vendredi 30 décembre 2011

Dosage : Exemple d'un extrême







N'avez-vous jamais été charmé par la vision d'une petite théière fumante remplie généreusement de feuilles ? Ne vous êtes jamais demandé jusqu'où on peut pousser les limites en matière de dosage ? Ce qu'il y a au-delà du raisonnable, encore que ce terme soit très variable en fonction de là où on se place ? Car en Chine, vu d'ici tout du moins, les théières et les zhong ont plutôt tendance à être bien remplis, alors que nous sommes héritiers de dosages beaucoup plus timides, j'imagine à cause de la culture du sachet à petite ficelle et autre boule à thé.

Alors pour faire suite à l'article précédent qui parlait de ma vision globale du dosage, je voulais m'attarder un peu sur un exemple qui m'a beaucoup inspiré. Il m'a permis d'oser différemment, de voir plus loin, de sortir des carcans de ce que je croyais être "les limites".







En l'absence des enseignements d'un "Maître de Thé" sous nos latitudes, beaucoup cherchent à s'inspirer des méthodes employées par les autres, méthodes que l'on trouvera aisément sur internet, les forums, etc. Certains les tiennent des personnes mêmes qui produisent le thé, sur place, ce qui semble aux premiers abords quelque chose d'important à considérer dans sa recherche.

Parmi les sources qui m'ont marqué, outre les excellents billets de Thomas cités dans l'article précdent, sont venus les billets de Tim, alias Toki de Mandarin's Tea Room, qui s'inspire lui-même de rencontres faites sur le terrain. Il résume parfaitement sa philosophie du KungFu Cha dans cet article (en anglais). Aussi, je vais me baser sur des citations prises ça et là sur son blog pour essayer d'illustrer sa vision des choses. Car je la trouve extrêmement noble et motivante.

Nous sommes ici dans un extrême, celui des dosages forts, de la difficulté, mais, au-delà, dans une voie martiale : le Kung Fu Cha. 








The whole idea of Kung-Fu tea brewing is to maximize full potential of a good tea, pushing its limits, extracting the best essences and energy.

L'idée même qui se cache derrière le Gong Fu Cha est d'obtenir le meilleur d'un bon thé, le pousser dans ses limites, extraire le meilleur de ses essences et de son énergie.


Pousser le thé dans ses limites, voila quelque chose qui me plait. La difficulté a quelque chose d'attirant également à mes yeux. Et puis la préparation a toujours été l'aspect du thé qui m'a le plus passionné. Savoir qu'on peut toujours s'améliorer, que malgré le fait d'avoir les meilleurs instruments et éléments devant soi, un "pro" arrivera toujours à produire une tasse dix fois meilleure que la votre, voila quelque chose qui me motive et me donne envie de continuer, de m'améliorer encore et encore.

Chaque session est source d'apprentissage. On apprend même peu mais surement. La quête de la meilleure tasse n'est pas quelque chose de fini, c'est aussi cette recherche martiale qui est intéressante. C'est le travail d'une vie à se remettre en cause, à ne jamais se reposer sur des certitudes, à rester humble et curieux. Et ce n'est pas le plus facile. Le thé n'est pas facile quand on emprunte cette voie.








My point is, if it's not challenging, why Kung-Fu? All good tea should be challenging, it is an adventure, they need full attention and mental focus. It is the least we could give back to them.

Ce que je veux dire, c'est que si ça ne représente pas de difficulté, pourquoi s'adonner au Gong Fu Cha ? Tous les bons thés devraient représenter un challenge, c'est une aventure, ils réclament toute notre attention et notre concentration. C'est la moindre des choses qu'on peut leur rendre en échange.


Respecter le thé qu'on a entre les mains, surtout quand il s'agit d'un thé de Maître, fait à la main, avec amour, fruit d'un savoir-faire parfois ancien. Un tel thé peut être vu comme un message du producteur au consommateur, mais aussi quelque part un défi, une énigme. "Trouve la manière de percer mes secrets, dit le thé, et je t'apporterai une tasse fabuleuse !"








Finding the right balance of this practice is just the beginning. Pushing its limit, improving the skill, educating the palate, and listening to the brew is a life long dedication. The reward is both physical and mental harmony.

