Il n'est pas aisé sous nos latitudes de trouver des Dan Cong frais. D'une part car la demande n'est souvent pas très élevée par rapport aux versions oxydées. Mais, plus que tout, parce qu'arriver à obtenir un produit encore vert, qui n'aura pas subi les dommages du temps - ie de l'oxydation involontaire - ou du transport est des plus compliqués comme nous allons le voir, car le soin et le degré d'exigence requis pour acheminer ce genre de thé jusqu'à chez nous sont élevés.
Les meilleurs Dan Cong sont cueillis en général une fois par an en Avril (cueillette de printemps). Le temps d'être préparés, ils ne seront pas en vente avant le mois de juin. Or, peu de temps après, arrive la saison des pluies avec son atmosphère humide allant provoquer une oxydation rapide des feuilles et donc une perte des subtilités. Il faut noter que les exploitants de thés dans les montagnes Phoenix (Guangdong, Chine) n'ont pas la technologie à disposition pour conditionner certains thés sous vide et ainsi leur permettre une bonne conservation, comme c'est par exemple le cas dans la province d'Anxi pour le Tie Gwan Yin ou à Taïwan pour les Gao Shan Cha. D'où le choix de recourir au duo oxydation/torréfaction afin de protéger les feuilles.
Comme me l'a appris Akira, le plus dur pour un vendeur de thé n'est pas d'aller sélectionner les thés sur place, mais d'avoir la logistique qui suive. Afin de pouvoir proposer d'authentiques Dan Cong frais, il faudra ainsi que le vendeur :
- aille lui-même sur place sélectionner les thés de la saison dès qu'ils seront disponibles et pas après : la fenêtre entre le moment où ils seront mis en vente et où ils commenceront à s'oxyder n'est pas très large ;
- les emballe ensuite sous vide afin d'éviter les risques d'oxydation, et les protège efficacement pour le transport ; en effet dans l'avion, la température de la soute va descendre jusqu'à -50°C, et un thé mal emballé en subira les conséquences ;
- les reconditionne enfin encore une fois sous vide pour la vente, avec, pour être jusque-boutiste - mais à ce niveau là, ce serait dommage de s'arrêter en chemin - l'ajout d'un ou plusieurs petits sachets "deoxidizer" qui se chargeront de supprimer les molécules de dioxygène encore présentes dans le sachet.
C'est dans ces conditions et pas autrement que vous pourrez prétendre avoir un produit frais entre les mains. Il est évident que tout cela peut être extrapolé à d'autres variétés de thé frais.
Niveau gustatif, ces thés seront très fleuris, comme on pourrait l'attendre de Wulong verts, avec également des notes fruitées. Je me réserve un peu pour en parler plus car à l'heure où j'écris ces lignes, la grande majorité des Dan Cong frais en ma possession sont encore dans leurs sachets d'origine. Je vous renvoie donc aux futurs billets sur les dégustations à venir pour découvrir avec moi leur palette gustative, si toutefois j'arrive à les décrire correctement bien entendu.
Même remarque en ce qui concerne la préparation : j'en saurais certainement plus après avoir joué avec tous ces thés. Cela dit, j'ai tout de même fait pas mal d'essais avec le Yu Lan Xiang d'Akira, l'entrée de gamme de ses nouveaux Dan Cong. J'ai essayé la porcelaine bien entendu et pas moins de trois théières différentes, mes deux plus anciennes Yixing en Zhuni (Yu Zhu et Shui Ping) et mon kyusu noir en terre de Sado, cuit en réduction. Autant dire qu'aucune de ces trois beautés n'est parvenue à me restituer l'exactitude des notes de ce thé et que la porcelaine l'a remporté pour ainsi dire haut la main. Je ne dis pas qu'il en sera de même pour toutes les sortes de Dan Cong cela dit, car certaines théières gèrent avec brio l'oxydation et surtout la torréfaction.
Mais le plus important, et d'ailleurs ce qui sera l'épreuve la plus dure à passer pour une terre, sera de ne pas gâcher un tant soit peu la longueur en bouche de ces thés, paramètre qui sera à la fois leur intérêt premier et le principal critère de qualité, comme pour tous les thés.
En revanche, je n'insisterai jamais assez sur le fait d'utiliser une eau d'une qualité parfaite (eau de source très peu minéralisée), un matériel très bien préchauffé, quitte à reproduire cette opération après une interruption, même courte. Enfin, je conseille d'utiliser de l'eau la plus chaude possible et un dosage généreux (voir le monsieur plus haut), minimum 1g pour 2cl, comme pour la plupart des thés d'ailleurs.
