jeudi 22 septembre 2011

Torréfaction des Wulong







Petit additif à propos de la torréfaction des wulong avant de commencer la série sur les Dan Cong. Je ne trouvais finalement pas très logique de ne pas dire au moins un mot sur cette étape après avoir fait un topo sur l'oxydation, car en matière de Dan Cong ces deux transformations se complètent souvent pour aboutir à ces saveurs si particulières.




Le panier en bambou est le réceptacle traditionnel pour la torréfaction des wulong.



La torréfaction, quand il y en a une bien évidemment, sera toujours la dernière étape de la préparation d'un thé. Elle pourra se faire en une ou en plusieurs fois. On pourra également  retorréfier un thé à plusieurs reprises, au cours des années afin d'assurer un bon vieillissement.

La manière traditionnelle consiste à mettre les feuilles dans des paniers en bambou, le tout placé au-dessus de foyers alimentés par du charbon de bois, mais ce n'est pas la seule technique utilisée comme nous le verrons plus tard. Le choix du charbon est très important pour obtenir un thé de qualité, même si maintenant il tend à être remplacé par un serpentin électrique. Le contrôle du temps, pouvant aller de quelques heures à plusieurs semaines, et de la température seront primordiaux. Voici quelques photos qui illustrent cette étape sur un vieux wulong (merci encore à Akira pour l'autorisation d'utiliser ses propres clichés).




Le charbon de bois sera le meilleur combustible...




La torréfaction permet au thé de se conserver dans le temps. Sans elle, les feuilles vieilliraient mal, essentiellement car avec le temps elles se remplissent d'humidité. Mais ce n'est pas sa seule vocation. Cette étape apportera aussi un nouveau caractère gustatif au thé, différent du produit d'origine mais pas moins agréable.

Une très légère torréfaction permettra par exemple d’apporter plus de profondeur en soulignant certaines saveurs. Elle pourra augmenter la longueur en bouche également si elle est bien réalisée. En gros, le thé pourra revêtir une toute nouvelle personnalité grâce à cette opération. Cela dit, à l'instar de l'oxydation, elle aura souvent raison des notes de têtes les plus florales.

Une torréfaction légère à moyenne est souvent appliquée sur les oolong taïwanais, allant apporter des saveurs miellées, fruitées (ex : le Dong Ding). La mode actuelle par contre tend à proposer des produits plus verts. Cela demande en plus moins de travail de préparation, donc plus de rentabilité immédiate pour les producteurs. Par contre, l'une des conséquences néfastes est la perte du savoir-faire en la matière. Car, vous l'aurez sans doute compris, pour torréfier un thé, il ne suffit pas d'avoir un bout de charbon, un panier et du thé. Une grande expérience est nécessaire. Un thé torréfié par un maître sera quelque chose de recherché et de telles personnes sont très respectées dans le monde du thé.




Un beau yancha bien torréfié... Hmm...




Enfin, une torréfaction plus forte apportera ses saveurs caractéristiques de café, qui s'estomperont avec le temps, mais aussi de caramel, de fruits secs et de choses plus subtiles. C'est souvent le cas des Yancha par exemple ou de certains Tie Gwan Yin. À noter qu'un thé fraîchement torréfié aura besoin d'un peu de temps pour se stabiliser avant d'être dégusté, temps proportionnel à la force de la torréfaction.




Une théière comme cette Shui Ping en Hong Ni pourra être utilisée
 pour lisser une torréfaction trop présente...




Enfin, certains amateurs aiment appliquer eux-mêmes une légère torréfaction aux feuilles avant de les infuser. C'est d'ailleurs une technique qui remonte à la dynastie des Tang. Les moyens utilisés peuvent être assez simples : feuille de papier pliée sur laquelle on dispose les feuilles, le tout placé au-dessus d'une flamme quelques instants ; ou un petit engin en céramique, style diffuseur de parfum à bougie.

On peut aussi carrément torréfier soi-même son thé soit en le passant à la poêle, au four à 200°C, ou même à l'aide d'un ricecooker. Ça peut être l'occasion d'une expérience amusante par exemple sur un thé bas de gamme. Certaines personnes mieux équipées torréfient elles-mêmes leurs feuilles de temps en temps. Voir cet article sur le blog de Nada.