Trouver l'équilibre dans cette pratique n'est que le commencement. Pousser ses limites, améliorer sa technique, éduquer son palais et "écouter son infusion" est le travail d'une vie. La récompense est une harmonie à la fois physique et mentale.

(à noter que toki pratique la méditation il me semble)








Beginners often use less tea to water ratio, and Master usually do the opposite. A seasoned tea drinker once told me, the reason to do this is often someone has not yet found something good enough or confident enough. When you use a load of not-so-refined tea, the best you get is a cup of not-so-refined brew. A high quality tea, when you pack it to the top, you will always get a top cup. That's why you have tea bag, and the normal way to brew it? A bag to a big cup, you can make any tea bag taste passable.

Les débutants utilisent souvent une faible quantité de feuilles tandis que les Maitres font en général l'opposé. Un grand amateur de thé m'a dit un jour qu'un débutant fait ceci soit car il n'est pas encore tombé sur un thé assez bon ou qu'il n'a pas assez confiance en lui. Quand vous utilisez une grosse quantité d'un thé pas terrible, le mieux que vous pourrez obtenir sera une tasse pas terrible. Avec un thé de haute qualité, quand vous remplissez votre ustensile d'infusion au max, vous obtiendrez toujours une superbe tasse. C'est pour cela que quand on prend le thé en sachet, quelle est la manière des les préparer ? Avec un sachet dans une grande tasse, vous pouvez transformer n'importe quel thé en quelque chose de potable.


L'idée développée derrière cette citation est intéressante pour comprendre le pourquoi de dosages importants, outre l'aspect plus martial développé auparavant.

Si on utilise une faible quantité de feuilles et des temps longs, on arrivera à obtenir quelque chose de moyen avec n'importe quel thé. C'est donc le principe des sachets de thé : on a à faire à un produit de qualité moyenne à médiocre, alors on dilue pour obtenir quelque chose de potable, ce qui sera le mieux à faire. Mais dans le cas d'un très bon thé, ce sera excessivement dommage, car on ne tirerait absolument pas profit de tout son potentiel, et on n'aurait seulement qu'une vision superficielle de ses qualités.








How to extract a certain stage or certain character from a tea is the reason/function of a yixing pot. If we fill 1/3 or 1/4 of tea to water ratio in a yixing, there is no difference of brewing it in a big pot way.

(En parlant de dosage de Dan Cong) Extraire un certain trait, une particularité d'un thé est la raison d'être d'une Yixing. En la remplissant au tiers ou au quart du ratio quantité de feuilles/volume d'eau, il n'y a pas de différence par rapport à une infusion en grande théière (en porcelaine).


Le Gong Fu Cha (Kong Fu Cha), ce n'est pas une infusion pépère en mettant quelques grammes perdus dans un grand récipient, où une différence de quelques secondes voire plus ne se sentira guère sur le résultat final. Ce n'est pas la voie de la facilité.

Et il faut bien comprendre qu'on ne parle pas ici de grande théière de 1 litre en porcelaine en disant ça, mais mettre 3-4g dans une Yixing de 12 cl est exactement pareil.








End of the day, there is no right or wrong in brewing a cup for yourself, but there is always a better way.

Au final, il n'y a pas de bonne ou mauvaise façon d'infuser son thé, mais il y a toujours une meilleure façon.


Et c'est précisément le but. La recherche, la remise en cause, la quête.








Voila pour ce qui est de présenter cette vision des dosages et du thé en général, cette voie martiale, un art appliqué à quelque chose d'aussi "simple" que le Thé.

Je voulais parler de cet exemple car personnellement il m'a ouvert les yeux. Je ne dis pas que je suis adepte de tels dosages de manière systématique, loin de là même. Mais je trouve intéressant de savoir que cette voie existe, que ce soit pour l'aspect martial que je trouve superbe, ou pour les quantités de feuilles utilisées qui, même toujours parfois extrêmes à mes yeux, sont loin d'êtres dénuées d'intérêt. Après ça, on a moins peur d'explorer avec plus d'audace et parfois de faire de très belles découvertes, comme ce fut le cas pour moi.








Je terminerai cet article par les dosages relevés sur le blog ou le site de Mandarin's tearoom sur plusieurs sortes de thé. Il faut noter qu'en Chine, on parle plus volontiers de volume qu'occupent les feuilles dans la théière ou le gaiwan plutôt que de grammes par rapport à des centilitres. Attention avec les puerh compressés cependant...




