mercredi 27 février 2013

dimanche 24 février 2013

La Main de l'Homme

Akira a pas mal insisté cette année dans ses articles, et sur un réseau social bien connu, sur l'influence de la main de l'homme sur le produit final. Il l'explique grâce à la chimie de la plante, fort de son expérience d'ingénieur agronome. C'est un point de vue assez unique dans le monde du thé, très intéressant à mes yeux. Il ne parlera pas d'effet sur le cholestérol, mais de concentration en matières minérales au sein des feuilles que nous buvons et son influence sur la qualité. Encore une fois, tout ceci pourra être extrapolé aux fruits et légumes que nous consommons.


L'emploi de pesticides, d'engrais, qu'ils soient bio ou non, la taille des arbres (du verbe tailler), vont avoir une influence sur la productivité. C'est leur but après tout. Plus de feuilles, généralement plus grosses, plus vertes, aux allures plus grasses, peut-êtres plus appétissantes au premier abord. Mais sont elles meilleures une fois infusées ?




Les photos de cet article sont empruntées à la collection d'Akira avec son aimable autorisation.




Ci-dessus une feuille ayant reçu une bonne dose d'engrais. Elle a utilisé cette énergie supplémentaire pour grossir, comme une personne à qui on donne une quantité supplémentaire de nourriture, comme un cochon qu'on engraisse, une oie qu'on gave.

Par contre, soumise à des conditions plus rudes, moins "fast", la plante va passer en mode survie. L'énergie, plus rare, ne sera pas utilisée pour grandir, mais conservée pour se protéger (du froid dû à l'altitude par exemple) et sera accumulée sous forme de matières minérales dans les feuilles.

L'emploi d'engrais va donc augmenter le nombre et la taille des feuilles, mais ces dernières ne seront pas plus riches en matières minérales, au contraire. La petite feuille qui aura lutté pour survivre, elle, en sera gorgée. Et, d'après Akira, ce sont ces matières minérales qui seront importantes pour le dégustateur.








Voici des exemples de plantations qui n'ont reçu ni engrais ni pesticide. Beaucoup moins de feuilles, mais gorgées de polyphénols, beaucoup plus qu'une grosse feuille bien grasse. Leur couleur est plus claire, tirant sur le jaune.









Voici pour l'emploi d'engrais. Et cela ne fait pas de différence s'il est bio ou non. La plante aura plus d'énergie de toute façon, elle ne souffrira pas assez pour produire des feuilles concentrées en polyphénols. Voici un exemple de théier élevé avec de l'engrais bio :








Outre les engrais, la taille (élagage) des arbres jouera un grand rôle. Voici un arbre qui a été taillé :








Un an après sa taille, ce théier est recouvert de feuilles. Très bon pour la productivité ! Mais Akira décrit le goût de ce thé comme plat, sans goût ni parfums remarquables.




Est-ce que ce genre de chose est bon pour une plante à consommer ? 
Pour votre rosier dans le jardin, ok, mais là...




Autre chose qui doit être respectée : l'écosystème des sols, le terroir. La terre doit vivre. Exit donc les désherbants (même bio) et les pesticides. C'est dans un écosystème équilibré que les arbres donneront les meilleurs fruits et les théiers les meilleures feuilles. C'est un principe qu'on retrouve de plus en plus dans le vin également.








Nous voici dans le Lin Cang. C'est beau, non ? Et ça, c'est pas mal non plus ? (photo prise à Kasuga, jardin du Kasuga Zairai Sencha).








Je me souviens, il y a un an (déjà...), chercher dans les plantations en Malaisie l'insecte responsable de l'oxydation de l'Oriental Beauty, à parcourir des dizaines de mètres sans parvenir à repérer le moindre insecte, à secouer des branches sans voir un seul moucheron s'envoler... Honnêtement, ça fait peur...








