Je me suis aperçu récemment que pas mal de personnes suivent mon blog alors qu'elles ne doivent pas comprendre grand chose. Aussi ai-je décidé de commencer cette nouvelle série "Back to Basics" pour apporter un contenu accessible à tous. De plus, il est toujours bon de revenir aux bases. Je n'abandonne pas la série sur les wulongs pour autant, et compte bientôt introduire des notes de dégustations.
Je précise que la simplification amène souvent à dire des choses incomplètes qui deviennent alors rapidement inexactes. C'est un compromis que je suis prêt à faire ici, dans un but d'accessibilité.
Je commence avec le puerh car c'est une famille à propos de laquelle on entend facilement beaucoup de choses, tout et n'importe quoi. Il est en effet à la mode, car ses effets "amaigrissants" font vendre. Je vous le dis tout de suite, si vous vous attendez à des miracles en en buvant des litres, c'est que vous êtes victimes de la pub...
Je commence avec le puerh car c'est une famille à propos de laquelle on entend facilement beaucoup de choses, tout et n'importe quoi. Il est en effet à la mode, car ses effets "amaigrissants" font vendre. Je vous le dis tout de suite, si vous vous attendez à des miracles en en buvant des litres, c'est que vous êtes victimes de la pub...
Qu'est-ce que le puerh, et qu'a-t-il de différent des autres thés ?
C'est un thé chinois déjà. On compte six grandes catégories de thés chinois : les thés verts, blancs, jaunes, rouges (ou noirs) bleus-verts (appelés wulong) et les thés dits post-fermentés. Le puerh est un thé post-fermenté. Pu'er est à l'origine le nom d'une ville du Yunnan qui fut une plaque tournante du thé il y a fort longtemps.
Pourquoi "post-fermenté" ?
Les feuilles de thé, comme de tout végétal, contiennent des enzymes qui si elles ne sont pas neutralisées vont provoquer une oxydation rapide après la cueillette. La plupart des thés recevront un traitement juste après la récolte afin d'enrayer ce phénomène, pour qu'ils conservent leurs qualités et leur fraicheur. Les feuilles de puerh seront juste passées au wok puis séchées au soleil ce qui n'éliminera pas toutes les enzymes. Le thé évoluera ainsi avec le temps. C'est un thé de garde, avec des millésimes comme pour le vin.
Quel goût a le puerh ?
Un puerh jeune, après sa récolte est très vert et souvent un peu abrupt au goût, en plus d'être astringent. Rapidement, la fermentation aidant, le thé va perdre de cette fougue pour s'arrondir, les feuilles allant brunir petit à petit. Le goût deviendra alors plus sucré, plus fruité. Cette évolution va continuer pendant quelques années, en fonction des conditions de stockage (voire plus loin) et entrer dans une zone bâtarde, une période où les saveurs ne seront plus équilibrées, où le thé ne sera plus aussi agréable à boire. En cela, et pour plein d'autres raisons, le puerh ressemble beaucoup au vin. Il ressortira de cette période avec une autre identité. Seront apparues des saveurs qui pourront tirer sur le camphre, le réglisse, le bois, la terre, etc. Celles-ci se développeront encore avec le temps. Un puerh peut être conservé plusieurs décennies.
Pourquoi voit on des puerh qui coûtent si cher ?
Un vieux puerh est quelque chose de très recherché, donc de très cher. Depuis quelques années, sa popularité s'est multipliée et la spéculation s'est "naturellement" développée et a fait exploser les prix, rendant les vieux puerh totalement hors de portée du commun des mortels. Aussi, cette demande en constante augmentation contribua à l'apparition de produits de très faible qualité, et autres contrefaçons qui sont légion. Commander un puerh au pif sans rien n'y connaitre dans la jungle des produits et des revendeurs est un pari que vous n'aurez que très peu de chance de remporter. Et le prix ne sera pas un critère que qualité.
Combien de sortes de puerh y a t il ?
Au milieu des années 70, pour faire face à la demande grandissante des vieux puerh, a été inventé un procédé permettant de le faire vieillir artificiellement afin de pouvoir profiter de saveurs proches des vieux puerh, à faible coût et rapidement. En gros, le thé est stocké dans des entrepôts avec un très fort degré d'humidité et une chaleur ambiante importante afin que les feuilles travaillent. On parle alors de puerh cuit, ou shu cha, en opposition au puerh cru, ou sheng cha qui vieillira "naturellement."
Pourquoi des guillemets ?
Parce qu'il existe plusieurs façons de stocker le puerh, chacune d'entre elles allant permettre d'obtenir un thé assez différent. On parle de stockage sec et de stockage humide. On entend aussi parler du stockage Hong Kong, voire d'autres. En gros, plus un puerh sheng (cru) sera conservé en milieu sec, plus son évolution et sa transformation seront lentes. Un stockage humide accélèrera le processus mais modifiera le goût de manière significative, un peu à la façon de la fabrication d'un puerh cuit même si pas aussi extrême tout de même. Les puerh les plus chers et recherchés sont ceux stockés en milieu sec. En général, un puerh qui a mis plus de temps à se transformer n'en sera que meilleur, mais c'est une question de goût avant tout. Ce qui est sûr en revanche, c'est qu'un stockage trop humide est dangereux à cause de certaines moisissures nocives, ou à défaut rédhibitoires pour le goût du thé.