Dosages
Type de thé Volume occupé Temps de la 1ère infusion
Puerh
1/4 - 1/3
5-10 sec
Yancha
3/4 - plein
1 sec
Dan Cong
2/3 - 3/4
5-10 sec
Thés d'Anxi verts
1/3 - 1/2
10 sec
Thés d'Anxi torréfiés
1/2 - 3/4
5-10 sec
Thés rouges
1/4 - 1/3
5-10 sec
Long Jing
1/3
10 sec




Attention, tout ceci est à prendre avec des pincettes. Déjà, il y pourra y avoir de grandes différences entre plusieurs thés d'une même catégorie. Et puis ce sont des indications générales. Mais je pense que c'est un exemple assez éloquent de ce qui est évoqué plus haut en prose.


Sur ce, je vous souhaite à tous un excellent réveillon !


À bientôt !


lundi 5 décembre 2011

Dosage







Parler de ma vision du dosage est quelque chose qui me démange depuis un bon moment mais que je n'ai jamais vraiment réussi à réaliser proprement, si bien que j'en suis venu à me demander si je devais le faire tout court. Plusieurs tentatives ont déjà été faites puis oubliées, le résultat final ne me plaisant pas. Car, autant le dire d’emblée, il n'y a pas de meilleure façon de préparer le thé pour peu qu'il plaise. Le "mieux" est bien trop subjectif.

S'il y avait des dosages meilleurs que d'autres, ça se saurait. Il y aurait un joli tableau bien dessiné disponible un peu partout que l'on respecterait scrupuleusement. Et voilà, le tour serait joué. Point à la ligne. On trouverait pour tous les thés des doses toutes faites, un peu comme le Tie Guan Yin d'ailleurs. Trop facile, non ? Certes pratique mais manquant néanmoins terriblement de charme...

Non. Préparer une bonne tasse de thé c'est un peu comme apprendre à jouer d'un instrument. On commence à faire ses gammes, à jouer des rythmes ou mélodies basiques. Après, avec le temps, la persévérance et l'entrainement, on arrivera petit à petit à quelque chose de beau. À la technique pure viendra se mêler le feeling, l'inspiration qui joueront aussi un rôle important.








Donc parler du dosage, oui. Mais je ne me vois pas le faire sans lui conférer une importance relative. C'est un paramètre parmi d'autres qui contribueront au résultat final. Certains de ces paramètres sont ajustables avec des instruments et autres, d'autres non.

La meilleure tasse de thé ne sera pas préparée par des chimistes en blouses blanches dans un laboratoire stérile. Il y a même fort à parier qu'un thé préparé ainsi, malgré un contrôle précis des paramètres, soit assez fade et décevant.

Mais entrons à présent dans le vif du sujet.








Je dirais qu'il y a trois manières de doser son thé. La manière douce, des fois appelée yin, qui utilise très peu de feuilles par rapport au volume du contenant. Cela ne dépend pas de la taille de l'instrument : deux cuillères à café d'english breakfast dans une théière de porcelaine d'un demi litre, ou 3g de puerh dans une yixing de 12cl, c'est à peu près la même chose de ce point de vue là. On obtiendra un faible nombre de tasses. Chacune d'entre elles offrira une vision presque complète de ce que peuvent offrir les feuilles. Les temps d'infusions seront longs.

Cette méthode, assez prisée sous nos latitudes, offre une infusion souvent qualifiée de sage, ce qui ne veut pas dire mauvaise. Certains thés s'y prêtent d'ailleurs à merveille selon mes propres critères, qui ne valent que ce qu'ils valent.








La seconde est à l'inverse : on remplit zhong et théière presque au maximum. On infuse court. Ennemis des liqueurs chargées, merci de passer votre chemin. Pour ceux qui ont avec le temps su dompter les liqueurs de fortes densités et l'amertume, bienvenue au pays des émotions et parfois même de l'ébriété ! Voici la méthode qu'on appelle souvent Gong Fu Cha, ou yang, très souvent rencontrée en Chine, y compris par les producteurs (qui a priori savent ce qu'ils font).

Infuseur rempli à moitié pour les thés à feuilles roulées et au trois-quart pour les autres (sauf thé compressé) et infusions courtes, mais qui sont légion. Des jours de thé avec les mêmes feuilles. Un autre trip.

