vendredi 30 septembre 2011

Oxydation et Torréfaction des Dan Cong (2/3) : Dan Cong frais






Il n'est pas aisé sous nos latitudes de trouver des Dan Cong frais. D'une part car la demande n'est souvent pas très élevée par rapport aux versions oxydées. Mais, plus que tout, parce qu'arriver à obtenir un produit encore vert, qui n'aura pas subi les dommages du temps - ie de l'oxydation involontaire - ou du transport est des plus compliqués comme nous allons le voir, car le soin et le degré d'exigence requis pour acheminer ce genre de thé jusqu'à chez nous sont élevés.








Les meilleurs Dan Cong sont cueillis en général une fois par an en Avril (cueillette de printemps). Le temps d'être préparés, ils ne seront pas en vente avant le mois de juin. Or, peu de temps après, arrive la saison des pluies avec son atmosphère humide allant provoquer une oxydation rapide des feuilles et donc une perte des subtilités. Il faut noter que les exploitants de thés dans les montagnes Phoenix (Guangdong, Chine) n'ont pas la technologie à disposition pour conditionner certains thés sous vide et ainsi leur permettre une bonne conservation, comme c'est par exemple le cas dans la province d'Anxi pour le Tie Gwan Yin ou à Taïwan pour les Gao Shan Cha. D'où le choix de recourir au duo oxydation/torréfaction afin de protéger les feuilles.








Comme me l'a appris Akira, le plus dur pour un vendeur de thé n'est pas d'aller sélectionner les thés sur place, mais d'avoir la logistique qui suive. Afin de pouvoir proposer d'authentiques Dan Cong frais, il faudra ainsi que le vendeur : 

  • aille lui-même sur place sélectionner les thés de la saison dès qu'ils seront disponibles et pas après : la fenêtre entre le moment où ils seront mis en vente et où ils commenceront à s'oxyder n'est pas très large ;
  • les emballe ensuite sous vide afin d'éviter les risques d'oxydation, et les protège efficacement pour le transport ; en effet dans l'avion, la température de la soute va descendre jusqu'à -50°C, et un thé mal emballé en subira les conséquences ; 
  • les reconditionne enfin encore une fois sous vide pour la vente, avec, pour être jusque-boutiste - mais à ce niveau là, ce serait dommage de s'arrêter en chemin - l'ajout d'un ou plusieurs petits sachets "deoxidizer" qui se chargeront de supprimer les molécules de dioxygène encore présentes dans le sachet. 


C'est dans ces conditions et pas autrement que vous pourrez prétendre avoir un produit frais entre les mains. Il est évident que tout cela peut être extrapolé à d'autres variétés de thé frais. 








Niveau gustatif, ces thés seront très fleuris, comme on pourrait l'attendre de Wulong verts, avec également des notes fruitées. Je me réserve un peu pour en parler plus car à l'heure où j'écris ces lignes, la grande majorité des Dan Cong frais en ma possession sont encore dans leurs sachets d'origine. Je vous renvoie donc aux futurs billets sur les dégustations à venir pour découvrir avec moi leur palette gustative, si toutefois j'arrive à les décrire correctement bien entendu.








Même remarque en ce qui concerne la préparation : j'en saurais certainement plus après avoir joué avec tous ces thés. Cela dit, j'ai tout de même fait pas mal d'essais avec le Yu Lan Xiang d'Akira, l'entrée de gamme de ses nouveaux Dan Cong. J'ai essayé la porcelaine bien entendu et pas moins de trois théières différentes, mes deux plus anciennes Yixing en Zhuni (Yu Zhu et Shui Ping) et mon kyusu noir en terre de Sado, cuit en réduction. Autant dire qu'aucune de ces trois beautés n'est parvenue à me restituer l'exactitude des notes de ce thé et que la porcelaine l'a remporté pour ainsi dire haut la main. Je ne dis pas qu'il en sera de même pour toutes les sortes de Dan Cong cela dit, car certaines théières gèrent avec brio l'oxydation et surtout la torréfaction.

