jeudi 11 novembre 2010

Série wulong (4) : dan cong






Voilà un moment que je n'ai rien posté. J'ai eu un mois assez chargé dernièrement, mais les choses devraient s'améliorer à présent. Aujourd'hui, je vais parler un peu des dan cong, ces wulongs aux arômes incroyablement enivrants. Beaucoup des informations utilisées ici proviennent du blog Teaobsession d'Imen de TeaHabitat. Une référence.








Ces thés sont un peu le haut du panier des wulongs dans mon esprit. Ils proviennent d'arbres bien particuliers, situés dans le Guangdong, en Chine, sur la montagne Phoenix. On dénombre un peu moins de 10.000 de ces arbres, soit près de 80 cultivars différents, chacun d'entre eux donnant un thé ayant un goût spécifique. En voici quelques exemples :


Yu Lan Xiang - Parfum de fleur de magnolia 玉蘭香
Huang Zhi Xiang - Parfum de fleur d'oranger 黄枝香
Zhi Lan Xiang - Parfum d'orchidée 芝蘭香
You Hua Xiang - Parfum fleur de pamplemousse/pomelo 柚花香
Jiang Hua Xiang - Parfum fleur de gingembre 姜花香
Rou Gui Xiang - Parfum fleur de cannelle (pas la même que le Wuyi Rou Gui) 肉桂香








Les dan cong les plus recherchés, est donc les plus chers, proviennent d'arbres multi centenaires, pouvant avoir 600, voire 900 ans. Les plus prestigieux d'entre eux sont surveillés jour et nuit. Être propriétaire d'un théier séculaire n'est pas une mince affaire.

Aujourd'hui, face à une demande croissante et à l'appât du gain, les 10.000 théiers ne suffisent plus. La productivité a été augmentée grâce au clonage des vieux arbres, un peu comme le Da Hong Pao dans le Fujian. Cette méthode permet de conserver l'intégralité du patrimoine génétique de l'arbre souche, sans perte ni dégradation, ce qui aurait été le cas d'une reproduction naturelle - la seule considération ici étant la qualité du thé obtenu.








Mais rien ne remplacera l'âge de l'arbre et la pratique montre qu'un vieux théier aura toujours plus de choses à raconter qu'un jeune clone. Pour leur dénomination, il y aura donc distinction entre deux grades principaux :  le single bush, dont la récolte se fait individuellement arbre par arbre, sur des théiers qui auront au minimum 50 ans, et le commercial, dont le thé sera constitué d'un mélange de feuilles de différents clones. Les prix seront bien évidemment en fonction, de même que la qualité.

Les théiers single bush sont récoltés en général une seule fois dans l'année au printemps, mais parfois aussi en hiver, tandis que ceux du grade commercial peuvent l'être plusieurs fois, tout au long de l'année. On estime qu'un arbre à dan cong atteint son pic de productivité aux alentours de 50 ans, juste quand il commence à donner un thé intéressant. Dit autrement, un arbre commence à donner un thé plus élaboré, plus complexe, quand sa production commence à décliner.









À l'instar des autres wulongs, on peut boire la récolte de l'année en cours ou des années récentes. Mais c'est aussi un thé de garde, pour cela il devra recevoir une ou plusieurs torréfactions.

J'ai eu la chance de pouvoir tester une série de dan cong envoyée par un particulier qui les avait achetés chez un maître en Chine. Il me l'a décrit comme une sorte d'ermite qui vivait sur sa montagne, dont la pièce de travail referme un nombre incroyable de sacs, tous remplis de feuilles de thé qu'il s'ingénie à torréfier en fonction de ce qu'il veut en faire. Une sorte de laboratoire personnel en quelque sorte. Chaque thé est produit en petite quantité ce qui rend sa commercialisation difficile. Ce qu'il y a de bien, c'est qu'il garde une trace de toutes les étapes. Ainsi, sur les échantillons que j'ai reçus, sont consignés les dates de cueillette, le pédigrée de l'arbre (âge, famille), et les dates de torréfaction (parfois même l'heure !)

C'est un plaisir de connaître tous ces éléments, d'avoir une telle traçabilité. On s'imagine alors le travail effectué : la cueillette, l'attente pour favoriser l'oxydation des feuilles, à nouveau le temps plus ou moins long entre deux torréfactions pour les plus vieux. Quand on a ce genre d'informations à propos d'un thé, on a envie que tous soient comme cela. Dieu merci c'est une tendance qu'on rencontre de plus en plus fréquemment chez les commerçants de qualité. Car il faut aussi avoir confiance en la personne qui donne ce genre d'info. Il y a tellement d'arnaque sur le marché du thé chinois. Heureusement ma source est fiable.








