Voici le dernier article de cette petite série. Je vais y parler entre autre de l'impact de cette théière sur le thé après une petite introduction.
Ces dernières semaines, grâce à une personne extraordinaire du monde du thé, j'ai beaucoup appris. J'ai appris que le thé, ce n'est pas forcément simple, qu'à l'instar de toute discipline, plus on voulait progresser, plus il fallait se donner, étudier et expérimenter. Sérieusement. Plus on avance, plus on se rend compte de la complexité de la tâche à accomplir. Attention, ce n'est pas une condition nécessaire pour être amateur de thé. Cela peut être simple et le rester pour celui qui le veut. Mais ce n'est pas la voie que je prends actuellement, assez terre à terre, avec pas mal d'exercices, de tests, sur l'eau, les arômes et le sacre saint
after taste (longueur en bouche). J'y reviendrai. Tout cela n'est pas gratuit. Le but est de mieux ressentir la profondeur du thé, de développer le palais et le nez afin qu'ils soient plus précis. Cela va demander du temps, beaucoup de temps même.
Boire boire boire. Voilà tout ce que j'avais à l'esprit. Mais il faut maintenant que je m'attarde sur le reste, que je reprenne les choses dans l'ordre. L'eau, bien évidemment, peut être le plus important de tout. Je le réalise à présent. J'ai par exemple découvert que les compte-rendus de dégustation de mes derniers articles n'étaient pas aussi objectifs que je les voulais, et ce à cause de l'emploi de ma bouilloire Lin's qui change des choses sur le rendu final, par rapport à une bouilloire plus neutre en inox. Je suis en train d'expérimenter ses effets précis. L'eau donc...
Je l'ai déjà dit, mais je le crois à présent encore plus nettement TOUT a une influence sur le thé. Il faut en avoir conscience. Et à ce petit jeu là, la théière a un rôle très important. Son utilisation, son affectation doivent être en accord avec le thé et l'eau choisis.
Il ne faut pas attendre de miracles des théières, quels que soient leurs prix, aussi extravagant soient-ils. Bien souvent, si elles apportent des choses, elles en enlèvent aussi. Elles transforment. Les utilisateurs réguliers de la porcelaine vous le diront. Ceci n'a rien à voir avec le fait d'aimer le résultat ou non. Pour moi, une théière change le résultat. Point. Le but est de la faire coller à ce qu'on veut, et de ce qu'on est prêt à céder pour l'obtenir.
On peut, par exemple, pour profiter d'une longueur en bouche accrue, sacrifier les arômes, parfois de manière assez importante. Dans ce cas précis, on trouvera ou non que cela est judicieux pour certains thés à l'after taste puissant, comme les dan cong. Mais celui qui y sera moins sensible ou qui privilégiera autre chose ne sera pas satisfait du résultat. C'est un choix, une affinité entre la théière, le thé, et l'eau. Tous peuvent être de qualité mais ne pas s'entendre entre eux.
Pour en venir plus précisément à cette théière Chao Zhou, elle travaille sur la texture. Quelle que soit la quantité de feuilles employée, elle vous délivrera une liqueur douce et soyeuse. Elle supprimera l'astringence de manière significative. Je l'ai remarqué en lui donnant des feuilles du dan cong le plus astringent que je connaisse, en quantité, et elle m'a livré à la sortie un petit lait d'une douceur superbe.
Le côté sucré des thés est vraiment mis en avant grâce à cette théière. Dommage que la forme ne se prête pas aux dong ding ou autres petits bonbons aux miels. Il me faudra cependant faire des essais avec baozhong torréfiés (qizhong) ou âgés.
Elle gomme un peu la torréfaction des thés pour se concentrer sur ce qu'il y a au-dessous. C'est d'ailleurs sur cette catégorie qu'elle tire le mieux son épingle du jeu selon moi. En particulier sur les thés de rochers. En effet, je gardais le meilleur pour la fin, car là où elle excelle vraiment, c'est sur la mise en avant de la minéralité des thés. On gardera ainsi en bouche cet aspect après que le reste ait disparu, cette impression minérale, ultra présente dans les wuyi yan cha.
Dès que je m'en suis aperçu, aiguillé par les conseils de Tim il faut l'avouer, j'ai donc essayé beaucoup de thés de cette famille avec cette Chao Zhou. A la boutique de Postcard, Tim nous avait fait un blind test avec son Rou Gui de Maître Xu, une tasse préparée en zhong, l'autre avec une théière identique à la mienne, même paramètres. Le résultat était - étonnamment - exactement l'inverse de ce que j'aurais cru, chose confirmée par des essais à la maison. Le thé dans cette théière est plus présent, plus précis, plus intense qu'en zhong, alors que je l'aurais pensé plus arrondi.
Cela dit, je dois avouer que ça ne marche pas avec tous les wuyi yan cha. Certains gagnent à être infusés avec cette théière, tandis que d'autres sont justes meilleurs en zhong. Ma Yixing qui officie aussi sur les Wuyi Yan Cha tire également son épingle du jeu pour certains d'entre eux, mais pas tous. C'est à la fois frustrant et normal. Un bon thé de rochers demande un savoir faire pour être préparé. Et on en trouvera de plein de sortes différentes : des jeunes, des vieux, des feuilles plus ou moins oxydées, torréfiées plus ou moins fortement, au charbon de bois ou non, une ou plusieurs fois, avec plus ou moins de temps entre elles, etc. Il parait donc "logique" qu'une unique théière ne puisse convenir à cette famille. Par contre, la porcelaine, elle, sera toujours fidèle, et si elle est de qualité, le résultat n'en sera que plus beau.
Les photos de cet article ont été prises sur deux soirs consécutifs avec le même thé, le Rou Gui de Maître Xu vendu par Postcard Teas, un soir en porcelaine et l'autre en théière Chao Zhou. Très beau thé au passage, que je connais un peu pour le côtoyer depuis un peu moins d'un an, tout en finesse, bien différent des autres thés de rochers que je connais, souvent très torréfiés, plus forts et moins subtils. Moins prestigieux que le Da Hong Pao du même Maître Xu, mais très bon néanmoins.
Voilà, il y aurait encore beaucoup à dire sur les sujets évoqués ici, mais il faut bien en laisser pour les prochaines fois.
À bientôt !