Mais le plus important, et d'ailleurs ce qui sera l'épreuve la plus dure à passer pour une terre, sera de ne pas gâcher un tant soit peu la longueur en bouche de ces thés, paramètre qui sera à la fois leur intérêt premier et le principal critère de qualité, comme pour tous les thés.








En revanche, je n'insisterai jamais assez sur le fait d'utiliser une eau d'une qualité parfaite (eau de source très peu minéralisée), un matériel très bien préchauffé, quitte à reproduire cette opération après une interruption, même courte. Enfin, je conseille d'utiliser de l'eau la plus chaude possible et un dosage généreux (voir le monsieur plus haut), minimum 1g pour 2cl, comme pour la plupart des thés d'ailleurs.


Voila. Je vous dis à bientôt pour le dernier volet de cette série.



Prochain article : Oxydation et Torréfaction des Dan Cong (3/3) : Dan Cong Oxydés et Thés de Maîtres



lundi 26 septembre 2011

Oxydation et Torréfaction des Dan Cong (1/3) : Généralités






Après avoir parlé d'oxydation et de torréfaction, je vais à présent me concentrer sur leurs influences sur les Dan Cong. Sans doute pas mal de choses qui vont être dites ici pourront être extrapolées à d'autres catégories de wulong, voire de thés en général.


***


D'emblée, j'aimerais faire une distinction entre l'oxydation qui se déroulera pendant la fabrication du thé, que je vais appeler "volontaire", de celle qui se produira avec le temps, une fois que le thé sera mis en vente ou acheté, souvent synonyme de vieillissement et parfois aussi malheureusement de détérioration pour les thés dont ce n'est pas le but de s'oxyder plus. 

L'intensité de l'oxydation volontaire sera très variable, en fonction de l'effet désiré. Et là, c'est tout un art, une alchimie à part entière, d'autant qu'elle sera souvent associée à une ou plusieurs torréfactions.  




Yu Lan Xiang, Hojo Tea




Pour y voir plus clair, je vous propose de distinguer plusieurs sortes de Dan Cong. Il ne s'agit pas de catégories officielles, mais plus d'un découpage personnel par rapport aux thés que j'ai pu rencontrer. 


D'abord, je mettrai dans une catégorie les Dan Cong frais qui sont jeunes, verts, très peu oxydés, et pas du tout torréfiés. C'est parmi eux que se trouvent les Dan Cong de plus haut grade, à l'instar des Tie Gwan Yin d'ailleurs. Leur oxydation ne dépasse pas 10%. Une oxydation plus forte et/ou une torréfaction leur ôteraient leurs parfums et arômes les plus délicats. Ils sont faits pour une consommation immédiate car sans oxydation ni torréfaction, leur conservation sera limitée. L'ennemi numéro un de ces thés sera l'oxydation involontaire, car une fois mis en vente vers juin-juillet, arrive la saison des pluies en Asie. Nous y reviendrons plus en détails dans le prochain article. 








Une autre catégorie de Dan Cong regroupera les thés avec des feuilles plus oxydées, avec un goût souvent plus rond, plus sucré. Le producteur contrôlera l'oxydation des feuilles pendant sa fabrication (à l'aide du flétrissement et des autres opérations dont nous avons parlées auparavant) avant de stopper cette transformation grâce au shaqing. Après, il y aura en général un certain niveau de torréfaction, ces deux opérations favorisant une meilleure conservation mais apportant aussi un caractère particulier et original au thé.

