Voici le deuxième thé que j'ai sélectionné parmi mes coups de coeur de l'année 2012. J'en ajouterai bien un troisième si j'ai le temps. Il y a tellement de thés dont j'aimerais parler en ce moment... Il s'agit d'un puerh sauvage. Ça ne signifie pas qu'il soit ancien, juste qu'il n'est normalement pas cultivé par la main de l'homme. Avec la permission d'Akira, voici une illustration tirée de la page qui parle de ce thé.
À gauche, un théier domestiqué, qui ressemble l'un de nos arbres fruitiers. À droite, un arbre sauvage, comme un arbre typique de forêt. Ici, il est visiblement vieux, mais ce n'est pas pour ça qu'il faut confondre les deux !
Mais revenons à notre thé. Un puerh sauvage donc. Pour ceux qui ne connaissent pas, ça change beaucoup du puerh sheng classique. D'apparence plus foncé, on trouve parfois des feuilles plus claires dans le mélange, dont la couleur varie du jaune au rouge, nommées Huang Pian. Ce sont soit de vieilles feuilles qui sont ramassées lors de la récolte afin d'encourager la pousse de jeunes bourgeons, soit la troisième feuille du quatuor "bourgeon + 3 feuilles" qui jaunit au cours du sha qing.
Toujours est-il qu'elles sont la plupart du temps triées, et souvent récupérées et pressées sous forme de brique. Mises à bouillir, ces feuilles livrent une liqueur assez douce. Mais au prix de certains maocha, elles sont parfois laissées... La brique de Huang Pian coûte dans les 5 RMB/kg, le prix d'un maocha de gu shu (vieil arbre) peut atteindre 500 RMB/kg, je vous laisse faire le calcul...
Ici, il y en a. Je ne crie pas au scandale, car il me semble que ça se fait avec ce genre de puerh sauvage. Je vous laisse consulter cette article de Sébastien (et ses commentaires) sur une galette de Terre de Chine.
Très différent donc d'un jeune sheng de la même année. Les parfums sont boisés et fruités, avec une pointe de fumé et de réglisse. Il y a aussi un aspect herbacé. Quant au fruité, il est assez complexe, j'ai du mal à le cerner avec précision pour le moment.
J'ai prélevé 8-9 grammes de feuilles qui vont d'abord atterrir dans mon zhong préféré avant de poursuivre dans ma superbe théière Shui Ping en zini d'Essence of Tea qui, comme nous allons le voir, se marie particulièrement bien avec ce thé (et pas uniquement).
Dans le zhong chaud, j'ai droit à une jolie alliance de fruits, de bois et de cuir. Rincées, on se retrouve plus sur un terrain connu, avec des notes végétales, une pointe de fumé. Le bouquet dans son ensemble est très sucré et frais. Je retrouve enfin sous le couvercle du zhong, puis ensuite dans les feuilles en elles-mêmes cette petite note si addictive qui fait à mes yeux l'intérêt principal des puerh sauvages et particulièrement de ce thé très équilibré, sans pour autant parvenir à la décrire avec précision. C'est assurément fruité, rappellant certains agrumes, également exotique à n'en point douter, mais marié à une composante boisée, fumée et herbacée.
Je ne vais pas vous mentir, les premières fois, ça peut être très surprenant ! Mais un peu comme le durian, ce qui semble parfois assez difficile lors de la première rencontre, peut devenir très addictif par la suite. Comme le dit l'adage bien connu : "y a que les imbéciles qui changent pas d'avis !" Addictif, voici un mot qui correspond bien à ma relation avec ce thé.
J'ai tendance à laisser infuser ce puerh un peu plus longtemps que la moyenne. Il ne produit pas d'amertume et le rendu est rond et sucré. Le système respiratoire est immédiatement envahi d'une sensation de fraîcheur. En bouche restent pendant des lustres des sensations fruitées, melon, raisin, agrumes. Il y a le fumé aussi, qui peut-être en dérangera certains, pas moi en tout cas.