Voila. Je vous dis à bientôt pour le dernier volet de cette série.
Mais le plus important, et d'ailleurs ce qui sera l'épreuve la plus dure à passer pour une terre, sera de ne pas gâcher un tant soit peu la longueur en bouche de ces thés, paramètre qui sera à la fois leur intérêt premier et le principal critère de qualité, comme pour tous les thés.
En revanche, je n'insisterai jamais assez sur le fait d'utiliser une eau d'une qualité parfaite (eau de source très peu minéralisée), un matériel très bien préchauffé, quitte à reproduire cette opération après une interruption, même courte. Enfin, je conseille d'utiliser de l'eau la plus chaude possible et un dosage généreux (voir le monsieur plus haut), minimum 1g pour 2cl, comme pour la plupart des thés d'ailleurs.
Voila. Je vous dis à bientôt pour le dernier volet de cette série.
Prochain article : Oxydation et Torréfaction des Dan Cong (3/3) : Dan Cong Oxydés et Thés de Maîtres
Incroyable cette video ! C'est à mille lieux de ma façon de préparer du thé...mais je suis sûr que le thé que prépare ce monsieur est excellent...
RépondreSupprimerLe dosage semble en effet pour le moins généreux.
Le Yunomi couché sur la serviette (1ere photo) m'a l'air sympathique...cet émail bleu intense qui vient lécher le pied...très sensuel...
Bonjour David,
RépondreSupprimerJuste un bémol, pour ma part, sur l'ensachement sous vide des thés.
Autant je pense que c'est faisable pour les wulongs roulés type tie guan yin ou gao shan cha, autant je ne suis pas du tout pour quand il s'agit de thés aussi fragiles que les dan cong.
Si l'on veut réellement supprimer "totalement" l'oxygène du paquet, cela passera plus sûrement par un emballage sous atmosphère sans oxygène ou par addition d'anti-oxygène.
Se posent alors d'autres questions plus "philosophiques, éthiques, culturelles ou biologiques" sur l'emploi de ces méthodes et leur impact sur le thé.
Où est la limite du naturel? Que veut-on au final? Ces thés ont-ils une véritable origine culturelle ou est-ce une mode?
Beaucoup plus de questions que de réponses de ma part, j'espère que personne ne m'en tiendra rigueur :)
C'est en fait un guinomi sur la première photo, de Yamane Seigan comme tu l'auras probablement deviné. Le style s'appelle "ShinSen-Seji-Yuu" littéralement l'ermite légendaire aux pouvoirs miraculeux... C'est l'une de ses propres créations. C'est d'ailleurs ce que j'aime beaucoup avec cet artiste qui tout en respectant les styles traditionnels sait rester innovant et toujours talentueux.
RépondreSupprimerVoici d'autres exemples de cet émail bleu : ici, ici, ici,
et là.
Bonjour David,
RépondreSupprimerL'élément qui m'a marqué dans ton article est le suivant :
"un dosage généreux (voir le monsieur plus haut), minimum 1g pour 2cl, comme pour la plupart des thés d'ailleurs".
Suivant le temps d'infusion on obtient, soit un thé fort avec peu de complexité (temps + long); soit un thé aqueux (temps + court).
Quand je dis fort avec peu de complexité, je me réfère à des thés dans une gamme de prix qui me correspond.
Ceci est une première approche dans ma réflexion. La deuxième approche est une question.
Comment ces thés s'expriment en toi ? Au nez, en bouche, plus bas dans le corps ? Par exemple au coeur ?
Bon ça fait trois questions.
Nicolas (interrogatif)
Fabien, la mise sous vide avec des feuilles fragiles se fait avec attention, ici avec des sachets très épais qui ne vont pas faire totalement le vide mais protéger les feuilles des cassures. En contre-partie, il y a deux gros sachets qui enlèvent l'oxygène afin de l'éliminer et ainsi d'éviter toute oxydation.
RépondreSupprimerPour le reste, pour sûr on emploie de la technologie moderne pour ces thés, mais c'est uniquement pour proposer à tous un produit que seuls les locaux boivent depuis des siècles j'imagine, comme un thé saisonnier, à l'instar des shincha et autres first flush, mais qui n'a jamais pu franchir les frontières du Guangdong sans se gâter. Le fait que ce soit des thés primés semble prouver qu'il y a un respect pour ce genre de produit, mais peut-être que je me trompe. Enfin pour moi, l'emploi de cette technologie a une vocation noble et, de ce que j'en sais, il n'y a rien de mieux pour conserver un aliment que de le faire sous vide.