Le produit final sera donc différent de la version fraîche. On aura d'ailleurs tendance à attendre au moins un an avant de le consommer. Mais différent ne signifie pas moins bon. Tout est une question de goût bien évidemment. Souvent les personnes ayant la chance de boire des produits frais, disent que ce sont les meilleurs et effectivement, comme je le disais plus haut, ce sont eux qui composent les plus hauts grades des Dan Cong. Mais certains maitres de thé s'ingénient à allier oxydation et torréfaction pour aboutir à des produits très intéressants. Dans les thés achetés chez Akira Hojo cette fois-ci et qui seront commentés ici, il y aura essentiellement des Dan Cong frais, donc j'imagine que je me ferai ma propre opinion sur ce que je préfère, car pour le moment, je ne connais pour ainsi dire que les versions plus oxydées.

On va donc distinguer une deuxième catégorie, celle des Dan Cong dont les feuilles auront subi une oxydation volontaire notable ainsi qu'une torréfaction, souvent faible à moyenne. Ce sera le produit le plus fréquemment rencontré, dont la qualité sera d'ailleurs grandement variable.




Ba Xian, Hojo Tea




Enfin, l'oxydation et la torréfaction aidant donc, il est possible de faire vieillir des Dan Cong afin d'obtenir quelque chose d'encore différent. Ces thés subiront souvent plusieurs torréfactions, à l'instar des yancha et autres wulong que l'on souhaite faire vieillir, plus ou moins longues suivant l'effet désiré. D'où une dernière catégorie, celle des Dan Cong vieillis. Je n'aurais pas grand chose à dire sur eux, mon expérience étant très limitée. Ils se rapprochent des vieux wulong, voire parfois de vieux puerh.

Cette distinction - encore une fois personnelle - faite, nous allons nous intéresser plus en détails aux deux premières catégories. 


À bientôt !


Prochain article : Oxydation et Torréfaction des Dan Cong (2/3) : Dan Cong frais.



jeudi 22 septembre 2011

Torréfaction des Wulong







Petit additif à propos de la torréfaction des wulong avant de commencer la série sur les Dan Cong. Je ne trouvais finalement pas très logique de ne pas dire au moins un mot sur cette étape après avoir fait un topo sur l'oxydation, car en matière de Dan Cong ces deux transformations se complètent souvent pour aboutir à ces saveurs si particulières.




Le panier en bambou est le réceptacle traditionnel pour la torréfaction des wulong.



La torréfaction, quand il y en a une bien évidemment, sera toujours la dernière étape de la préparation d'un thé. Elle pourra se faire en une ou en plusieurs fois. On pourra également  retorréfier un thé à plusieurs reprises, au cours des années afin d'assurer un bon vieillissement.

La manière traditionnelle consiste à mettre les feuilles dans des paniers en bambou, le tout placé au-dessus de foyers alimentés par du charbon de bois, mais ce n'est pas la seule technique utilisée comme nous le verrons plus tard. Le choix du charbon est très important pour obtenir un thé de qualité, même si maintenant il tend à être remplacé par un serpentin électrique. Le contrôle du temps, pouvant aller de quelques heures à plusieurs semaines, et de la température seront primordiaux. Voici quelques photos qui illustrent cette étape sur un vieux wulong (merci encore à Akira pour l'autorisation d'utiliser ses propres clichés).




Le charbon de bois sera le meilleur combustible...




La torréfaction permet au thé de se conserver dans le temps. Sans elle, les feuilles vieilliraient mal, essentiellement car avec le temps elles se remplissent d'humidité. Mais ce n'est pas sa seule vocation. Cette étape apportera aussi un nouveau caractère gustatif au thé, différent du produit d'origine mais pas moins agréable.

Une très légère torréfaction permettra par exemple d’apporter plus de profondeur en soulignant certaines saveurs. Elle pourra augmenter la longueur en bouche également si elle est bien réalisée. En gros, le thé pourra revêtir une toute nouvelle personnalité grâce à cette opération. Cela dit, à l'instar de l'oxydation, elle aura souvent raison des notes de têtes les plus florales.