Pour revenir au puerh cuit, il sera bien entendu différent niveau goût d'un vieux puerh sheng. Il sera dans le même registre, s'en rapprochera parfois mais ne jouera tout de même dans la même cour. On trouve beaucoup de choses assez médiocres parmi ces thés, plus que dans le puerh cru.
Comment s'y retrouver parmi l'incroyable variété de l'offre ?
On va distinguer les puerh de grandes firmes de celles de plus petites exploitations. Généralement, les grandes marques (Menghai, Haiwan, etc.) sont assez connues pour leurs blends (mélanges de feuilles de différentes récoltes et endroits, voire années) et leurs formules, portant des noms barbares comme 7542, 8582, etc. Le but étant de produire un thé qui se ressemblera d'une année à l'autre. En ce qui concerne les formules, les 2 premiers chiffres indiquent la première année de sortie de ce mélange, le 3ème est le grade de feuilles utilisées, et le dernier le numéro de l'usine. Il y a 8 grades de feuilles, le 8ème correspondant aux feuilles les plus grandes (merci Wrong Fu Cha !)
Les plus petites exploitations font en général des galettes composées de feuilles d'un seul endroit et d'une seule récolte. Mais ce n'est pas une règle générale. Certaines enseignes font presser leur propres galettes, ce qui leur permet entre autres de contrôler la qualité et les étapes de fabrication. C'est par exemple le cas d'Essence of Tea, Terre de Chine, la Maison des 3 Thés, etc.
Ensuite, comme pour les vins, il y a les terroirs. Pour le puerh, il s'agit de montagnes. Chacune d'entre elles apportera un caractère différent au thé. Un amateur prendra le temps de goûter et de trouver ses préférences. Mais entre deux producteurs du même terroir, il pourra y avoir pas mal de choses qui changeront. Ajoutez à cela quelques années de stockage dans des conditions différentes et deux thés du même terroir pourront être terriblement différents. Un spécialiste sera cela dit surement en mesure de reconnaitre la provenance.
Le puerh vient principalement de quelques régions : Xishungbanna, Simao, De Hong et Lin Cang, toute inclues dans la province du Yunnan. Citons quelques noms célèbres de montagnes : Mengsong, Menghai (aussi une firme), Bada, Banzhang, Yiwu, etc. Je vous renvoie à l'excellent travail d'Olivier de puerh.fr et au remarquable blog de William de Bannablog.
On entend souvent parler de théiers anciens, centenaires, séculaires, millénaires...
Un bon argument de vente... En effet, un vieil arbre donnera un meilleur thé de manière générale. Mais encore faut-il être sûr que ce qu'il y a marqué sur l'étiquette soit vrai. Si c'est effectivement le cas, un théier ancien sera bien mieux qu'un jeune, en règle générale.
Voilà pour cette première partie. J'espère ne pas avoir dit trop de bêtises. J'éditerais avec vos remarques le cas échéant.
À bientôt.
Tasse : Deishi Sibuya, Hagi-yaki.
Soucoupe : Seigan Yamane, Hagi-yaki.
Tasse : Deishi Sibuya, Hagi-yaki.
Soucoupe : Seigan Yamane, Hagi-yaki.
Que dire? Bravo, bravo et bravo!
RépondreSupprimerTout d'abord je te soutient totalement dans ton projet des "Back to Basic"... Ca manque en effet terriblement des informations claires, précises et objectives pour celui qui découvre le thé, et c'est bien que des gens fasse cet effort pour les autres!
Ensuite chapeau, article très clair, concis et précis, tu t'en sort haut la main à l'exercice complexe d'être général et accessible, tout en abordant autant d'aspect du puerh, et sans dire de conneries (ce qui est en effet pas toujours évident quand on cherche à condenser.
(Bon y'a bien qq petites choses tout de mme qui porteraient à discussion, mais vu la vocation de l'article ça passe bien)...
Bref bravo et bonne continuation dans la série des "basics", que j'espère longue!
Bien vu le projet des "Back to Basic". C'est vraiment une bonne idée. Le but énnoncé est atteint avec cet article sur le pu'er.
RépondreSupprimerAmicalement
Nicolas
Très clair, bien écrit, complet & concis, c'est tout à fait le type d'article que j'aurais aimé trouver sur internet il y a quelques temps lorsque je mettais les pieds pour la première fois dans le monde du thé.
RépondreSupprimer(j'attends avec impatience le Back to basics dédié aux thés verts japonais :)
Merci à vous 3 pour vos encouragements !