Ici, le thé est découpé en strates gustatives. Chaque infusion aura tendance à être différente de l'autre.








La troisième méthode est très joliment appelée la voie du milieu par Thomas, dont je vous recommande plus que chaudement la lecture des articles dédies aux paramètres, qui m'ont toujours fortement inspirées. Ici pour les dosages plus faibles et temps longs, ici pour l'inverse, et enfin là pour la voie du milieu.

On est dans le compromis, entre l'idée de voir le thé évoluer d'une tasse à l'autre, sans pour autant que la session ne dure trop longtemps. Les tasses sont un peu moins denses que la version Kung Fu, mais sont très riches.








Voilà le choix qui s'offre au dégustateur. La durée de la session, le temps disponible pourra l'aiguiller sur une voie ou l'autre. L'humeur aussi. Aucune n'est dénuée d'intérêt. Une chose est toutefois importante à mes yeux : essayer. Explorer. Côtoyer les limites. Prendre en compte que le palais change, non seulement de manière significative au début de l'aventure gustative d'un amateur, mais fluctue aussi en fonction de l'envie, des saisons, etc. Être à l'écoute et ne pas s'enfermer dans un schéma, ne jamais être trop sur de soi. Celui qui commence à balancer des affirmations dans le monde du thé devra s'attendre à bien des déconvenues...

Dans tous les cas, je conseille de ne pas trop se prendre la tête. Laisser faire le hasard. Si le morceau que vous découpez de votre galette fait 5,2 grammes alors que vous visiez 4 grammes, ne martyrisiez pas les feuilles à essayer d'ôter le surplus. Être pingre, même avec thé cher, ne paie pas forcement dans la préparation du thé.

Ce qu'il est important de considérer, c'est le couple dosage/durée d'infusion. Avec l'habitude, on ajuste l'un en fonction de l'autre. Il n'y a donc pas de problème à doser légèrement plus ou légèrement moins. On ajuste.








Ce serait bien sur plus rassurant d'avoir un tableau avec des données exactes, une jolie courbe avec le dosage en abscisse et le temps d'infusion en ordonnée, et ce pour chaque infusion. Mais pourquoi gâcher la magie d'une préparation avec des instruments quand on peut juste se fier à ses sens ? Un gaiwan est on ne peut plus pratique pour savoir quand stopper une infusion. On voit les feuilles, voit la couleur de l'infusion, et on peut la sentir. Une infusion trop légère ou au contraire trop dense donnera une excellente indication pour la suite.

Bien sur, votre meilleure alliée sera l'expérience. Dans notre société, on veut tout, tout de suite. Et je suis bien placé pour en parler. Mais le thé nécessite de la patience, beaucoup même. Il faut juste admettre que la tasse de thé du lendemain sera meilleure que celle du jour présent. Au pire qu'on aura appris quelque chose.








En ce qui me concerne, je vous conseille donc d'expérimenter, de vous surprendre, de jouer, et, a fortiori avec un thé de qualité, ne pas hésiter à côtoyer les limites, plutôt hautes que basses d'ailleurs. Au début, on a peur de l'amertume, alors on reste dans des dosages/temps sages au risque de s'enfermer dedans. Puis vient l'imprévu, la théière oubliée, la main lourde, et on se rend compte de ce qu'on perd... Le pire c'est qu'une tasse amère n'est pas dénuée d'intérêt, on recherche même un certain degré d'amertume dans la préparation du thé japonais par exemple.

Au final, il ne faut pas oublier que le résultat ne dépendra pas que de vos paramètres ou de la qualité de votre Yixing.








Car il faut aussi admettre, même pour les plus terre à terre d'entre nous, que le thé qu'on prépare capturera aussi l'état d'esprit du dégustateur. Ce n'est pas quelque chose qui se démontre, mais qui se constate. Mais, après tout, ce n'est pas parce qu'une chose ne se démontre pas scientifiquement qu'elle est fausse ou n'existe pas, tout ça parce que l'outil mathématique ne s'applique pas. Bref...

