire - comme en réponse au commentaire de Philippe à l'article du 7 décembre :).
Concernant le maniement du zhong, je préfère pour ma part utiliser la sous-tasse : je pose les deux pouces sur le bouton du couvercle, les deux index et les deux majeurs sous la sous-tasse, et je verse en tenant le tout (sous-tasse, tasse et couvercle). Cela présente plusieurs avantages : on ne risque pas de se brûler avec les bords de la tasse, la sous-tasse retient le thé qui coule, et surtout cela permet de verser plus vite. Ce petit gain de précision est particulièrement intéressant pour préparer des thés qui nécessitent des infusions rapides, comme les Dan Cong, ou pour les infusions "chargées".
J'imagine que cela peut paraître un peu inesthétique (tenir le zhong à deux mains, verser avec la sous-tasse...), mais à l'usage, je trouve finalement que cela donne plus d'équilibre et de "solidité" à l'acte de verser et, par extension, à toute la préparation.
Enfin, tu as raison de souligner le plaisir et l'aspect ludique de l'apprentissage de la préparation. Néanmoins, avec la répétition, cette préparation a cessé d'être pour moi un aspect périphérique de la dégustation. Elle est devenue le moment central - celui de la concentration - et les gestes ont progressivement pris la saveur d'un rituel. Apprendre à attendre pendant que les feuilles infusent, apprendre à observer les couleurs, ou à recueillir au creux du couvercle l'esquisse de la tasse à venir - c'est cela aussi le gong fu cha.
Merci encore pour ce billet, et pour l'ensemble de ce blog,
Amicalement,
Robin
"Merci encore pour ce billet, et pour l'ensemble de ce blog"
RépondreSupprimerVoilà, Robin a tout dit, je n'ai pas grand chose à ajouter, si ce n'est que nous attendons la suite ;)
Pour revenir à la tenue du zhong, je n'avais jamais envisagé de la prendre à 2 mains ! J'essaierai à l'occasion.
Après plusieurs changements de prise en main, j'ai opté définitivement pour cette technique : je passe les 4 doigts (index/majeur/annulaire/auriculaire) sous la sous-tasse, je laisse le pouce sur le bouton du couvercle, et je verse. Plus jamais de brûlure ;)
ma technique infaillible pour ne pas me brûler avec le zhong : je n'en utilise jamais !
RépondreSupprimerMerci à vous trois.
RépondreSupprimerJ'ai d'abord cherché des techniques pour le zhong, comme celle de l'index et du majeur en V sous la soucoupe et le pouce sur le couvercle. Et puis finalement, en améliorant ma technique, je n'utilise plus que la méthode classique. Le truc est vraiment de trouver une position stable en ne touchant que les rebords du zhong, pour une surface de contact minimale. Mais qu'importe après tout.
La remarque de lionel me fait penser qu'on peut très bien utiliser une petite théière en porcelaine ou en verre pour plus de confort et le même résultat, pour pas cher en plus.
"Jouer" avec mes théières chez moi c'est le pied. Au bureau dans un open-space c'est pas trop possible.
RépondreSupprimerC'est donc le zhong qui rythme mes journée de travail.
Le mug, je connais pas et j'ai surtout pas envie de connaitre ;-)
Bons thés
Nicolas