J'espère avoir répondu à une partie des interrogations. Sinon, n'hésite pas.
Nicolas, je viens de lire ton commentaire, mais je dois filer. Je te répondrai ce soir.
"minimum 1g pour 2cl, comme pour la plupart des thés d'ailleurs"
RépondreSupprimerJe souscris volontiers à cette approche.
Sencha : 5g/10 cl comme base.
Dans ma petite xishi de 10 cl : thé rouge grandes feuilles = 5-6 g. Là je suis sur un pu er sheng 2011 = plutôt 3-4g.
Je ne comprends pas Nicolas quand tu dis qu'avec un tel dosage on obtient soit un thé fort avec peu de complexité, soit un thé aqueux, en définitive 2 choses peu satisfaisantes...alors que j'obtiens un résultat très bon ainsi, et David aussi visiblement...
Bonjour Lionel,
RépondreSupprimerPour le pu'er je suis environ à 3g/3,5g pour 10cl soit 1g pour 3cl. Les wulongs (hors DC) c'est plutôt 4/5g 18cl.
J'arrive presque à 1g/4cl. Par contre mon nombre d'infusion est moins élévé. Quatre voir cinq infusion suivant la qualité du thé.
Mais c'est décidé, je vais acheter une balance. Au moins ce sera précis. Peser le thé que j'aurais dosé au ressenti, puis prendre note.
Voilà pour le grammage, et mes lacune en terme de pesée.
Nicolas
J'ai remarqué un élément essentiel pour que le thé s'exprime au corps : 1gramme de plus et l'esprit de la plante reprend un schéma ancien.
RépondreSupprimerJe traduit cela par une expression à l'étage de la gorge (nez/bouche/gorge) classique.
Pour que le thé s'exprime plus aisément au corps il faut enlever ce(s) gramme(s) de trop. Là le thé est moins "en bloc" à la gorge; et plus "en place" dans le corps en entier.
Une autre question intervient alors est-ce-l'utisation, la consommation de thé incarné qui provoque plus aisément l'expression dans le corps ?
C'est possible.
Voilà, ma question du tout premier commentaire était maladroite et mal formulée.
Alors pour le dosage, autant le dire clair et net, je ne comprends pas pourquoi en France j'ai l'impression qu'on est les seuls au monde à pratiquer des quantités aussi faibles. Le Gong Fu Cha, car c'est de cela dont je parle, c'est justement l'inverse. Il est pratiqué ainsi et ce depuis un bail partout, mais surtout là où ça se passe, ie dans les pays producteurs et qui entretiennent une culture du thé.
RépondreSupprimerAlors quelque part, en France, il a du y avoir une sorte de gentleman agreement sur des dosages plus faibles, ce qui soit dit en passant est parfait pour un débutant, qui, si vous lui préparez une soupe avec 10g/10cl d'un puerh encore vert, va s'enfuir en laissant dans la porte un trou ayant la forme de sa silhouette.
Après, il ne faut pas faire du gong du cha pour faire du gong fu cha. C'est un style de dégustation, et pas une cérémonie d'ailleurs. On peut se contenter de faire des dosages style grande théière en porcelaine. C'est un choix, et un très bon choix d'ailleurs que je pratique souvent le soir devant un film ou un bouquin avec grand plaisir. Là, je parle de gong fu cha cela dit, je devrais peut-être mieux le définir et le préciser à l'avenir.
Tout cela dépend de la qualité des feuilles. À dosage faible, tous les thés sont bons ou presque. Mais à partir d'un certain grade et contrairement à ce qu'on pourrait croire, gâcher des feuilles c'est justement ne pas en mettre suffisamment, que ce soit sur le résultat qualitatif ou quantitatif d'ailleurs. Après, ce n'est pas facile. La préparation du thé ce n'est pas juste mettre les bonnes feuilles avec la bonne eau. Avec ce genre de dosage, il faut être précis.
Cela me rappelle ma première visite à Ippodo à Kyoto, totalement fortuite, il y a 6 ans environ, la plus grande enseigne de thé de la ville. Je suis rentré avec des amis et après quelques instants pris à admirer les lieux, on nous a offert directement une toute petite tasse remplie d'un liquide vert. On nous dit alors "aillessu gyokuro" comprendre "iced gyokuro" soit un gyokuro glacé. Il y avait à peine une gorgée et je m'en souviens encore tellement elle m'avait immédiatement rempli la bouche, saisi les papilles par son astringence qui s'était transformée en saveur douce et sucrée, pour s'y installer pendant un temps record pour moi à l'époque. Pour me mettre un peu au gyokuro ces temps-ci, je sais que le mode de préparation est des plus barbares. On est à plus d'1g par cl, des fois bien plus, beaucoup de feuilles donc pour obtenir une petite tasse, mais qui vaut des hectolitres de thé de base.
