lundi 16 août 2010

Tetsuaki Nakao









Aujourd'hui, j'aimerais faire un clin d'oeil à mon ami Hidehisa, la personne se cachant derrière la boutique eBay Magokorodo.

Depuis peu de temps, la sélection d'artistes avec qui il travaille compte un nouveau membre, et pas des moindres. Tetsuaki Nakao est un céramiste hors pair, voici son site (en japonais.)

Il travaille une technique spéciale, le Ginga-yû, Galaxy glaze. Je ne connais pas la traduction exacte de "glaze" en français. Vu que ça doit être un terme technique, je n'ai pas envie de l'écorcher avec une traduction approximative.

Il décline ses styles en cinq familles suivant la couleur, portant les noms des saisons, plus Janvier (Mustsuki.)








J'ai la chance d'être l'heureux possesseur d'une de ces pièces du style Spring Galaxy.








En main, cette tasse ne pèse pour ainsi dire rien du tout. Elle fait moins de 70g pour 6cm de hauteur et 8 cm de diamètre. C'est assez irréel, surtout quand elle est chaude. J'ai décidé de l'employer avec mes Dan Cong, sans doute les thés les plus fins que j'ai en ma possession.

Utiliser un tel objet d'art pour boire son thé est une expérience différente de la simple tasse blanche en porcelaine fine, que j'utilise néanmoins assez souvent, même si de moins en moins.








Quand je suis assez concentré sur le rendu de mon thé, j'en viens parfois à oublier la tasse en elle-même. Je pourrais utiliser n'importe quoi, mon esprit est concentré sur autre chose. Ce n'est pas le cas avec des objets comme celui-là. On ne peut omettre sa présence, sa beauté.

La tasse a aussi son rôle à jouer dans le Cha Xi. Elle a son esthétisme et son contact avec les lèvres va changer l'expérience. Imaginez-vous buvant à la tasse ci-dessous, et vous comprendrez peut-être de quoi je veux parler.








Au Japon, l'œil est sollicité dans la vie de tous les jours d'une manière bien différente de chez nous. C'est comme si tout avait été repensé, poussé dans ses limites (parfois trop.) Des choses simples ont une ou plusieurs fonctions supplémentaires ou sont faites différemment, souvent pour le mieux. De même, la recherche de l'esthétisme, de l'harmonie est utltra présente dans les tableaux urbains, mais aussi dans des activités où nous autres semblons moins soucieux de faire du beau.

Dans le domaine culinaire, c'est flagrant. Voici quelques photos du repas que nous avons partagé avec Hidehisa l'automne dernier. C'était dans un restaurant assez discret de Tottori tenu par un maître cuisto ayant fait ses armes à Kyoto avant de revenir ouvrir son restaurant ici. On y boit son saké dans des tasses Yamane Seigan. Le cuisinier nous a offert les nôtres d'ailleurs. Un souvenir inoubliable pour le meilleur repas japonais de ma vie, et je peux vous dire que j'en ai fait un paquet...





Les meilleurs sashimi du monde...




Le sel au matcha




Tempura de sardine





Un régal...




Sushi...




Allez, j'arrête de vous faire saliver et je mets fin à ce billet un peu fourre-tout. Place à la belle, la tasse Spring Galaxy de Tetsuaki Nakao.

À bientôt !












NB : les photos que je publie sont uniquement retouchées un peu dans les contrastes ou l'exposition. Je cherche à ce que les couleurs soient les plus fidèles possibles, juste un peu plus "flashy" peut-être. Je précise car ça n'a pas toujours été le cas. Et pour ceux qui me l'ont demandé, mon appareil est un compact Panasonic Lumix DMC-FS62.



jeudi 12 août 2010

Le doute









L'ennemi de tout débutant. Celui qui fait sortir de sa concentration, qui gâche souvent le plaisir.

Et si j'étais en train de passer totalement à côté de ce qu'avait voulu dire la personne qui a confectionné ce thé, torréfié ces feuilles ? Si j'infusais court, trop court pour faire ressortir la vraie essence de ce thé ? Et si au contraire, j'étais en train de l'étouffer par un temps et/ou un dosage trop important ?





Pas facile d'effacer de tels doutes. Rares sont ceux ayant la chance d'avoir un maître de thé pour les guider. Nous avons quelque fois accès à l'expérience de certaines personnes partageant leur passion sur la toile. Mais il nous faut surtout compter sur la pratique et la curiosité pour avancer. Cela demande du temps. Il faut l'accepter.