Ci-dessus le tableau presque parfait selon Akira, ce qu'il recherche. Pourtant, ici, il manque quelque chose... la végétation au pied des théiers a été enlevée, brisant légèrement l'écosystème du milieu.


***


Alors, je NE cherche PAS à faire l'apologie totale de la sélection d'Akira, car il n'est pas le seul à accorder une énorme importance à la culture des théiers, au retour à une agriculture raisonnée, plus traditionnelle, qui se focalise sur la qualité et non sur la quantité (je pense à Postcard Teas, Essence of Tea...)

Je suis plutôt en train de faire l'apologie de la nature : si on la laisse faire, qu'on ne cherche pas à augmenter la productivité, soit en ajoutant des engrais, en taillant, ou en évitant de perdre des feuilles à cause des insectes, elle vous le rendra au point de vue de la qualité !

La même chose s'applique partout et pour tout. Pourquoi la confiture de la grand-mère est-elle meilleure que celle du supermarché ? Pourquoi la gnôle d'antan était meilleure que celle que l'on trouve à présent dans le commerce ? Pourquoi le poulet de la petite ferme d'à côté est meilleur que ceux élevés en batterie ? Pourquoi le vin produit en biodynamie est-il meilleur que celui trafiqué par Michel Rolland pour ressembler à un vin qui plait à Parker ? L'homme veut vendre, s'enrichir, si ce n'est pas sur le dos des autres, c'est sur celui de la nature. Mais la qualité se perd en chemin. Et le monde du thé est plein de personnes sans scrupules, ou qui font confiance au marché chinois qui obéit à ses propres règles de commerce, différentes des nôtres.



Pour finir, voici une lecture que certains trouveront peut-être intéressante. C'est un livre japonais, traduit en anglais et distribué gratuitement par Yoko Ono. Vous le trouverez ici. Il raconte l'histoire d'un homme qui laisse son verger "à l'abandon", laisse la nature y reprendre ses droits et qui finit par produire les meilleures pommes du monde, celles que les meilleurs chefs s'arrachent. Une belle histoire.


À bientôt !

mercredi 20 février 2013

Photoshoot (7) : Hijiri Black (Postcard Teas)







...is a high grown Japanese black tea made by the Obayashi family who have been producing award winning teas for over 30 years... 










Grown in Okumikawa, Aichi on the mountain where the gods of the great Ise Jingu are believed to dwell, hijiri is the Japanese word for sacred... 










This unusual black tea has many characteristics in common with some of the best high grown Ceylon teas, including a fresh, sweet grassiness and Wintergreen flavour. It is produced in very limited quantities...  





   





Brew with boiling water and a teaspoon of tea per cup for best results... 










Master Obayashi's teas have won numerous Ministry of Agriculture and his tea has been selected as a tea for the Japanese Emperor. The first time was around 35 years ago and prompted him to stop using any pesticides... 









All his teas are hand-picked... 








jeudi 14 février 2013

Quick Review (12) : Bai Ji Guan 2010 (EoT)






Voici quasiment deux ans que ce thé attend que je le regoûte. Notre première rencontre fut courte. J'avais fait l'erreur d'essayer de le boire sur un estomac vide. Résultat : au bout de trois infusions, mon ventre criait famine, et il m'avait fallu faire une pause avant de le reprendre. Cependant, je n'avais jamais retrouvé toutes les qualité originelles de ce thé plusieurs heures après.

Voici donc ma revanche. Précisons que je ressors ce thé aussi car Romuald en a parlé récemment. Nos paramètres sont assez différents, et cela va à mon avis jouer sur le résultat.









J'utilise 7 grammes de feuilles, dosage relativement raisonnable pour moi ces derniers temps. Je dois avouer avoir pris goût aux dosages de cochon avec les thés torréfiés. Généralement, je vise 1 gramme par centilitre pour les Tie Guan Yin et autres wulong taiwanais torréfiés. Je fais légèrement moins avec les Yancha, dans les 7-8 grammes en général.

