Voici le lien vers la page de ce thé (en anglais).
On y apprend qu'il provient de théiéiers situés au coeur des réserves protégées de Zheng-Yan. Ces derniers ont 60 ans et poussent naturellement sans l'usage de produits chimiques.
Ce thé est réalisé par Maitre Huang dont vous trouverez une page dédiée (encore en anglais) ici. C'est une personne reconnue qui est le propriétaire de près de la moitié de ces arbres protégés par l'Unesco. Sa famille est héritière de près de 300 ans d'expérience. Il a son fils comme élève depuis son plus jeune âge afin de continuer à léguer le savoir faire traditionnel de la préparation du thé.
Pour l'infusion, j'ai utilisé un ratio assez fort de feuilles : 8g pour 10,5 cl utiles. Zhong. Température maximale pour toutes les infusions.
J'ai employé mon eau de source Mont Barbier, puis l'eau Peartree Well de Tim, après la troisième infusion. Bouilloire en inox.
Ce Wuyi Yan Cha est jeune, la torréfaction est encore énergique, mais on sent néanmoins la maitrise de cette opération. C'est un thé de Maitre. Ça se remarque de suite à travers la finesse et la subtilité du résultat.
L'odeur des feuilles sèches dans le zhong préchauffé montre principalement cette torréfaction, derrière laquelle on descelle des notes de prunes, de noix.
Une fois réhydratées, se dégage un coté plus céréalier, plus fruité aussi. Et un gros pôle minéral, bien entendu. Mais un des parfums les plus présents au nez m'échappe, je n'arrive pas à l'identifier.
J'utilise des paramètres en partie inspirés par les conseils de Maitre Xu pour ses yan cha, bien que ce Wuyi Rou Gui ne soit pas l'un des siens. 8 grammes (normalement dans 15cl), infusions qui commencent à 30 secondes avec 15 secondes de plus pour chaque infusion supplémentaire. En général, je pousse plus. On verra bien.
30 secondes : on est dans le registre des thés très torréfiés, sans surprise, mais pas une torréfaction faite n'importe comment. La longueur qui s'installe est ronde et fruitée à souhait. De la poire. Je ne l'avais pas remarquée pour être honnête avant de lire la description de Nada, mais à présent, c'est impossible de s'y méprendre. La jeunesse des feuilles apparait au bout de quelques instants, venant compléter la palette gustative de ce thé. Superbe. On continue.
45 secondes donc : les feuilles commencent déjà à revêtir leur couleur verte originelle, ce qui augure une belle évolution à venir. Je suis obligé d'attendre très longtemps que l'empreinte de l'infusion précédente ne s'estompe avant de boire celle-ci. À la fin, on retrouve les notes de noix senties auparavant, noisette plutôt.
C'est la torréfaction qui est encore une fois dans l'attaque, avec une transformation plus rapide en fruit. Une petite astringence pointe le bout de son nez. Elle est la bienvenue. On glisse clairement dans quelque chose de plus jeune, toujours aussi rond, sucré à souhait. Mais la torréfaction compose encore nettement la charpente de cette deuxième infusion, avec ces notes de café. La longueur est phénoménale, sur tons de poire et de noisette.
Avant de réinfuser, j'hume de nouveau les feuilles dans le zhong. Les odeurs minérales dominent tout le reste.
1 minute : magique cette transformation en bouche. À l'attaque, c'est toujours cette sensation de café plus ou moins diluée qui ressort, quelque chose que j'apprécie moyennement, mais elle disparait comme neige au soleil pour laisser place au fruit, de plus en plus jeune au fil des infusions visiblement. Je note de manière plus dominante l'amertume de la peau de noisette. Cette infusion est plus faible que les précédentes. Je décide de passer à 1 minute 30 pour la suivante. Je change également l'eau pour passer à celle de Tim.
L'eau plus minérale fait plus de bruit quand elle chauffe dans ma bouilloire, c'est rigolo.
1 minute 30 : le parfum des feuilles humides est plus minéral que jamais. La liqueur plus foncée, ce qui parait normal. C'est un peu comme la pub des cruches filtrantes qui montre une tasse de thé préparée avec une eau du robinet à coté d'une autre préparée avec une eau filtrée : la différence de couleur est éloquente. Comme d'habitude, j'attends la fin de la poire de l'infusion précédente pour enchainer. C'est parti...
La forte minéralité de l'eau se sent de suite. Elle gomme l'aspect torréfaction qui est sûrement moins présent de toute façon. Mais c'est bien cette minéralité qui est présente dès l'attaque.
Alors qu'apporte cette eau ?
Je dirais qu'elle gomme un peu quelques saveurs. Elle va mettre en avant la mineralite du thé, qui imprégnera la longueur en bouche de manière significative. Pas facile pour le reste d'extraire les effets de l'eau à l'évolution naturelle du thé d'une infusion à l'autre. Je vais pousser plus à la prochaine, peut-être que les changements m'apparaitront de manière plus évidente.
2 minutes 30 : impressionnant dépôt, n'est ce pas ?
