mercredi 14 juillet 2010

Série Wulong (1) : forte torréfaction et porcelaine








Voilà un moment que je n'avais rien écrit, ou plutôt que je repousse la date de publication. Chaque nouvelle infusion fait un peu progresser, donne de bonnes et de mauvaises idées, toutes dignes d'être considérées, testées. Aussi, j'ai toujours peur que ce que je vais écrire, alors que j'ai l'impression d'être satisfait de moi, ne se voit contredit ou amoindri par une nouvelle expérience.

Telle est la voie du thé : sinueuse, faisant parfois demi-tour, donnant sur une impasse ou du moins c'est ce qu'on croit, car une revisite pourra faire apparaitre de nouveaux sentiers.

Tout change. Les goûts changent, les envies changent, le palais change. Et dans ce mouvement perpétuel, une idée, un avis n'est que le reflet d'une position à un instant "t". Dans dix ans, avec de l'expérience, je reviendrais peut-être exactement au même endroit de ma voie : les mêmes goûts pour les mêmes méthodes. 

J'en profite pour rappeler que ces articles et ce blog n'ont nullement vocation à enseigner une façon, encore moins la façon. C'est un ensemble de balises sur ma voie du thé, de façon à pouvoir la revisiter et considérer avec du recul le chemin emprunté et parcouru. Et bien entendu, c'est un espace de partage dont le retour d'expérience de chacun permet de façonner ses propres choix.









Je commence une série de billets sur les wulong. Pour débuter, je vais m'intéresser aux spécimens très torréfiés et leur infusion en zhong. Cela parait très pointu mais ce n'est pas un hasard.


J'ai mis du temps à apprécier ces wulong, faute de préparation appropriée. Ces thés très travaillés, à 100% ou pas loin pour ceux dont on va parler aujourd'hui, ne me rendaient auparavant que des notes de torréfaction diluées, que je n'apprécie pas vraiment. Le café anglo-saxon, très peu pour moi !





J'ai souvent lu que le mieux était d'utiliser une glaise pourpre, zisha, souple et poreuse, pour arrondir les angles de ces thés. Je me suis acheté une telle théière et fait des tests. Le résultat ne m'a pas convenu. Efficace pour lisser certaines aspérités, ce "filtre" n'est cependant pas réglable et cela se fait aux dépends de détails et de certaines notes, ce qui me dérange ne serait-ce que philosophiquement : j'ai peur de passer à côté de plein de choses. Je ne prétends pas cependant que cette terre soit mauvaise. Je ne lui ai pas encore trouvé de domaine de prédilection. J'y reviendrai. Il est en effet toujours intéressant de pouvoir essayer un nouveau thé dans une telle théière.





Ensuite, j'ai essayé d'autres méthodes d'infusion, sans que rien ne me convienne vraiment. Ce que j'ai trouvé de mieux au bout du compte : le zhong. Comme quoi des fois il ne faut pas chercher bien loin... Comme d'habitude, les avantages de cet instrument sont multiples : on peut surveiller la liqueur, sa couleur, son odeur. Mais j'ai trouvé qu'en plus, ces wulong très torréfiés réagissaient particulièrement bien à la porcelaine. Ces thés déjà ronds n'ont rien à redouter de cet instrument qui accentue des fois les angles de certains thés trop fougueux. Les parfums sont rendus de façon très précise et quand on a sous la main un thé à la torréfaction très bien maitrisée, c'est un vrai bonheur.


Voici les détails de la préparation type que j'effectue pour ces thés :





Un dosage généraux, 4-5 grammes pour un zhong de 10cl. J'ai trouvé qu'il fallait mieux être généreux, pour éviter l'effet "café dilué" évoqué plus haut. Le dosage est actuellement au centre de mes réflexions. Je développerai plus dans un prochain billet.

J'utilise mon zhong de Terre de Chine pour ces thés, car c'est celui que je possède qui a les parois les plus épaisses et qui est donc susceptible de conserver au mieux la chaleur. Il faut si possible qu'il reste toujours chaud. De plus, les wulong supportent assez mal les interruptions d'après mon expérience, aussi il ne vaut mieux pas que le matériel refroidisse, ou alors il faut le repréchauffer. Je ne le fais que pour le zhong par contre et pas pour la cruche ni les tasses. J'aime boire mon thé à une température pas trop élevée, mon palais étant sensible à la chaleur, et je dois avouer qu'il m'arrive même de transvaser mon thé d'une tasse à une autre afin de le faire refroidir plus rapidement. Je perds peut-être des choses ce faisant, mais mes papilles sont plus précises à température plus faible.





Il faut donc bien préchauffer son zhong à l'eau bouillante. L'un des meilleurs moments de ces thés sera de sentir l'odeur des feuilles sèches dans un zhong brulant, mais je vous conseille de faire de même quelque soit la variété que vous infusez, en zhong ou en théière, dont la forme influera sur le ressenti. Un rinçage rapide (avec l'eau utilisée pour préchauffer le zhong par exemple pour pas gâcher) et on est parti !