Les divers dan cong que j'ai côtoyés jusque là proviennent de trois sources distinctes : celle dont je viens de parler, la maison des 3 thés et TeaHabitat. Pour la m3t, malheureusement comme pour tous les thés, et surtout depuis le départ de Gilles, avoir des informations sur ce qui se cache derrière leurs références - année, pédigrée de l'arbre, date de la dernière torréfaction, etc - est difficile. Je ne m'étendrai pas.

Teahabitat est une boutique américaine dont la charmante propriétaire, Imen, a une très belle sélection des deux grades de dan cong. Elle commercialise aussi des théières de potier de Chao Zhou (famille Wu) qui ont très bonne réputation. J'ai commandé il y a quelques mois un pack d'échantillons, le Fragrance I composé de dan cong single bush, et ce fut un réel plaisir de les boire. Parmi eux, se cachait peut-être ce qui est à ce jour mon meilleur souvenir de dégustation. Un véritable enchantement. Je recommande sans hésitation cette boutique : Imen répondra à toutes vos questions de façon sincère, ne vous poussera pas à l'achat et vous délivrera de bons conseils. Les prix sont ici très corrects et la sélection encore une fois impressionnante. Sur son site, un court résumé est fait sur chaque thé. À noter qu'on peut demander plus d'info à Imen si on le souhaite.





Parlons un peu de la préparation. Le zhong est votre ami pour ces thés. Il sera difficile de rivaliser avec une théière pour la plupart des dan cong frais. Ces spécimens sont en effet très aromatiques et aériens. Je réserverais la théière, et pas n'importe laquelle, pour des dan cong un peu plus vieux/torréfiés. Pour tous les thés cités, j'ai au moins pu faire deux dégustations. J'ai essayé en zhong puis une deuxième fois en théière en général, mais ai aussi commencé des sessions avec la porcelaine pour transvaser les feuilles ensuite dans une théière quand le thé faiblissait un peu.

J'y avais affecté ma petite Yang Wen Ji. Mais en dégustation comparée avec ma nouvelle Yixing (Meng Chen) elle ne faisait pas le poids, cette dernière permettant une extraction plus forte des saveurs. Je compte investir à terme dans une théière Chao Zhou, ma Meng Chen travaillant habituellement sur les thés de rochers. Ces théières Chao Zhou sont faites avec de l'argile qui provient des montagnes sur lesquelles poussent les dan cong. Cette association semble logique. Elles sont aussi sensées donner de très bons résultats avec les jeunes puerh sheng et les oolongs peu torréfiés. En France, pas mal de gens pratiquent les Lin Guo Xian. J'ai pu en essayer à la maison des 3 thés. C'est franchement une très bonne théière, mais à trois fois plus chère qu'une Chao Zhou de potier vendue par Imen. Du coup, je pense que je en faire l'économie et me payer quelques single bush avec la différence.







Niveau paramètres d'infusion, j'utilise personnellement un ratio de feuilles généreux, soit environ 5g pour 10cl. La façon traditionnelle de les préparer - comme pratiquée pour de nombreux thés en Chine - utilise plus de feuilles (environ 7g pour 10cl.) Le temps sera assez court pour les premières infusions, moins de 30 secondes, en particulier pour les dan cong de l'année ou récents. Un dan cong vieilli ou plus torréfié pourra demander plus de temps pour que les saveurs ne se diffusent dans l'eau.

Un thé très frais sera pour moi mieux avec un dosage généreux et des infusions courtes que l'inverse. Un thé plus assagi, souvent plus âgé et torréfié, gagnera à ce qu'on allonge le temps (cf. les infusions longues de Thomas.)

L'amertume est un gros problème pour certains en ce qui concerne les dan cong. Un single bush en particulier délivre des tanins qui peuvent être assez puissants pour les profanes. Comme pour tout thé, jouer sur la température est alors une bonne solution pour contourner le problème sans forcément perdre en qualité. L'infusion devra être un peu plus longue pour compenser. C'est une méthode que j'expérimente beaucoup ces temps-ci, même sur d'autres thés, comme les jeunes puerh. On arrive à quelque chose d'intéressant. Ici, on peut descendre jusqu'à 80°C mais personnellement je trouve que rester autour de 90°C n'est pas mal. En gros, je verse l'eau de ma bouilloire dans un pichet et attend un peu que l'eau refroidisse avant de la verser. Si pas de problème d'amertume, je pousse plus volontiers vers le point d'ébullition.