Une torréfaction légère à moyenne est souvent appliquée sur les oolong taïwanais, allant apporter des saveurs miellées, fruitées (ex : le Dong Ding). La mode actuelle par contre tend à proposer des produits plus verts. Cela demande en plus moins de travail de préparation, donc plus de rentabilité immédiate pour les producteurs. Par contre, l'une des conséquences néfastes est la perte du savoir-faire en la matière. Car, vous l'aurez sans doute compris, pour torréfier un thé, il ne suffit pas d'avoir un bout de charbon, un panier et du thé. Une grande expérience est nécessaire. Un thé torréfié par un maître sera quelque chose de recherché et de telles personnes sont très respectées dans le monde du thé.




Un beau yancha bien torréfié... Hmm...




Enfin, une torréfaction plus forte apportera ses saveurs caractéristiques de café, qui s'estomperont avec le temps, mais aussi de caramel, de fruits secs et de choses plus subtiles. C'est souvent le cas des Yancha par exemple ou de certains Tie Gwan Yin. À noter qu'un thé fraîchement torréfié aura besoin d'un peu de temps pour se stabiliser avant d'être dégusté, temps proportionnel à la force de la torréfaction.




Une théière comme cette Shui Ping en Hong Ni pourra être utilisée
 pour lisser une torréfaction trop présente...




Enfin, certains amateurs aiment appliquer eux-mêmes une légère torréfaction aux feuilles avant de les infuser. C'est d'ailleurs une technique qui remonte à la dynastie des Tang. Les moyens utilisés peuvent être assez simples : feuille de papier pliée sur laquelle on dispose les feuilles, le tout placé au-dessus d'une flamme quelques instants ; ou un petit engin en céramique, style diffuseur de parfum à bougie.

On peut aussi carrément torréfier soi-même son thé soit en le passant à la poêle, au four à 200°C, ou même à l'aide d'un ricecooker. Ça peut être l'occasion d'une expérience amusante par exemple sur un thé bas de gamme. Certaines personnes mieux équipées torréfient elles-mêmes leurs feuilles de temps en temps. Voir cet article sur le blog de Nada.


Voilà pour ce petit topo sur la torréfaction. Il y aurait plein d'autres choses à dire. N'hésitez pas à en rajouter en commentaires surtout !


À bientôt pour la suite !


Prochain article : Oxydation et Torréfaction des Dan Cong (1/3) : Généralités.


samedi 17 septembre 2011

Back to Basics : Oxydation / Fermentation







On entend souvent parler d'oxydation dans le monde du thé, mais il n'est pas forcement évident de comprendre l'importance de cette transformation, ni de la discerner de la fermentation

Je vous propose un petit jeu de questions-réponses afin d'essayer d'y voir plus clair, en essayant de rester simple.


Remarque : certaines photos de cet article (et à venir) sont empruntées au blog de Tim de Postcard Teas et au site d'Akira Hojo, avec leurs permissions. Un énorme merci à eux. Toute utilisation commerciale de ces images est bien entendu défendue. N'ayant pas pu trouver de photos pour illustrer chaque paragraphe, j'en ai profité pour combler avec certaines des miennes qui n'avaient jamais trouvées leur place dans de précédents articles. Curieux mélange...




10g... 10cl...



Qu'est-ce que l'oxydation ?

C'est une réaction chimique mettant en jeu des enzymes, au cours de laquelle un corps se transforme au contact avec de l'oxygène. Par exemple, l'humus est le résultat de l'oxydation de la matière végétale, transformation aidée par des organismes vivants qui l'accélère. Quand on entame une pomme, une banane ou un avocat, la chaire fonce rapidement au contact de l'air. C'est l'oxydation.




Fou ce qu'on peut faire avec l'oxydation, non ?




Est-ce une bonne chose pour le thé ?

Oui et non. Pour certains thés, on recherchera à obtenir un certain degré d'oxydation, alors que pour d'autres on fera tout pour l'éviter (cf le tableau à la fin de cet article).




Phoenix Song Zhong d'Akira : rien que les feuilles sont magnifiques !




Quand est-ce que se déclenche l'oxydation des feuilles ?