Néanmoins, c'est aussi un peu à ça que va servir ma petite shui ping en zini. Sa terre souple de qualité va lisser admirablement les jeunes sheng pour leur conférer une texture suave, atténuant le rendu immédiat, mais conférant une longueur supplémentaire. Non que ce thé en ait particulièrement besoin, sa longueur étant déjà extra, mais elle gommera de plus un peu le fumé de ce thé, tout comme elle gommerait la torréfaction d'un oolong, ou arrondirait les angles d'un puerh cuit ou d'un vieux puerh cru.
Je la consacre aux jeunes sheng, souvent dosés plus que généreusement. Cette théière n'est pas précieuse à mes yeux comme une vieille yixing, mais justement, c'est pour ça que je l'aime tant. C'est une baroudeuse qui m'accompagne parfois à l'extérieur, sur un coin d'évier, etc. Elle n'est pas d'une finesse extrême, mais elle est toujours performante. Et je ne l'économiste pas. Bref, le courant passe bien entre elle et moi, vous l'aurez compris.
Pour terminer avec ce thé, il vous accompagnera très longtemps tant sa longueur est incroyable. Les infusions se succéderont sans que vous y prêtiez attention, et le plaisir accompagnera chaque tasse. C'est du moins mon cas.
À bientôt !
Salut David,
RépondreSupprimerArticle très intéressant qui a retenu toute mon intention pour différentes raisons. D'abord il traite de puerh, c'est mon rayon, mes préférences. Ensuite l'article cite une difficulté à décrire l'aspect gustatif. Bien, bien, voilà un thé qui a quelque chose à dire et avec lequel on ne s'ennuiera pas. Un jour on lui trouvera tel aspect, deux semaines ou deux mois plus tard, un autre aspect ressortira. C'est là, je pense un des mystère de cette famille.
Une théière toute en rondeur et en porosité (j'adore). Une baroudeuse tu cite :) Elle est surement faite pour ceci : "tailler la route", en longueur et en endurance (j'adore aussi).
Et puis dans les lignes que tu as écrites je retrouve aussi l'interrogation face aux feuilles. Ça c'est un trésor parce que cela nous incite (chacun) à vouloir découvrir, à gouter. Les articles trop cousu d'or ont tendance à me dévier. Car souvent trop aseptisés.
Bref pour faire court cette page est un morceau de rock joué en unplugged dans une petite salle comble.
Merci
Nicolas
Salut et merci Nicolas. Je pense qu'il est toujours difficile de décrire un nouveau profil aromatique qu'on ne connait pas. J'ai souvent ce "problème" - qui n'en est pas un, sauf quand je m'essaie à des descriptions sur ce blog - avec les thés verts chinois et les thés rouges par exemple. Mais je pense que ça ira mieux avec l'expérience. Ici, on s'éloigne du puerh sheng "classique", et ça peut surprendre.
SupprimerFruité et fumé, cela doit être assez déroutant en effet.
RépondreSupprimerLes puerh sont souvent difficiles à cerner mais avec ta description j'ai déjà ma petite idée.
Sommes nous dans une plus grande complexité qu'avec un puerh sheng classique ?
Très belle céramique sous ton, tout aussi beau, zhong. C'est de qui ?
Complexité, je ne sais pas, disons que c'est un puerh riche, mais ça peut être le cas d'un puerh sheng "classique" aussi. Ces puerh sauvages ont une personnalité à part, des fois déroutantes. Après une période de scepticisme, voire de rejet, j'avoue que je deviens vraiment accroc. Pas au point de ne boire que ça, mais ça permet d'offrir de la diversité au menu "jeune puerh".
SupprimerCette coupelle fait partie d'une paire. C'est de Yamane Seigan. Un plaisir à utiliser en complément de coupelles plus classiques chinoises comme dans l'article précédant.