Après, on apprend de ses essais et de ses erreurs. Chaque thé aura sa température (et ses paramètres en général) de prédilection qui conviendra à son palais. Le tout est de chercher. Mais il ne faut pas non plus trop se prendre la tête, la différence entre quelques degrés ne sera pas énorme. Pas besoin de thermomètre. La préparation doit rester simple et ludique. Il faut juste essayer et se faire ses repères.

Dans tous les cas, les feuilles donnent des indices précieux, et chaque infusion permettra de tirer des conclusions pour quoi faire pour les suivantes. Et ce n'est pas une infusion loupée, par exemple trop longue, qui gâchera la suite de la session. Ces thés, surtout les jeunes spécimens, sont très endurants.








Voilà pour ce que je peux dire sur ces dan cong. C'est définitivement une famille de grande classe qui réserve des émotions gustatives intenses. Amateurs de longueur en bouche enivrantes, c'est par ici !








À bientôt !

17 commentaires:

  1. Your tomobako display is inspirational.

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  2. Article bien complet sur cette famille de thé délicate .

    J'y viendrai aux Dan Cong; c'est une famille comme le souligne ton article riche et complexe.

    La série de photos 0900...oh là! il y a du changement!

    Ton bol magnifique prend toutes ses formes,il est splendide par sa difformité!
    Beau Bokeh de la fougère je crois en arrière plan;cela change de dimensions un reflex; c'est c'est très bien...

    Amicalement.

    . PHILIPPE .

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  3. Merci beaucoup pour cet article passionnant.

    Juste une petite question:

    Quand tu dis que la récolte se fait arbre par arbre, qu'est ce que cela signifie?

    Est ce qu'on mélange toute la production annuelle de l'arbre (printemps, été, automne)?

    A quelle échelle se fait le mélange ensuite?

    Les différentes catégories de Dan Cong correspondent t-elles à des zones géographiques?

    A bientôt!

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  4. Un grand plaisir à lire cet article !

    Pédagogique, et agrémenté en plus de photos très expressives.

    :)

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  5. Merci pour cette phrase merveilleuse dont il faudrait faire un proverbe : "Un vieux théier aura toujours plus de choses à raconter qu'un jeune clone."

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  6. Bonjour David,

    Tu m'épates, oui, tu m'épates.

    Voici un article très bien travaillé. Le lecteur y trouvera une mine d'informations. C'est un travail de recherche poussé. Peu importe que le temps ce soit écoulé entre ton précédent article et celui-ci. Le résultat est d'une richesse non discutable.

    Je n'ai rien d'autre à ajouter parce que c'est une famille de thé qui pour l'instant ne m'attire pas.

    Avec respect et amitié
    Nicolas

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  7. Très instructif - comme toujours - surtout pour quelqu'un comme moi qui voit dans les rochers et DC une famille de thés assez obscure...
    Préviens-nous un peu à l'avance si jamais un jour tu décides de fermer ton blog (mais y'a pas de raisons que ça arrive, hein ??), histoire qu'on puisse archiver cette mine d'informations !

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  8. Many thanks Brandon !

    William, quand je dis "arbre par arbre" cela signifie qu'on ne mélange pas les feuilles de 2 arbres différents pour la commercialisation. Donc si tu achètes un dan cong single bush, ce que tu auras (normalement) dans ton sachet sera le produit d'une seule récolte sur un même arbre. Les différentes catégories correspondent à la variété de l'arbre (cultivar j'imagine.) Sinon je crois bien qu'ils se situent tous dans le même endroit, sur la montagne Phoenix.

    Merci aux autres des compliments et encouragements !

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  9. Merci beaucoup David pour ce très bon article sur une famille de thés que je trouve fascinante.

    D'après le blog d'Imen, comme les single bush ont toujours au moins 50 ans, et qu'à ce stade leur croissance (et donc leur production de feuilles) décline, les producteurs préfèrent ne réaliser qu'une récolte, au printemps (d'avril à juin). Cette cueillette "douce" aiderait également les arbres, surtout les plus vieux, à se refaire une santé :)
    Il arrive pourtant que les producteurs récoltent - et traitent - les feuilles en deux temps, à quelques jours ou quelques semaines d'intervalle, mais toujours au printemps ; sans doute pour cueillir les feuilles à leur maturité optimale. Dans ces cas-là, les deux lots sont généralement vendus séparément, et sous des appellations distinctes (afin de simplifier encore un peu les choses :D).