Voila pour la petite histoire. Il faudrait que je publie un article sur les dosages un de ces quatre. J'ai deja tenté d'en écrire un, mais n'ai jamais été content du résultat final. Mais je vous en conjure, libérer vos feuilles, remplissez vos zhong et vos théières, un tiers, la moitié, voire les trois quarts pour certains thés ! Vous obtiendrez beaucoup plus d'infusions et de thé au final qu'avec un dosage moindre à la base et s'il est de qualité, le thé vous le rendra bien !
Sur ce, j'ai soif !
David,
RépondreSupprimerC'est presque avec une larme à l'oeil que je lis ces lignes sur Ippodo à Kyoto.
Moi aussi j'ai connu le moment que tu décris si bien...
Et puis quel accueil ! Offrir en dégustation du thé, surtout le plus onéreux du magasin, quelle classe !
Certaines enseignes prestigieuses de l'hexagone devraient en prendre de la graine...
Aujourd'hui, avec plus d'expérience, je le trouve toujours très bon le Tenka Ichi d'Ippodo.
Pas très loin du Nijo Castle, il y a aussi un salon Marukyu-Koyamaen. Le connais-tu ?
Merci encore pour tes excellents articles et ta persévérence.
Alexandre.
Merci de ton commentaire Alexandre, je vois qu'on est sur la même longueur d'onde sur pas mal de choses... ;-)
RépondreSupprimerNon, je ne connaissais pas l'adresse de Marukyu Koyamaen à Kyoto, mais c'est noté à présent, je situe à peu près l'endroit où c'est en plus. J'irai y faire un tour fin janvier 2012 si tout se passe bien.
Merci beaucoup ! :-)
Alexandre...un autre passionné de thé japonais sur ces ondes...?
RépondreSupprimer"Alors pour le dosage, autant le dire clair et net, je ne comprends pas pourquoi en France j'ai l'impression qu'on est les seuls au monde à pratiquer des quantités aussi faibles."
RépondreSupprimerEnfin cela je ne suis pas certain que ce soit vrai à ce point. Les dosages que j'ai vus en Chine la plupart du temps devaient être dans les 5-7g pour des zhongs un peu plus grands que ceux de la M3T (donc de 130 ml capacité utile ?). RLT conseille par exemple de mettre entre 5 et 7g dans une théière de 130-150ml ce qui fait entre 3,3g et 5,3g pour 100ml. Il me semble que c'est plus ou moins ce que l'on pratique ; par contre les dosages à 10g/10cl y sont très éloignés.
Après chacun ses goûts et s'il est vrai que je vais sur-doser certains thés, d'autres me parlent davantage sous-dosés.
Mes exemples de dosages étaient pour les puer évidemment. Sur les DC, on dose plus fort, mais je ne peux pas parler du ratio en Chine, je n'en n'ai bu qu'un et n'avais pas fait attention.
RépondreSupprimerMerci Denis, c'est intéressant de savoir ce qui se fait en Chine. Je ne pense pas qu'il soit vraiment "chinois" de sortir une balance et de mesurer précisément, plutôt de regarder le volume que le thé prend dans l'ustensile, ce qui ne facilite pas le chose.
RépondreSupprimerPour le reste, c'est vrai que je parlais plus de wulong que de puerh, ce qui n'empêche pas que je lis beaucoup de témoignages de personnes pratiquant de gros dosages pour le puerh également. J'aimerais vraiment aller voir dans le Fujian et le Guangdong comment font les locaux. Sur YouTube, par exemple, dès qu'il s'agit de TGY ou d'autre wulong chinois, on voit souvent de gros dosages, mais est-ce représentatif ?
Par contre pour RLT, j'ai bien l'impression qu'ils donnent les mêmes conseils de dosage pour puerh et wulong, du coup je ne sais pas trop quoi en penser.
Bon dimanche !
Enfin il faudrait vraiment aller voir et y faire attention. J'avoue que je n'avais pas l'oeil sur les détails de la préparation souvent, mais ce n'est qu'une seule fois que j'ai été surpris d'un dosage (vraiment généreux. Next time, j'y ferai davantage attention. C'est vrai que je ne les ai pas vu peser (sauf une fois, mais la boutique semblait tenue par des gamins d'une dizaine d'années et la fille qui a préparé le thé n'avait peut-être pas trop l'habitude).
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