Je vais faire 3-4 passes en zhong avant de transvaser les feuilles dans ma Ba Le, dédiées aux thés torréfiés.









Les feuilles sèches sont très prometteuses. On est clairement dans le même registre que certains Dan Cong. Sous la couche de notes torréfiées, se cachent des arômes de fruits (raisin sec) avec une pointe d'exotisme. Le tout est très équilibré.

Dans le zhong chaud, c'est assez difficile à décrire, je ressens comme une certaine fraicheur alliée à la pointe d'exotisme ressentie précédemment.

Rincage flash pour réveiller les feuilles et enlever l'écume. Le nez bascule. De la poire alliée à des notes de cacao ? Litchi ? Je ne sais si mes sens sont fidèles ou non, mais disons juste que c'est très agréable.









Première infusion flash, limpide. L'arôme des feuilles devient très fruité et minéral. La liqueur est un peu tannique, légèrement astringente (dosage oblige), mais passe toute seule au niveau de la gorge laissant une sensation agréable. Je ne saurais décrire le mélange de fruits qui reste en bouche, mais ce qui m'étonne c'est leur prédominance par rapport aux notes pyrogénées, très en retrait.

Deuxième, une petite dizaine de secondes. Toujours aussi fruité. La texture est plus grasse, le thé moins astringent aussi. C'est très agréable, pas trop puissant mais franchement fruité. Des images de chaire de fruits me viennent en tête alors que la longueur opère (poire, litchi). Il y a quelque chose de fumé aussi en arrière plan, comme du pin fumé (je pense au Zheng Shan Xiao Zhong, Lapsong Souchong de Terre de Chine pour ceux qui connaissent).









Arrivé à la troisième, le thé est plus lisse et coule tout seul, stimulant chaque partie de la bouche rencontrée. C'est encore légèrement astringent, mais les sensations en bouche sont tellement belles que ça ne me dérange aucunement. Le fruité est intense, le fumé est toujours dans le paysage.

Une quatrième et dernière avec la porcelaine, et ce sera au tour de la théière. Ce thé est vraiment long. Les effluves de fruits se succèdent si bien qu'il semble vain d'attendre qu'elles finissent avant d'enchaîner.









J'allonge un peu les temps d'infusion, le volume de ma Ba Le étant plus important que celui du gaiwan que j'ai utilisé.

C'est bien le même thé que je bois, mais il m’apparaît de manière légèrement différente. La texture d'abord est d'une douceur sublime. C'est soyeux et le thé s'en retrouve moins astringent. Les sensations de gorge sont plus agréables aussi. Le thé perd peut-être en détail, mais le troc est rentable : on les retrouve de toute façon dans la longueur, et le raisin sec l'emporte à présent sur le reste.









La session s'est poursuivie dans le calme. Le thé a tenu un bon moment avant d'être totalement épuisé. 

Je note que ma théière a encore besoin de voir du paysage pour être plus performante. Elle "boit" encore beaucoup de choses, malgré les infusions de plusieurs heures/jours en fin de session. Ce genre d'instrument demande à un bon culottage, des dizaines de sessions, et de ne pas rester trop longtemps sur l'étagère. Il faut être patient. Mais jamais cela dit je n'ai eu de rendu aussi propre et prometteur avec une théière neuve. La suite est donc prometteuse...


À bientôt !






jeudi 7 février 2013

Coups de Coeur 2012 (1) : Bai Ying Shan 2012 (Hojotea)






Petite rubrique pour essayer de sélectionner les thés que j'ai le plus appréciés en 2012. Et j'aimerais commencer cette courte série par celui-ci car il m'a fortement impressionné. Parmi la sélection de puerh 2012 d'Akira, soient sept thés, trois m'ont vraiment interpellés. Le premier fut le Bai Ying Shan 2008, le même que celui dont je vais vous parler à présent, avec quatre années de plus. Le dernier est le Da Xue Shan Wild Raw Puerh, dont je vous parlerai prochainement.