Voilà pour ce petit topo sur la torréfaction. Il y aurait plein d'autres choses à dire. N'hésitez pas à en rajouter en commentaires surtout !


À bientôt pour la suite !


Prochain article : Oxydation et Torréfaction des Dan Cong (1/3) : Généralités.


17 commentaires:

  1. Cela fait plus d'un an que je lis votre blog sans oser écrire un commentaire. je voulais juste vous dire Merci! Vos articles sont extrêmement intéressants (les deux derniers le sont particulièrement) et j'attends les nouveaux toujours avec plus d'impatience. C'est aussi grâce à vos articles que j'aie pu découvrir les thés fabuleux de Postcard teas et pour ça aussi je vous dit encore une fois Merci!

    Charuru

    RépondreSupprimer
  2. ...je m'excuse pour la faute d'orthographe : *je vous diS*...

    RépondreSupprimer
  3. Merci à vous pour ces encouragements !

    RépondreSupprimer
  4. Très bon article sur une étape qui est très peu documentée et pourtant qui transforme littéralement un oolong! Merci pour les liens des "torréfactions maisons". Celle avec la feuille de papier à l'air très simple! A tester.

    RépondreSupprimer
  5. Félicitations pour ces articles sur les processus de transformation du thé.

    Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer pourquoi avec le café on entend le contraire? Plus le café est torréfié, plus il faut le boire vite car les arômes délicats disparaissent dans les semaines après sa torréfaction.

    Jonathan

    RépondreSupprimer
  6. Merci Cyril et Jonathan de vos messages. Ça fait plaisir encore une fois car c'est quand même du boulot.

    Désolé par contre Jonathan mais je n'ai pas la réponse à ta question. Je ne bois plus de café depuis un bail...

    RépondreSupprimer
  7. Très intéressant, cet article, et surtout très inspirant ! Ça donne envie de faire des petits tests à la poële avec les quelques wulong bas de gamme qui ont vieilli et qui ne donnent pas envie de les boire...

    Merci !

    RépondreSupprimer
  8. Pour Jonathan -

    Je ne bois pas de café non plus (contrairement à la majorité de mes proches), mais à priori je me demande si c'est parce que le café est élaboré à partir de grains et non de feuilles.

    Pour le thé, la torréfaction éclipse le goût des feuilles qui sont plus fragiles et il faut attendre un moment avant que l'équilibre se fasse de nouveau...

    Tandis qu'au contraire, la torréfaction amplifie le goût des grains de café qui bénéficient immédiatement de cet apport de saveur, un peu à la façon des épices à griller (graines de cumin, de fenouil, de coriandre, etc...).

    Ce n'est qu'une théorie ! ^^

    RépondreSupprimer
  9. Merci Leaf ! Amuse-toi bien avec ta poêle alors, et dis-nous si tu arrives à des choses intéressantes. Le thé doit aussi être ludique après tout.

    RépondreSupprimer
  10. Je suis sur un wulong de 20 ans en ce moment...feuilles roulées...dans ma toute nouvelle petite xishi...;-)

    Je me sens attiré par ces wulongs vieillis, mais souvent déçu à la dégustation...Derrière la note de torréfaction qui ici est agréable, non agressive, je trouve qu'il manque de corps, de matière, je ne retrouve pas le caractère d'origine du thé, ne subsiste que les notes issues de la torréfaction...

    Comment est le 10 ans d'âge de la CaT ?

    RépondreSupprimer
  11. Encore un article très renseigné. J'attends avec impatience tes productions sur les Dan Cong... :)

    Et encore de magnifiques photos.

    RépondreSupprimer
  12. Merci Leaf pour ta réponse. La différence entre grain et feuille est une piste.

    Il faut ajouter que pour le café, à la différence du thé, la torréfaction ne dépasse pas vingt minutes. C'est une différence non négligeable... mais je ne sais pas quoi en tirer!

    A savoir aussi que pour le grain de café vert, le nombre de molécules aromatiques différentes n'est pas plus de 250 alors que pour le torréfié on en a décompté 800. Merci aux réactions de "Maillard"!
    Quand est-il pour le thé? Je n'ai malheureusement jamais vu de telles chiffres pour le thé.