Le fait est qu'un peu de votre humeur se retrouvera dans votre tasse. Soyez pressé, la tête ailleurs ou en train de faire autre chose en même temps, et votre thé ne sera jamais aussi bon que quand vous êtes disponible, concentré sur ce que vous faites, ou en bonne compagnie. Cette différence d'état d'esprit pourra avoir pour conséquence d'obtenir une liqueur bien différente, certains maitres disent même que cela a plus d'importance que tous les autres paramètres réunis.

Je vous renvoie à la lecture de cet excellent article (en anglais) à propos de Maitre Ling Ping Xiang, qui sera d'ailleurs invité à Falmouth (Essence of Tea) et à Londres (Postcard Teas) si tout se déroule bien en milieu d'année prochaine pour parler de sa vision du thé. Je me contenterai juste de dire à ce propos que j'ai observé ce phénomène de nombreuses fois que cela se vérifie, qu'elle que soit l'explication dont on voudrait l'affubler.








Le thé, c'est un art, un sport, une discipline. Pour reprendre mon parallèle du joueur de musique, la perfection ne sera approchée que par les artistes qui se livrent totalement à leur passion. Un artiste de variété qui n'aura en tête que les gains ne composera jamais la Neuvième, Kind of Blue ou Little Wing.


À bientôt !


> Prochain article : Dosage : Exemple d'un extrême.



vendredi 18 novembre 2011

Teaboard by Mirka Randová





Réception d'une commande passée il y a plusieurs mois. J'étais à la recherche d'un bateau à thé, plutôt un grand modèle. Comme Sébastien, j'avais été vraiment impressionné par celui que Mirka avait fait pour Michal Tallo

Je contactais donc Petr Novak, collègue et compagnon de Mirka, pour lui demander si elle avait des modèles à vendre. Tous ceux que j'avais vus étant réservés, Petr m'a gentiment proposé qu'elle m'en fasse un, sur mesure et dans un style de mon choix parmi ceux que j'avais repérés... Cherchant quelque chose de plus grand que ce qui est proposé en général, j'ai sauté sur l'occasion. Pour le style, j'ai préféré laisser carte blanche à l'artiste, et j'ai bien fait...








Grand modèle donc, 61 x 38cm et plateau de 52 x 32cm, ce qui n'a pas été sans poser de problèmes à la cuisson visiblement. D'ailleurs Mirka a décidé de ne plus faire d'aussi grands modèles à l'avenir. J'ai énormément de chance.

Le reste en photos. 

Un immense merci à Mirka et à Petr.


















Les dernières créations de Petr Novak sont visibles ici. Son blog. Deux boutiques proposent ses produits ainsi que ceux de Mirka : darjeeling.cz et goodtea.eu.


À bientôt !

lundi 10 octobre 2011

Oxidation and Roasting of Dan Cong (3/3)


Version française ici.

At the moment, translating all my upcoming articles in english is not on my agenda. This is an exceptional thing I did for a friend. But future will tell... Please forgive the many mistakes...








This is the last article of this little series and it will focus on the dan cong which are the most often seen, the ones that have endured a voluntary oxidation while they were made, with a light to medium roasting.

As mentioned before, these two steps will significantly change the tea character. They will also contribute to make it age properly, even getting better with time. Amateurs will often wait a short period of time after roasting, something like one year, before drinking it.

This kind of dan cong will be more on the fruit side, reminding of exotic fruits (litchi, mango, papaya) or peach, apricot, etc. It will depend on the type of tree and how the tea is made. This will of course change from one teamaker to another. I will now talk about this teamaking.








As I have mentioned a few times before, oxidation and roasting are two steps which can be mixed in a complex alchemy in order to create a unique tea. When it is well done, it can be very well seen as an art. No machinery will be able to lead to a beautifully balanced tea. This requires a knowledge often inherited from one generation of teamakers to another, or gained through very hard work (or both). There are plenty of examples which come to my mind : Master Huang and Master Xu for Wuyi Yancha, Master Lin and Master Wang for Phoenix wulong, which teas can be found in well-known british vendors shops.

I'll choose to talk about Master Wang's work to explain my point because at his level, teamaking is very much an art, but any other teamasters named before could have done the trick, and the list is not exhaustive of course... 




Master Wang near one of his own old trees




To begin with, Master Wang owns a few trees himself, but he also buys tea leaves from local families who also own old tea trees, often passed from one generation to another. But he only buys leaves coming from trees which grow above 700m of altitude. He even moved some of his own trees higher up the mountain because he prefers this result.

