lundi 10 octobre 2011

Oxydation et Torréfaction des Dan Cong (3/3) : suite et fin

An english version of this article can be found here.








Dernier article de cette série qui va se concentrer sur les Dan Cong les plus communément rencontrés, c'est à dire ceux ayant subi une oxydation volontaire et une torréfaction d'intensité faible à moyenne.

Comme cela a déjà été évoqué auparavant, ces deux opérations vont significativement changer la personnalité du thé. Également, elles vont permettre qu'il résiste aux aléas du temps, notamment à l'oxydation involontaire, souvent même en se bonifiant. Il lui faudra d'ailleurs idéalement une petite période de repos avant d'être consommé, le temps que la torréfaction se "stabilise". J'ai souvent lu que les amateurs avaient tendance à attendre un an avant de les boire.

Au niveau gustatif, les notes fleuries seront souvent remplacées par du fruit, qu'ils soient exotiques (mangue, litchi, papaye...) ou sur des notes de pêche, d'abricot, etc. Après, cela variera entre les différentes variétés et bien sûr en fonction de leur confection qui changera d'un artisan à l'autre. C'est d'ailleurs de cette préparation dont je vais parler à présent.








Comme je l'ai déjà évoqué à plusieurs reprises, oxydation et torréfaction sont deux étapes qui peuvent être liées dans un agencement et une alchimie complexes afin de créer un produit unique et nouveau. Et quand c'est bien fait, c'est de l'art. Ce n'est pas une machine qui sera capable d'aboutir à un produit équilibré, mais bel et bien un savoir faire qui s'apprend sur le tas et/ou se transmet de génération en génération. Les exemples parlants sont nombreux : Maître Huang et Maître Xu pour les Yancha, Maître Lin et Maître Wang pour les Dan Cong, dont vous pourrez trouver les thés chez deux revendeurs britanniques bien connus.

Je vais choisir l'exemple de Maître Wang pour illustrer mes propos, car à son niveau, la préparation d'un Dan Cong est un art, mais les autres personnes citées plus haut auraient bien entendu pu faire l'affaire, et la liste n'est évidemment pas exhaustive, fort heureusement.




Maître Wang à côté de l'un de ses vieux arbres...




Déjà, Maître Wang possède lui-même plusieurs arbres, ce qui ne l'empêche pas d'acheter des feuilles auprès de familles de paysans locaux, souvent propriétaires de théiers anciens qui se lèguent de génération en génération. Mais il n'achète que des feuilles poussant à une altitude assez élevée, au-dessus de 700m. D'ailleurs, il a replanté certains de ses arbres un peu plus en altitude car il préfère le résultat obtenu ainsi.

L'élaboration de son thé commence donc à la culture de l'arbre, au choix de son emplacement. Mais c'est en fait sa vie entière qu'il a passée à étudier la montagne où il vit, l'influence de l'eau, du vent et de la géologie en général. Et bien évidemment, de la culture du thé et du soin à apporter aux vieux théiers que sa famille possédait, certains d'entre eux ayant plus de 800 ans.








C'est un chercheur aussi. Lu qui travaille avec Tim à Postcard Teas m'a raconté l'avoir rencontré à plusieurs reprises et a pu visiter son "laboratoire". C'est grâce à leur aimable autorisation que je suis en mesure de vous partager ici quelques photos qui parlent d'elles-mêmes. Un immense merci à eux.













On peut y voir une quantité assez impressionnante de sacs. Chacun d'entre eux renferment des feuilles de thé bien évidemment, et aussi un papier avec le nom de l'arbre, son âge, la date de la cueillette et la ou les dates de torréfaction. Imaginez un peu les trésors que ces sacs peuvent renfermer et le savoir qu'a du engranger cet homme pendant toutes ces années à regoûter ces thés de temps à autres, à analyser différents niveaux d'oxydation, temps de torréfaction, voire de retorréfactions, etc. Quel savoir incroyable !