    Concernant les différents "parfums", il semble qu'ils puissent regrouper plusieurs variétés de théiers(l'appellation Huang Zhi Xiang, "Parfum de fleur d'oranger", en comporterait ainsi plus de 40). Cela dit, comme les vieux théiers sont clonés pour préserver leurs caractères génétiques intacts, il est possible que la notion de "variété" soit ici un peu plus stricte que d'habitude : les 40 variétés de Huang Zhi Xiang ne présentent peut-être que des différences génétiques infimes.

    Quant au lieu, les montagnes Phoenix sont apparemment un groupe de montagnes de l'est du Guangdong, autour de la ville de Chaozhou. La montagne la plus célèbre pour ses Dan Cong est le mont Wu Dong, sur lequel se trouvent quelques-uns des plus vieux arbres de la région, et notamment les Song Zhong.

    cf. http://tea-obsession.blogspot.com/2008/01/get-to-know-phoenix-dan-cong-3-naming.html pour plus de détails.

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  10. Wahou, merci beaucoup Robin pour ce complément d'information ! :-)

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  11. Bonjour et bonne année à tous!

    Nous avons ouvert une boutique de thé en ligne avec mon épouse qui est d’origine Chinoise. Nous proposons quelques thés choisis avec soin et tous datant de la dernière récolte annuelle.

    Pour les amateurs de oolong ou wu-long ou les curieux, vous pourrez trouver chez nous deux tie guan yin.

    Notre boutique est Zheng Cha, le site: www.zhengcha.fr
    Si vous êtes intéressés, voici le lien pour voir nos thés oolong
    Bonne dégustation!

    Yann

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  12. Merci beaucoup pour cette article, je cherchais justement des informations sur cette famille de thé.

    Merci,

    Caroline

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  13. Merci pour ce billet. Très intéressant. J'ai une petite question vis à vis d'une phrase que vous avez écrit, que vous allez acquièrir une autre théière pour les Dan Cong car elle etait reservé aux thés des rochers. Je commence dans les thés chinois et la préparation en Gong Fu, j'ai une théière pour les puer sheng Cha et une pour les Oolong oxydé à plus de 60%, une dernière en céramique aussi pour le reste. J'aime beaucoup les thés des rochers mais énormément également les Dan Cong, dois je investir dans une nouvelle Yixing ? Et finalement quand doit t'on prendre la meme théière et quand doit t'on en avoir une autre ? J'ai le même problème avec les Puer, jeune théiers et vieux théiers ou est ce du pinaillage ?


    Merci beaucoup.

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    1. Bonjour ! Cet article date et depuis mon approche a bien évolué. Honnêtement, sauf si le fait d'utiliser une théière procure beaucoup de plaisir, mieux faut l'éviter à tout prix pour les dan cong. Même chose pour les jeunes puerh, et tous les thés en fait ! Seuls les thés torréfiés et vieux (puerh, oolong) pourront gagner à être infusés en théière, notamment pour des questions de conservation de chaleur car les infusions durent plus longtemps. Et encore faut-il avoir une bonne théière qui ne tue ni le caractère ni la profondeur du thé. Si vous commencez, privilégiez la porcelaine, c'est beaucoup plus sûr et bien plus efficace pour se faire le palais. Mais surtout pas de théière pour les dan cong !

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    2. Merci beaucoup de votre réponse David. Effectivement la théière en terre me procure un certain plaisir que ni ma théière en porcelaine (meme taille que celle en terre pour le puer, 22cl au début 18cl quand les feuilles prennent de la place) ni un gaiwan (que j'ai juste utilisé quelque fois chez un ami) me procurent. Mais je suis Barista, Specialiste du café, je ne vais quand même pas m'arrêter sur la forme.^^ le gout est pour moi le plus important et si il faut que je revois mes process et ustensil je le ferai. :) le problème de mémoire des Yixing et associées n'est il pas un gros problème également ? J'avais fait un test entre porcelaine et théière sur un thé des rochers et c'était incomparablement mieux en théière mais il faut dire que ma théière pour les oolong est plus petite, c'était donc peut etre plus une question de ratio que de contenant.

      Encore merci. :)

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  14. Si c'est pour se faire la palais, il vaut mieux privilégier le gaiwan. Avoir les bons paramètres, et une eau de qualité. Après, ce sont juste les thés qui parlent, d'où la nécessité d'en avoir de qualité aussi.

    Une piste : http://forumdesamateursdethe.fr/

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    1. Merci. Je vais regarder ce forum et me forger le palais. Mes thés viennent de chez Terres de Chine. Je vais dans le Yunnan et à HK à la fin de l'année (pas pour le thé mais j'en profiterai) et mon eau est de la Montcalm. Je vais continuer d'apprendre. :) merci à vous.

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