Making his tea begins with the growing and caring of the tea trees, with this choice of where they grow. In fact, Master Wang has spent his entire life studying his mountain, the influence of water, wind, geology in general, and of course caring about the tea trees he inherited, some of those more than 800 years old.








He is a researcher too. Lu, who works with Tim at Postcard Teas, told me that she saw his "lab". Thanks to them, I am able to share with you some incredible photo footage which are worth a thousand words. Many thanks to them.













One can see quite a few bags. Each of them is filled with tea leaves, phoenix oolong tea leaves of course, with a paper on which is written the name of the tree, its age, the date of the picking, and the date(s) of roasting. Let's pause a second and imagine the kind of knowledge this man has gathered conducting all these "experiments" through the years, tasting them from time to time, analyzing the influence of different oxidation rates, roasting times, combinations of the two and so on. How exciting !








Here is a pic of his kiln, the device Master Wang imagined and built himself to roast his tea leaves. He only uses cherry wood to fire it, another example of his way of paying attention to details and his control over parameters of his teamaking.








So to sum up, this man has spent his entire life studying his trees and the influence of the geology of his mountain. He developed some of his own tea making techniques and has spent his entire life testing different combinations of tea varietals/oxidation rates/roasting(s)/ageing.

Maybe now a Teamaster Tea has more meaning to you. And guess what ? One can really taste the difference while drinking it compared to a commercial grade tea ! As I have mentioned before, this kind of dan cong can be found in a very wide range of quality. A Teamaster Dan Cong will automatically stands out. It won't be because of the "Teamaster" title, which can be  falsely used in order to raise prices. But as for cooking, wine making and so on, tea making can very much become an art, a refinement full of subtleties, which is the result of an often long and difficult training.








Fewer and fewer craftsmanship nowadays are transmitted from one generation to another. Only a few people especially in the younger generations are looking into this level of traditional know-how, often tempted by the easy and fast profitable way, or the general standardisation of tastes. Those who have seen the french documentary called Mondovino about wine will see what I mean. Our time period sees the rapid destruction of all kind of things, centuries of know-how disappear. Thousands of animal and vegetal species too...

Tea is yet an area where one can find genuine traditional products, coming from the transmission of a few centuries old know-how. A handful of vendors are praising the work of such people so it can be recognized as something great. And I am not only talking about Phoenix Dan Cong here.

Drinking this kind of tea is always a pure moment of happiness. I can only advise you to try and to support their work...








Thanks for reading.

Bye.

Oxydation et Torréfaction des Dan Cong (3/3) : suite et fin

An english version of this article can be found here.








Dernier article de cette série qui va se concentrer sur les Dan Cong les plus communément rencontrés, c'est à dire ceux ayant subi une oxydation volontaire et une torréfaction d'intensité faible à moyenne.

Comme cela a déjà été évoqué auparavant, ces deux opérations vont significativement changer la personnalité du thé. Également, elles vont permettre qu'il résiste aux aléas du temps, notamment à l'oxydation involontaire, souvent même en se bonifiant. Il lui faudra d'ailleurs idéalement une petite période de repos avant d'être consommé, le temps que la torréfaction se "stabilise". J'ai souvent lu que les amateurs avaient tendance à attendre un an avant de les boire.

Au niveau gustatif, les notes fleuries seront souvent remplacées par du fruit, qu'ils soient exotiques (mangue, litchi, papaye...) ou sur des notes de pêche, d'abricot, etc. Après, cela variera entre les différentes variétés et bien sûr en fonction de leur confection qui changera d'un artisan à l'autre. C'est d'ailleurs de cette préparation dont je vais parler à présent.








Comme je l'ai déjà évoqué à plusieurs reprises, oxydation et torréfaction sont deux étapes qui peuvent être liées dans un agencement et une alchimie complexes afin de créer un produit unique et nouveau. Et quand c'est bien fait, c'est de l'art. Ce n'est pas une machine qui sera capable d'aboutir à un produit équilibré, mais bel et bien un savoir faire qui s'apprend sur le tas et/ou se transmet de génération en génération. Les exemples parlants sont nombreux : Maître Huang et Maître Xu pour les Yancha, Maître Lin et Maître Wang pour les Dan Cong, dont vous pourrez trouver les thés chez deux revendeurs britanniques bien connus.