On adoptera plutôt une approche scientifique, armé d'instruments en tout genre : balance ultra précise, chronomètre, papier et crayon, ou une approche plus calme laissant place à la seule pratique, souvent juste aidée d'un bon pifomètre. J'avoue avoir été longtemps de la première école, opérant par dichotomie, établissant des règles empiriques pour se rassurer.

On découvre alors qu'on préfère tel thé comme ceci, plutôt que comme cela. Mais pour combien de temps cela sera-t-il vrai ?





La lecture d'une petite histoire m'a fait réfléchir dernièrement. Il s'agit de celle d'un élève apprenant la cérémonie du thé au Japon qui demande à son maitre : "vous dites que telle manière de procéder est la bonne, or, lors d'un voyage, j'ai rencontré un autre maitre qui m'a dit de faire plutôt comme cela." Et son maître de répondre : "quelque soit le maître qui enseigne, il a raison sur le moment." Cela m'a d'abord semblé étrange, en particulier pour une cérémonie aussi codifiée que le chanoyu. Mais la réponse est plus fine qu'il n'y parait.

Bien plus loin dans ma réflexion, je me suis dit : si je prends un thé précis, qu'après moult expériences je dis que la meilleure façon possible (pour moi) de l'infuser est dans tel instrument, en mettant tant de feuilles pendant tant de temps à une température donnée, quelle chance y aura-t-il pour que ce soit toujours vrai dans 2 ans ?

Déjà, les thés que nous buvons n'étant pas des blends, je ne retrouverai jamais exactement le même. On est pas chez Lipton. Si j'en conserve tout ce temps, il changera de façon certaine. Avec l'expérience de tout ce qu'aura pu rencontrer mon palais en deux ans, mes sensations seront différentes, ainsi que mes envies. Enfin, sauf dans le cas du zhong, la théière aussi aura changé, son rendu affecté par les infusions passées. Alors à quoi bon se casser la tête ?





J'ai souvent l'impression - ou plutôt peur - de passer mon temps à courir après mes thés, me disant qu'il y a moyen de s'améliorer, de tirer plus profit de la feuille. A quoi bon chercher à tout prix la bonne, que dis-je, la meilleure manière d'infuser son thé si celle-ci est sujette à bouger dans le temps ?

Alors que cette réflexion pourrait donner envie de s'arracher les cheveux, elle peut aussi rendre les choses incroyablement simples !

Si on part du principe que tout évolue de la sorte, alors la recherche de paramètres précis est futile, car peut être que de s'enfermer dans ceux-ci sous prétexte que cela a fonctionné avant aura pour conséquences de passer à côté de son thé à un nouvel instant "t."

Une "simple" dégustation avec des paramètres au jugé n'apportera alors rien de moins, mais ajoutera au plaisir de se passer du doute d'avoir mis 3 grammes plutôt que 4, d'avoir infusé 1'27" à la place de 1'13" et des folles conséquences néfastes que cela pourrait avoir. On tirera alors simplement des enseignements de ce que l'on voit, sent, sur le moment. Plutôt que de se demander ce qu'aurait donner une autre façon, on appréciera simplement ce qu'on a.





Tout cela pour dire que mes réflexions récentes m'ont fait prendre un nouveau virage dans ma voie du thé. J'ai décidé de lever le pied sur les expériences et comparaisons à outrance. Plus de balance, plus de chrono. Place au feeling ! Trop de tasses gâchées car le doute a fait s'évaporer le plaisir unique du moment. Qu'importe si ma tasse n'est pas la meilleure. Elle sera dorénavant le fruit de l'instant présent, belle dans son unicité et son côté incontrôlable. Et je doute qu'elle soit exempte d'enseignement.





À bientôt !


PS : Cet article est illustré de photos de ma nouvelle théière. Il s'agit d'une Yixing qui appartenait à Nada avant qu'il ne décide de s'en séparer. Hong Ni. 70's. 90ml. Yixing Factory #1. Parois fines. C'est « la dernière avant un moment, » comme aurait dit Philippe de la Galette de Thé. Son blog à présent disparu, je tenais à lui dédier ces photos, trop petit hommage aux longs moments de rêveries passés à contempler sa collection, et à lire tout le reste...