RépondreSupprimerSébastien, je note ta remarque. En attendant, tu peux aller piocher dans le blog de Florent qui est une mine d'info assez incroyable sur les thés verts japonais.
Bravo pour cet article David ! Je revois mes bases, ça ne me fait pas de mal...!
RépondreSupprimerVite, la suite ! ;-)
nikosan
Bonjour Cher David,
RépondreSupprimerMission accomplie pour ce remarquable article : clair,concis,juste;et surtout accessible,c'est sa fin.
La tasse japonaise est tout simplement splendide,la liqueur est dorée,l'assiette à couper le souffle;ces céramiques sont extraordinaires : c'est déjà la promesse d'une dégustation qui s'annonce hors norme;une remarque cependant concernant la mise en avant et en valeur de ces ustensiles : la photo et la lumière : rien à redire;bon pied,bon œil!
néanmoins je pense que tu gagnerais en contraste si tu posais ces céramiques sur un support se détachant de la température de la prise de vue et surtout de la couleur de ces merveilles;on verrait mieux la texture les formes, même si c'est q mm précis ici.
Je trouve que le bois de la table au demeurant belle, se confond "trop" avec le reste;je dis cela c'est vraiment pour encore mieux voir ces beautés;sinon le cadre intimiste et chaleureux,la température c'est hyper reposant et agréable à regarder et à rester dessus ...
Quelle est l'origine de cette liqueur dorée,brillante,claire?
Un Sheng de qualité j'imagine : la Yi Wu 2003 peut être ?
Le fond de l'article est impeccable.
Amitié.
. PHILIPPE .
Merci Philippe.
RépondreSupprimerJe m'interroge ces temps-ci sur la lumière essentiellement car j'ai principalement des sources de lumière jaune alors que j'aimerais plus travailler avec de la lumière blanche. Mais quitte à ne pas avoir le choix, j'essaie de m'en accommoder du mieux possible.
Il faudrait que je trouve un fond sympa, ne serait-ce que quelques feuilles de canson de différentes couleurs.
Le truc c'est que je n'ai pas prémédité ces photos. Je buvais mon thé à mon bureau quand l'envie m'a pris de shooter. Et comme je n'avais pas envie d'interrompre ma dégustation avec de grands moyens, j'ai juste placé l'appareil à côté et fait qq clichés. C'est tout le problème de la photo : ne pas pour autant louper son thé ou boire froid.
Quant à cette liqueur orange, au risque de décevoir, ce n'est pas du puerh, mais un Dong Ding de Nada (Hand-Made, Light charcoal roasted.) J'en bois pas mal en ce moment, toujours à la recherche de mes paramètres perso d'infusions yin. L'objectif est un article sur les wulongs à torréfaction intermédiaire à moyen terme. Je sens que j'approche mais j'ai encore du boulot.
A+
Meilleurs Vœux Cher David pour 2011 .
RépondreSupprimerUn de tes plus fidèles lecteurs .
UN ANONYME DE BORDEAUX .
Amitiés .
Alors, voilà la novice qui arrive sur ton article!! Je suis contente de connaitre enfin le différence entre un puerh cru et et un puerh cuit.
RépondreSupprimerJe ne me suis toujours pas mise aux puerh car ils me paraissent difficiles d'accès et je ne trouve jamais quelque chose que j'aime et je ne peux pas continuer à acheter au hasard en espérant tomber sur ce que j'aime...
Bref il faudra que je me penche là-dessus mais c'est vrai que pour l'instant les oolong me comblent (depuis 2008, à mon avis j'ai encore des tonnes de découvertes devant moi).
En revanche, en ce qui concerne le puerh en sachet vendu à des fins amincissantes, j'en ai bu pas mal quand je buvais encore du thé en sachet (principalement car ma mère en avait acheté précisément pour ces prétendues vertus et qu'elle n'aimait pas du tout, ce qui m'a permis de tomber dessus chez moi quand j'essayais divers thés) et j'aimais bien ça.
J'ai voulu regoûter récemment et j'ai bien sûr trouvé ça insipide comme tous les sachets que je pourrais boire maintenant mais c'est quand même ça qui m'a poussée à vouloir goûter des puerh...
>> Je ne me suis toujours pas mise aux puerh car ils me paraissent difficiles d'accès et je ne trouve jamais quelque chose que j'aime et je ne peux pas continuer à acheter au hasard en espérant tomber sur ce que j'aime...
RépondreSupprimerJe ne pense pas que les puerh soient particulièrement difficiles d'accès, mais c'est vrai qu'il faut tout ou tard se prendre par la main pour aller dans une vraie boutique spécialisée afin de s'éloigner de la qualité médiocre qui pullule un peu partout. Et dans une bonne boutique, tu pourras gouter avant d'acheter, voire ramener des échantillons afin de gouter à plusieurs choses sans te ruiner.
Bonne dégustation de oolongs en attendant ! :-)