Cette version 2012 est l'archétype même du jeune puerh que j'aime. Il y a deux ans, il y avait eu la Mengku d'Akira qui m'avait bien plu, l'année dernière, c'était le Lao Hei Zhai, un cran au-dessus, et cette année ce thé. Je parle pour le moment du gustatif pur, du plaisir du goût, de l'émotif, pas du reste. Ces trois thés ont en commun un aspect fruité typique du Lin Cang oserais-je dire, du moins de l'idée que je m'en fais. On a à la fois des agrumes dans tous les sens (pamplemousse, yuzu) alliés à des notes exotiques. Le tout prend le pas sur le pôle légumes verts/tabac que je remarque d'habitude sur les puerh de l'année. Je ne suis pas spécialiste pour décrire les notes florales, mais il y aurait à mon avis matière à discuter.





J'aime ce genre de profil gustatif. Il me réjouit dès que j'ouvre un sachet, et j'ai du mal à boire autre chose quand je décolle un (gros) morceau de ma galette avant de la remettre sous vide. Tous les autres puerh me semblent alors inférieurs. Du coup, ma galette est bien entamée, dangereusement même.








Mais parlons un peu de la qualité de ces feuilles, car ce n'est pas parce que j'aime son profil qu'il est de qualité. L'année dernière, pour continuer sur la sélection d'Akira, le Lao Hei Zhai était mon chouchou, mais de qualité inférieure au Bing Dao par exemple. Cette année, je n'ai pas ce genre de problème : tout dans ce thé me parait plus que correct, de l'odeur des feuilles sèches, aux arômes des tasses, en passant par l'équilibre général du thé, sa douceur, sa loooongueur et ses notes finales sucrées et hespéridées (=agrumes), sa légère amertume, son empreinte sur mon corps. Je rencontre rarement des thés auxquels j'ai envie d'attribuer une note presque parfaite, mais là, selon mes critères personnels, on s'en rapproche. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de défaut, mais ils me plaisent. Je pense que la qualité des feuilles est au-dessus de la version 2008, ce qui, après enquête, semble s'expliquer par le fait qu'il y ait eu moins de pluies en 2012 qu'en 2008. Le théier a donc poussé plus lentement, dans des situations plus dégradées qui vont produire des feuilles plus concentrées en matières minérales. 





Je n'en achèterai pas un tong pour autant, pas trop mon style, mais je m'en mettrais bien une ou deux galettes de côté, une pour boire, et une pour la postérité, comme j'ai fait avec la Bing Dao l'année dernière, l'évolution de cette dernière (sous vide) étant d'ailleurs assez épatante, mais ce n'est pas le sujet. Akira m'a enfin affirmé qu'il pourrait avoir d'une année sur l'autre ce thé avec une qualité similaire, en plus d'autres surprises le connaissant. Aussi je préfère ne pas acheter un puerh particulier en trop grande quantité, mais plutôt une ou deux galettes de puerh différents, en espérant me retrouver dans quelques années avec un grand choix, plutôt qu'avec quelques tongs de galettes identiques. Ce genre de quantité me décourage plus qu'autre chose. Un stock limité rend un thé un peu plus spécial. On fait attention, surveille son stock, chérit chaque dégustation, ce qui n'est pas le cas quand on en a beaucoup. 





Voilà pour cette présentation dithyrambique. Ce thé est l'un de mes coups de coeur de l'année 2012. Il y en a eu un certain nombre, mais si je devais par exemple en choisir trois, celui-ci ne serait pas loin si ce n'est sur la plus haute marche du podium.








Je ne ferai pas de compte-rendu de dégustation pour ne pas allonger cet article, et puis parce que ce thé est trop beau pour être disséqué.












Je vous présenterai une prochaine fois le Da Xue Shan Wild Raw Puerh qui occupe dans ma tête la même place de choix. Deux thés qui me rendent tout simplement heureux.








































À bientôt !