Dès la cueillette. Les facteurs accélérant cette transformation sont la chaleur et la lumière. C'est entre autre pour cela qu'un thé de haute montagne aura moins tendance à être oxydé qu'un thé de plaine, car il fait moins chaud en altitude. De même, un thé d'été sera plus oxydé qu'un thé d'automne à traitement égal.




Photo qui n'a rien à voir avec le sujet...




Comment contrôle-t-on l'oxydation d'un thé ?

Juste après la cueillette, les feuilles des thés destinés à être oxydés (et le thé blanc) subiront un premier traitement qui s'appelle le flétrissement (withering). Cette opération consiste à enlever l'excès d'eau des feuilles afin d'éviter qu'elles ne se fanent, soit en les laissant au soleil, soit en les plaçant dans une pièce aménagée, bien ventilée. Elles pourront perdre jusqu'à un quart de leur masse durant cette opération. Cela va faire débuter l'oxydation des feuilles de manière spontanée.




Le Dan Cong de grade commercial est des fois mis à sécher au soleil au bord de routes très fréquentées...




Voici un dan cong beaucoup plus artisanal lors de son flétrissage en intérieur (après un séchage au soleil)




Puis, on stimulera l'oxydation en abimant légèrement les bords des feuilles de thés, par exemple en les remuant dans une sorte de plateau en bambou, de panier ou en les roulant dans une machine prévue à cet effet. Cela va briser la structure des cellules de la feuille et ainsi provoquer/accélérer l'oxydation. 




Utilisation d'un panier pour abimer le bord des feuilles




Une machine à tambour pour produire le même effet.




Comment arrête-t-on l'oxydation afin d'obtenir le degré désiré ?

Grâce à une opération nommée Shaqing, littéralement "tuer-le-vert." Elle consiste à neutraliser les enzymes responsables de l'oxydation en étuvant les feuilles à la vapeur (comme pour la grande majorité des thés verts japonais), ou en les chauffant dans un wok (méthode chinoise). Une autre méthode consiste également à faire bouillir les feuilles.








Qu'est ce que la fermentation ?

C'est une autre réaction chimique qui implique une ou plusieurs sortes de bactéries. Cette réaction ne fait pas intervenir d'oxygène. Elle se déroulera donc aussi bien en présence ou non d'air, contrairement à l'oxydation. Mettez un thé sous vide et il ne s'oxydera pas, par contre il fermentera, lentement.




Voilà un thé qui ne s'oxydera pas de si tôt !




Quels sont les thés fermentés ?

Contrairement au vocabulaire souvent utilisé, il n'y a que le Puerh qui sera vraiment fermenté. Il n'est pas impossible de faire fermenter des wulong, mais dans 99% des cas, quand vous entendrez parler d'un thé fermenté, par exemple à 15, 30, 50%, il s'agira en fait du degré d'oxydation. À noter que l'oxydation est beaucoup plus rapide que la fermentation.








Que se passe-t-il pour le puerh au juste ?

Le Puerh appartient à la catégorie des thés post-fermentés. Les bactéries responsables de la fermentation sont naturellement présentes à la surface des feuilles et souvent également dans le milieu dans lequel il est mis à vieillir. À noter qu'il y aura toujours de l'oxydation à partir du moment où le Puerh est entreposé à l'air libre, mais l'intérieur d'une galette ou d'une brique compressée sera plus le théâtre de la fermentation que de l'oxydation. 




Oxydatin à l'extérieur, fermentation à l'intérieur...




Un Puerh est-il quand même oxydé ?