    Le processus de torréfaction fait ressortir les huiles (entre 8-15% de la masse totale) de l'intérieur des grains. Ce sont les huiles qui sont riches en substances aromatiques. Mais ces huiles sont extrêmement sensibles à l'oxydation.

    Quant aux thés, les torréfiés ne sont pas parmi les plus sensibles à l'oxydation. Ou du moins on ne recherche pas à tout prix à l'éviter. J'ai même lu que certains conseillent de les conserver dans des pots en terre poreux.
    Que recherche t-on exactement en laissant reposer le thé (certains disent que 6 mois est un minimum pour les yancha)? Qu'est-ce qui se stabilise exactement? Que gagne t-on et au détriment de quoi?

    Jonathan

    RépondreSupprimer
  13. Pour ceux qui n'ont jamais entendu parler des "réactions de maillard" voici une citation en lien avec le thé, tiré de :
    http://www.questmachine.org/article/Pr%C3%A9paration_et_d%C3%A9gustation_du_th%C3%A9

    "En revanche, ce sont bel et bien les sucres présents dans la feuille de thé qui, en réagissant avec les protéines qu'elle contient lors de la torréfaction, donnent naissance à de nombreux composés aromatiques de type grillé et pyrogéné, en vertu de la "réaction de Maillard"."

    RépondreSupprimer
  14. Lionel, je dois encore avoir largement de quoi t'envoyer un échantillon de ce oolong de 10 ans de ton homonyme helvétique. J'ai aussi des vieux oolongs, principalement en provenance de Cornouailles si ça t'intéresse. Tu as utilisé quels paramètres en gros ?

    Merci Arno. La suite arrive dans pas trop longtemps. J'ai la prose, me manque l'illustration...

    Jonathan, je ne pourrais pas te faire une explication chimique pour la question que tu poses. Cet aspect du thé ne m'intéresse pas vraiment, sans doute parce que j'en ai trop bouffé pendant mes études. ;-)

    Ce que tu vas gagner gustativement en laissant reposer un yancha est surtout la perte des saveurs pures de torréfaction (notes pyrogénées), qui cachent au début pas mal de subtilités, qui se découvriront donc au fil du temps. Le thé sera également plus rond, moins saillant en bouche, plus fruité. Après, chaque cultivar s'exprimera de manière différente.

    Il faut noter cependant qu'encore une fois tout cela est une question de goût. Il y a des amateurs de saveurs torréfiées et surtout de liqueurs fortes en bouche.

    Un exercice très intéressant est d'acheter un jeune yancha et de voir son évolution dans le temps. Lors d'une discussion avec Nada sur le meilleur moyen de stocker les thés qu'il vend de cette famille, il me disait qu'au début il ne comptait pas les commercialiser avant plusieurs années, mais qu'il trouvait finalement intéressant de les proposer pour que les amateurs puissent voir leur évolution. Effectivement, goûter en parallèle son Shui Xian 2007 et 2010 est très intéressant. Il les conservent dans des pots en yixing.

    Merci enfin pour le lien. Comme je l'ai dit plus haut, je ne me fie pas à la chimie pour comprendre et tenter de réussir mes thés, mais plus sur les pratiques des personnes qui ont plus d'expérience que moi, et aussi mes propres essais et expériences. Mais je suis sûr que ce lien en intéressera plus d'un ! :-)

    RépondreSupprimer
  15. David : merci pour ta proposition mais pour l'instant j'ai de quoi faire pour commencer le culottage de ma nouvelle si-cheuh (phonétique de xishi)...(en gros repasser en revue tous mes wulongs et pu er...rien que ça !)

    Je n'ai pour l'instant fait que 2 infusions avec mon wulong 20 ans : dosage assez généreux (non mesuré) : 5g/10 cl environ, 2 min puis 1 min...

    Au plaisir de te lire...

    RépondreSupprimer
  16. Ok. N'hésite pas. Avec ce genre de dosage, si le thé n'a pas de matière, ce n'est pas bon signe effectivement...

    Au fait, une théière neuve, et tu ne m'en as même pas parlé ?? Même pas une photo ??

    RépondreSupprimer
  17. Mea Culpa, Mea maxima culpa...
    Mais mon erreur est réparée...

    RépondreSupprimer