Le résultat est différent, pas mauvais, loin de là, énormément plus minéral. C'est marrant, je me disais justement que pour un thé de rocher, celui-ci ne l'était pas trop. Ici, on n'a plus ce problème. On a donc deux pôles bien distincts : la minéralité et le fruit. Ce dernier évolue en bouche comme avant. On arrive à quelque chose de plus vert, plus astringent aussi. La minéralité quant à elle ne quitte jamais la bouche. Elle me donne faim. Dernière infusion avant une pose.
3 minutes 30 : le dépôt à la verse de l'eau dans le zhong fait presque peur. Je comprends mieux certains conseils d'Akira... La liqueur est plus trouble, tirant plus sur le marron que le rouge.
Le suite comme à mon habitude n'a pas fait l'objet de notes. Les temps ont été faits au jugé. J'ai poussé de plus en plus jusqu'à arriver à plusieurs heures. Le résultat de ces dernières a été magnifique. Du jus de fruit.
Ce thé m'a beaucoup impressionné, presque plus que la version totalement faite à la main, l'attaque étant ici plus franche, moins ronde, quelque chose que j'aime bien. Je ne regrette pas l'usage de la porcelaine qui devient définitivement mon instrument de prédilection pour ces thés. Il faut un zhong avec des parois assez épaisses pour que la chaleur ne s'estompe pas trop vite cela dit je pense.
Quant au dosage assez musclé, j'ai trouvé qu'il convenait parfaitement à ce thé. En voici une autre raison. Je pense qu'il convient parfaitement aux thés très torréfiés ou ici dont la torréfaction est encore jeune. J'ai tendance à mettre moins de feuilles pour des Yan Cha plus vieux. Mais je n'en suis qu'à mes débuts et ai encore tant de choses à apprendre...
À bientôt.
Salut David,
RépondreSupprimerJe ne savais pas comment m'y prendre avec ce thé qui rien qu'à l'odeur des feuilles sèches promet de grandes choses.
Et bien grâce à cet article j'ai les paramètres quasi historiques pour infuser ce Wu Yi Yan Cha dans de bonnes conditions.
Intéressante expérimentation de l'eau mega minéralisée!
Ta description fait saliver.
MERCI
. PHILIPPE .
Magnifique compte rendu qui fait saliver, et que dire des photos qui font rêver... Merci David, une fois encore. J'ai bu à Taipei ce même thé mais il était de 80... à ton tour de rêver... Vendredi prochain, je serai chez Postcards, cela te dit quelque chose,!? Bon WE à toi
RépondreSupprimer@ Philippe : comme je te l'ai deja précisé, ces paramètres sont un mix entre ceux de Maitre Xu et de Brandon. Je tâtonne encore beaucoup, et je ne peux honnêtement pas dire qu'ils conviennent à tous les yancha. Mais c'est pour moi une bonne base de départ pour aborder un nouveau thé de cette famille.
RépondreSupprimer@ Francine : merci beaucoup. N'oublie pas que si tu veux que je glisse un petit mail à Tim pour le prévenir, y aucun problème.
Ce serait super gentil, MERCI
RépondreSupprimerBonjour David,
RépondreSupprimer8 grammes, c'est du dosage très costaud. C'est à peu près ce que je consomme par jour avec différents thés.
Pour ma part j'ai expérimenté plusieurs type de dosage. Le sous-dosage et le sur-dosage. Là aussi je me rends compte que ce qui me correspond est un dosage compris dans une fourchette.
Au centre de cette fourchette est inclus le dosage juste, celui qui me satisfait le mieux et en tout points.
.......
Pas évident de tomber sur un excellent Rou Gui. J'ai souvent été déçu de la différence entre ce qui se passe au nez d'une part et la bouche d'autre part.
Amicalement
Nicolas
Nicolas, crois moi 8g ce n'est pas si énorme que ça. Si tu voyais ce qui se pratique outre-atlantique et en Chine...
RépondreSupprimerMoi aussi je suis un peu touche à tout niveau dosage. Et la fourchette 7-8g / 10 cl pour un yancha est vraiment ce qui me convient le mieux. Après, j'affine en fonction des feuilles. Une plus grande torréfaction par exemple m'incitera à y aller un peu plus franchement que l'inverse. Mais, encore une fois, je ne suis qu'au début de mon exploration.
Une petite remarque si tu me le permets : à mon avis, avec le temps, ton "dosage juste" changera naturellement. Le palais change et quand je regarde les façons que j'avais d infuser certains thés il n'y a encore pas si longtemps que ça, et le plaisir que j'en retirais, je me rends compte que ce n'est pas que ma technique qui a changé, mais mes gouts aussi, surement du aux différentes rencontres effectuées entre temps, mais aussi à l'apprivoisement de l'amertume.
Avec le thé, je pense que rien n'est réellement gravé dans le marbre. En tout cas, dès que je commence à avoir des certitudes, je me fais systématiquement tacler peu de temps après. C'est surement ce qui nourrit ma curiosité d'ailleurs...
Merci de ton témoignage David :)
RépondreSupprimerNicolas