Lors de la préparation du puerh, l'oxydation n'est pas totalement neutralisée. Les feuilles sont d'abord passées au wok (ou en machine) avant d'être séchées au soleil. Or, d'après ce que nous apprend Akira, le seul passage au wok ne suffit pas à neutraliser toutes les enzymes responsables de l'oxydation. L'étuvage à la vapeur lui est 100% efficace, mais pour le thé chinois, il faudra que les feuilles sorties du wok soient séchées dans une atmosphère chaude pour complètement neutraliser l'oxydation (cas du thé vert par exemple). Le séchage au soleil ne chauffe pas assez les feuilles donc ne change rien à ce niveau là. Or, c'est ainsi qu'est produit le puerh (wok + soleil). L'oxydation pourra donc se produire pendant le vieillissement, qu'il soit plus ou moins naturel pour le puerh cru, ou accéléré dans le cas du puerh cuit.








En conclusion, je dirais que ces différences entre oxydation et fermentation peuvent devenir assez complexes. J'espère n'avoir pas dit trop de bêtises... Le cas échéant, je suis sûr qu'on me le fera remarquer et que je serai à même de corriger cet article ultérieurement. Souvent, le seul fait de vouloir simplifier induit des erreurs...

La chose à retenir selon moi est l'abus de langage souvent utilisé, la plupart du temps concernant les wulong, où on emploie le terme de fermentation pour designer l'oxydation volontaire pendant leur fabrication. 




Oolong 10 ans d'âge de la Cave à Thé : feuilles 100% oxydées.




Pour finir, une table qui montre l'oxydation des principaux thés :

Thés verts : pas d'oxydation.
Thés jaunes : pas d'oxydation.
Thés blancs : très faible oxydation involontaire possible durant l'opération de flétrissage, mais jamais élevée.
Thés noirs : totalement oxydés.
Thés wulong : oxydation variable.
Thés post-fermentés (puerh) : l'oxydation du puerh cru n'est pas totalement enrayée durant sa fabrication, il s'oxydera donc en vieillissant ; le puerh cuit est (donc) entièrement oxydé. 


À bientôt. 



Prochain article : Torréfaction des Wulong




vendredi 9 septembre 2011

La rentrée sur La Voie du Thé.






Après une pause estivale avec peu de posts, ce blog se prépare pour une rentrée sur les chapeaux de roue ! Au programme : des dan cong, que dis-je, plein de dan cong ! Sept des neuf nouvelles variétés proposées par Akira Hojo seront présentées ici. 








Mais avant cela, il y aura un petit topo sur l'oxydation des thés, puis un autre plus précisément sur l'oxydation des dan cong.


Alors je vous dis à bientôt !


samedi 3 septembre 2011

Mi Hua Xiang 2010 - Hojo Tea






Cela faisait de longs mois que je tournais autour de cet échantillon offert par Akira. Il s'agit surement du thé le plus prestigieux - donc le plus cher - que je n'ai jamais eu entre les mains, un Dan Cong ayant obtenu une médaille d'or dans une compétition nationale chinoise.

Combien ça peut coûter un thé comme ça ? Je n'en avais aucune idée jusqu'à la sortie récente de la nouvelle sélection d'Akira où figure ce thé version 2011. Et le verdict tombe : 4,70 euro le gramme. À noter cependant que cette dernière version n'est pas exactement la même que celle que j'ai entre les mains. Le thé de 2010 vient d'un arbre bien plus jeune que le nouveau (qui a 300 ans) et qui a encore gagné le premier prix dans une compétition cette année.

Alors, à quoi peut bien ressembler un tel thé ? Quelles impressions peut-il bien donner ? Comment peut-il être encore meilleur qu'un Ba Xian ou qu'un Heaven Scent ? La réponse m'a surpris...








J'ouvre mon échantillon et je pèse son contenu : 8 grammes et quelques. Dilemme. Je mets tout ou pas ? Dernièrement, je suis passé à côté d'un beau dan cong dont je disposais la même quantité. J'avais tout mis et je l'ai au final regretté. Ça ne s'est pas joué à beaucoup mais c'était trop. Les dan cong fleuris se comportent mieux un peu moins dosés que d'autres plus fruités j'ai l'impression. Pour ce Mi Hua Xiang, l'odeur à l'ouverture du paquet indique qu'on est plus sur un profil style Mi Lan Xiang, sur les fruits exotiques, la pêche, etc. J'aurais du tout mettre, mais finalement j'en ai décidé autrement. Un petit retour à des dosages plus sages ne peut pas faire de mal. Toujours se remettre en cause et ne pas se complaire dans une quelconque habitude susceptible de faire passer à côté de plein de choses...