Voici à présent le "kiln", la machine que Maître Wang a conçu et réalisé lui-même afin de torréfier ses feuilles. Il l'alimente avec du bois de cerisier. Encore un exemple du souci des détails et du contrôle qu'il a sur tous les paramètres.








Donc, pour résumer, cette homme a passé sa vie à étudier ses arbres et l'influence de la géologie du milieu où ils poussent. Il a conçu certaines de ses propres méthodes pour préparer son thé et a effectué au long de sa vie des essais de différentes combinaisons de cultivar/oxydation/torréfaction/vieillissement.

Peut-être que "Thé de Maître" vous parle mieux à présent. Et devinez quoi ? Ça se ressent quand on boit ses thés... Car encore une fois cette catégorie de Dan Cong regroupera des thés de qualité on ne peut plus variable. Et un thé de Maître sortira immédiatement du lot. Ce n'est pas pour l'appellation, quelque fois usurpée dans le seul but de vendre des thés plus chers. Mais comme la cuisine, la préparation du vin, etc, à partir d'un certain niveau, cela devient un art, un raffinement plein de subtilités, fruit d'un apprentissage souvent long et pénible.








Peu de choses, d'artisanats se transmettent encore d'une génération à l'autre. Peu de gens cherchent encore à aller au fond des choses, succombant bien souvent à la facilité de l'argent rapide ou à l'uniformisation des goûts. Je renvoie les connaisseurs aux reportages Mondovino en ce qui concerne le vin. Notre époque détruit tout, à une vitesse affolante. Des siècles de savoir-faire s'éteignent. Des milliers d'espèces animales et végétales aussi...

Le thé est encore un domaine où l'on trouve des produits authentiques, fruit d'un savoir faire séculaire. Certains commerçants proposent et vantent encore le savoir-faire de tels artisans afin qu'il soit reconnu et qu'il perdure. Et je ne parle pas que de Dan Cong bien évidemment en disant cela.

Ce genre de thé est bien souvent un voyage quand dégusté dans de bonnes conditions. Je ne peux que vous conseiller d'en goûter et de soutenir le travail de ces artisans.








Voilà pour cette série, en espérant que vous aurez apprécié.


À bientôt.


6 commentaires:

  1. Bonjour David,

    "Voilà pour cette série, en espérant que vous aurez apprécié"
    -> Oui j'ai très très très apprécié cette série sur les Dan Cong.

    Un travail de profondeur et de recherche.

    C'est fait avec beaucoup d'amour et de précision.

    Un grand merci
    Nicolas

    RépondreSupprimer
  2. Bel article. Le culte de la nouveauté et de la vitesse qui écrase ou méprise les trésors anciens est remis en cause par les mouvements "slow" slowfood, cittaslow... slow tea
    et aussi _la lenteur_ de Kundrera.

    RépondreSupprimer
  3. Oups faute de frappe Milan Kundera, merci de rectifier.
    "Milan Kundera a l'habitude de mêler récit et essai. La thèse développée dans La Lenteur est que l'homme moderne, par une fascination pour la vitesse, délaisse les vertus de la lenteur. La lenteur est pour Kundera un moyen de sauvegarder la mémoire et donc, l'homme oublie. Il dira que « le degré de la vitesse est directement proportionnel à l'intensité de l'oubli »."(cf. Wikipedia)

    RépondreSupprimer
  4. Evidemment qu'on a apprécié !
    Merci pour ton partage d'informations.

    Mars

    RépondreSupprimer
  5. J'avoue que j'y aurai passé énormément de temps, aussi vos remerciements me vont droit au coeur.

    Merci Fred pour cette référence fortement à propos.

    RépondreSupprimer
  6. Merci pour ton travail. Géniales ces photos de sacs de thé. Grâce à toi on pénètre les secrets de grands maîtres...c'est pas tous les jours...

    Pas mal la tasse, 2è photo, avec le pinceau...

    RépondreSupprimer