Je vais choisir l'exemple de Maître Wang pour illustrer mes propos, car à son niveau, la préparation d'un Dan Cong est un art, mais les autres personnes citées plus haut auraient bien entendu pu faire l'affaire, et la liste n'est évidemment pas exhaustive, fort heureusement.




Maître Wang à côté de l'un de ses vieux arbres...




Déjà, Maître Wang possède lui-même plusieurs arbres, ce qui ne l'empêche pas d'acheter des feuilles auprès de familles de paysans locaux, souvent propriétaires de théiers anciens qui se lèguent de génération en génération. Mais il n'achète que des feuilles poussant à une altitude assez élevée, au-dessus de 700m. D'ailleurs, il a replanté certains de ses arbres un peu plus en altitude car il préfère le résultat obtenu ainsi.

L'élaboration de son thé commence donc à la culture de l'arbre, au choix de son emplacement. Mais c'est en fait sa vie entière qu'il a passée à étudier la montagne où il vit, l'influence de l'eau, du vent et de la géologie en général. Et bien évidemment, de la culture du thé et du soin à apporter aux vieux théiers que sa famille possédait, certains d'entre eux ayant plus de 800 ans.








C'est un chercheur aussi. Lu qui travaille avec Tim à Postcard Teas m'a raconté l'avoir rencontré à plusieurs reprises et a pu visiter son "laboratoire". C'est grâce à leur aimable autorisation que je suis en mesure de vous partager ici quelques photos qui parlent d'elles-mêmes. Un immense merci à eux.













On peut y voir une quantité assez impressionnante de sacs. Chacun d'entre eux renferment des feuilles de thé bien évidemment, et aussi un papier avec le nom de l'arbre, son âge, la date de la cueillette et la ou les dates de torréfaction. Imaginez un peu les trésors que ces sacs peuvent renfermer et le savoir qu'a du engranger cet homme pendant toutes ces années à regoûter ces thés de temps à autres, à analyser différents niveaux d'oxydation, temps de torréfaction, voire de retorréfactions, etc. Quel savoir incroyable !








Voici à présent le "kiln", la machine que Maître Wang a conçu et réalisé lui-même afin de torréfier ses feuilles. Il l'alimente avec du bois de cerisier. Encore un exemple du souci des détails et du contrôle qu'il a sur tous les paramètres.








Donc, pour résumer, cette homme a passé sa vie à étudier ses arbres et l'influence de la géologie du milieu où ils poussent. Il a conçu certaines de ses propres méthodes pour préparer son thé et a effectué au long de sa vie des essais de différentes combinaisons de cultivar/oxydation/torréfaction/vieillissement.

Peut-être que "Thé de Maître" vous parle mieux à présent. Et devinez quoi ? Ça se ressent quand on boit ses thés... Car encore une fois cette catégorie de Dan Cong regroupera des thés de qualité on ne peut plus variable. Et un thé de Maître sortira immédiatement du lot. Ce n'est pas pour l'appellation, quelque fois usurpée dans le seul but de vendre des thés plus chers. Mais comme la cuisine, la préparation du vin, etc, à partir d'un certain niveau, cela devient un art, un raffinement plein de subtilités, fruit d'un apprentissage souvent long et pénible.








Peu de choses, d'artisanats se transmettent encore d'une génération à l'autre. Peu de gens cherchent encore à aller au fond des choses, succombant bien souvent à la facilité de l'argent rapide ou à l'uniformisation des goûts. Je renvoie les connaisseurs aux reportages Mondovino en ce qui concerne le vin. Notre époque détruit tout, à une vitesse affolante. Des siècles de savoir-faire s'éteignent. Des milliers d'espèces animales et végétales aussi...

Le thé est encore un domaine où l'on trouve des produits authentiques, fruit d'un savoir faire séculaire. Certains commerçants proposent et vantent encore le savoir-faire de tels artisans afin qu'il soit reconnu et qu'il perdure. Et je ne parle pas que de Dan Cong bien évidemment en disant cela.

Ce genre de thé est bien souvent un voyage quand dégusté dans de bonnes conditions. Je ne peux que vous conseiller d'en goûter et de soutenir le travail de ces artisans.








Voilà pour cette série, en espérant que vous aurez apprécié.


À bientôt.