5g donc. Et puis les 3g et quelques restant seront parfaits dans mon petit zhong de Mandarin's Tea Room.








Pour le reste du protocole, ce sera eau Mont Roucous, bouilloire en inox, zhong profil plat de Teasmith et, le meilleur pour la fin, une superbe tasse signée Shawn McGuire, un potier américain qui fait des choses absolument magnifiques, et qui pratique des prix très raisonnables ce qui ne gâche rien au plaisir... N'ayant pas pris de photos ou presque pendant la session pour ne pas me disperser, j'illustre ce billet avec les pièces que je possède de cet artiste, enfin presque car une ne m'appartient pas.

Le petit bol choisi permettra au thé de refroidir vite et ainsi d’enchaîner les infusions sans que le matériel ne refroidisse trop vite. Lier l'utile à l'agréable. Mais penchons nous sur les feuilles.








Je vous renvoie à la première photo de cet article. À les voir avec leur couleur marron, on a l'impression qu'elles ont été torréfiées. Eh bien en fait, pas du tout ! C'est l'unique conséquence de l'oxydation comme je l'ai appris il y a peu. Comme quoi les apparences peuvent être trompeuses... Il faut dire qu'à les sentir, on ne repère pas d'odeur de torréfaction particulière, juste le fruit : fruits exotiques, pêche, abricot, et surtout pamplemousse. Il y a quelque chose de vert aussi. À noter qu'elles ne sont pas très grandes. 

Dans le zhong dûment préchauffé, le fruit se confirme, de manière subtile.

Un rinçage flash et tout cela change un peu : c'est frais, intensément floral, pas aggressif pour un sou. La couleur des feuilles a déjà drastiquement changé tirant à présent sur le vert, ce qui confirme l'absence de torréfaction. L'eau de rinçage, quant à elle, revêt une jolie couleur pêche, et une odeur qui tire un peu sur le tilleul.

Le bilan pré-dégustation est assez simple : de la finesse, pas d’exubérance. Moi qui croyait qu'un thé de cette trempe allait peut-être être une surenchère, du fast comme jamais vu, ça m'a tout l'air d'être l'inverse.








Première infusion : 40 secondes. Pas de parfums très forts. Je remarque un pôle légume également, mais le nez tourne surtout autour des herbes arômatiques et du sucre. Surprenant, je m'attendais à en avoir plein le nez dès le début. En bouche, c'est aussi discret, mais... la longueur, l'aftertaste, est aussi d'une finesse incroyable, et dure loooongtemps.

Sur ce genre de thé jouant sur des notes exotiques, il y a parfois une évolution vers la papaye. Je ne dis pas que je n'aime pas ce fruit, mais je lui trouve souvent un goût écoeurant, et quand un dan cong vire sur ce côté, je dois admettre que je n'apprécie pas toujours. Là, c'est parfait, on a la richesse du fruit sans ce côté que je n'aime guère. À la fin de cette première tasse, je sais que je passe à côté de plein de choses, en espérant que les infusions suivantes ma permettent de découvrir plus.




Remarquez les reflets dorés des fissures aux fonds de la tasse...




50 secondes : je ne sais si c'est mon habitude des dosages costauds mais avec ces 5g, je trouve au thé une fluidité originale, très agréable. Il passe dans la bouche tout en stimulant les différentes parties responsables de la perception du goût. Ça coule et ça reste. Très très légère astringence, bienvenue comme d'habitude. L'évolution se fait assez finement et je suis dans l'embarras pour esssayer de décrire tout ce qui me passe par la tête ou plutôt devrais-je dire, par la bouche et le nez. De la cerise ? De la pêche blanche pour sûr, une petite astringence peau de raisin blanc, un fort côté "sucre" bien présent sans être envahissant. Je cherche à mettre le doigt sur un côté plus gourmand mais pas assez clair. Spéculos ? Brioche ? Caramel ? Je ne saurais être affirmatif. Toutes ces notes sont fugaces, on a l'impression qu'elles sont là... et puis non, ça a changé, ou peut-être les ai-je imaginées ? Tant de choses restent en bouche.













80 secondes : toujours les mêmes lacunes dans le registre floral pour décrire les parfums de ce thé, pourtant il y aurait tant à dire... Mais ne pas trouver la comparaison juste n'empêche pas de se régaler, fort heureusement ! Intéressons-nous un peu aux feuilles. Pas encore ouvertes, elles sont assez colorées, tirant allègrement sur le rouge, preuve d'une oxydation partielle. En bouche, de nouvelles choses apparaissent. Cerise, définitivement, griotte même, sans l'acidité. L'image d'un bon clafoutis me vient à l'esprit, surtout que dans certains wulong, on peut trouver un côté "oeuf" par exemple dans les Tie Gwan Yin. Il peut être agréable ou pas suivant le grade du thé. Toujours pas d'astringence prononcée, mais une belle longueur.








1min45 : ce thé est d'une souplesse incroyable. Même poussé un peu, il ne répond pas agressivement, et reste calme et subtil. Je note aussi que j'avais un peu peur en attaquant cette dégustation d'avoir quelques maux d'estomac. Les Dan Cong, moins que les Wuyi yancha mais tout de même, peuvent faire un peu de mal à un estomac vide. Je n'ai pas beaucoup mangé avant de boire ce thé, de peur d'altérer mes papilles. Mais aucun problème à ce niveau là.

3 minutes : toujours très beau, le thé se lisse un peu, un peu moins d'angles mais d'une douceur superbe. Toujours cette longueur...

5min : c'est le problème avec ce genre de dosage, la fin arrive plus vite ! Non qu'il faille déjà enterrer ce thé, mais il semble avoir perdu quelques finesses. J'arrête là la description.






















La deuxième session avec l'autre moitié de l'échantillon a été aussi très agréable. J'ai été moins analytique. Le sachet qui avait trainé assez longtemps comportait quelques brisures de feuilles. Autant j'avais trié les meilleures feuilles pour la première session, autant là c'était moins uniforme. Le thé s'est donc montré plus astringent en bouche, mais la longueur n'en a été pas moins superbe, douce et subtile. La griotte m'est apparue de façon moins évidente, au profit de l'abricot et de la pêche blanche. La texture m'a semblé plus laiteuse également.

Bref, essayer de saisir un tel thé à la première voire deuxième rencontre n'est pas facile. Cela demande beaucoup d'entrainement et j'en suis encore très très loin.

Enfin, j'ai utilisé une autre tasse du potier Shawn McGuire, plus grande avec une forme qui capture très bien les parfums. Superbe pièce encore une fois...








En conclusion, je dirais que ce thé m'a donné une bonne leçon. Quand on monte assez nettement en gamme, on ne trouvera pas forcément un thé qui est extraordinairement bon de manières "évidente" et exubérante. Tout cela se joue dans la finesse et la longueur.

Je vois deux conséquences directes à cela : la première, c'est que pour préparer ce genre de beauté, il ne faut pas se tromper. Une mauvaise eau, une théière non adaptée et toute les finesses s'envolent. On se retrouve alors avec un thé non seulement plat mais aussi faiblard. Enfin, pour être à même d'apprécier et de capter toutes les finesses, il faut à mon avis avoir l'habitude de boire des thés de ce niveau. Ça ne vient pas d'emblée et demande de l'entrainement... dixit la personne qui a la sensation d'être passé à côté de beaucoup de choses lors de ces deux dégustations...


À bientôt !


>> Prochain article : l'oxydation des Dan Cong.