Petite parenthèse sur le rinçage : autant avant j'avais tendance à rincer tout mes thés (sauf les verts,) autant à présent je ne le fais que sur les thés fermentés (et donc les puerh.)





J'utilise une eau à température maximum. J'attends juste qu'elle se soit calmée après ébullition. J'effectue la première verse avec virulence, pour faire tourner les feuilles afin qu'elles s'ouvrent mieux. Les autres seront faites délicatement pour ne pas brusquer les feuilles ouvertes, surtout au début.





Pour la durée d'infusion, je n'utilise plus qu'un seul principe avec le zhong : je soulève le couvercle et arrête quand ce que je sens me plait. Je trouve que le couvercle est plus précis qu'une tasse à sentir et je me dis que cette méthode doit former mon nez à être plus précis. La couleur est aussi une bonne indication quand on connait bien le thé qu'on infuse.

Cela fait également partie de mes résolutions récentes d'essayer - à terme - de me passer de deux de mes accessoires : chronomètre et balance. Pour cette dernière, je m'amuse à essayer de doser mon thé au jugé dans une petite coupelle et pèse le résultat pour voir si je suis loin du poids escompté. Avec un peu d'entrainement, je devrais pouvoir m'en passer sous peu ! Restera le thermomètre. Chaque chose en son temps...





En gros, concernant mes temps d'infusion, cela dépendra vraiment des goûts. Même une liqueur très dense et forte aura un intérêt en la persistance et l'évolution en bouche. Mais il est intéressant de jouer avec ce paramètre et de faire la corrélation entre ce qu'on sent sous le couvercle et ce qu'on trouve en bouche.





Enfin, ces thés se prêtent magnifiquement aux infusions longues. Plusieurs heures, une nuit, tant qu'il y a de la matière à extraire, j'infuse !





Il faut à présent que j'élargisse ma gamme de cette famille de thé. J'en ai repéré quelques uns chez Essence of Tea qui devrait en recevoir de nouveaux la semaine prochaine. Pour le moment, j'ai le Tie Guan Yin torréfié de Stéphane, celui avec qui tout a commencé : sublime. À prix à peu près équivalent, le Tie Guan Yin 2 de Taïwan de la maison des 3 thés ne tient pas la distance. J'aime bien le Qizhong Oolong de Stéphane (Baozhong torréfié) mais je ne sais pas s'il est si torréfié que les autres dont je parle ici. N'hésitez pas à me donner vos impressions sur d'autres produits, je commence juste.





Ces wulong torréfiés sont vraiment des thés spéciaux qu'il convient de bien préparer. Je ne dis pas que ma méthode est la meilleure. J'en changerai peut-être plus tard, mais pour l'instant elle me satisfait.

L'intérêt de ces thés réside dans leur longueur en bouche et leur évolution qui peut durer plusieurs minutes.

J'ai encore un long parcours à faire pour comprendre bien ces thés. J'y reviendrai sûrement. Mais je tenais à les présenter car il est facile de passer à côté selon moi.





Voilà pour ce premier volet sur les wulong. Le prochain sera consacré aux Wuyi yancha (thés de rochers.)


À bientôt !



10 commentaires:

  1. Encore un très bel article! je suis admiratif de la constance dans la qualité et l'intérêt de tes propos...

    Je partage tout à fait ce que tu dis sur la manière dont progresse la "voie du thé"... de mon coté aussi je reviens beaucoup sur des manière de faire anciennes, je revisite avec delice des manières abandonnées ou bien regarde de manière critique ce que j'avas pu encenser à un moment donné... l'important reste à mon avis de ne pas figer les manières de faire dans des recettes... reste malgré tout certains fondammentaux qu'on découvre avec le temps, par exemple, avoir un certain niveau de concentration de la liqueur, ou ne pas faire des infusions trop "flash" (où rien n'a le temps d'infuser)

    Aussi tout à fait d'accord pour l'usage du zhong pour les thés torréfiés, ils ont une rondeur naturelle qui ne nécessite pas d'autres filtres... Je ne comprend pas trop la manie de vouloir utiliser des terres très poreuses pour les torréfies... De plus, je trouve que le zhong donne accès à certaines notes fleuries et fraiches que je n'arrive pas à obtenir en théières...

    Par contre, concernant la capacité à tenir la chaleur sur la durée du récipient, je commence à me demander si c'est toujours une qualité positive... j'ai pu constater qu'avce certains thés fait en infusions longues, ils donnent mieux en zhong fin ou en théière fine qu'avec une théière à parois épaisses... avec cette dernière, le gout est un peu cuit

    j'attends avce intérêt tes prochains articles

    ;-)

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  2. Merci Beaucoup pour cet excellent article! Chacun y trouvera son compte, du débutant au plus expérimenté...

    En ce qui concerne la pesée, j'essaie de me repérer avec une simple cuillère dont je verse le contenu dans un mini ramequin et je pèse pour avoir une idée! j'ai l'intention ainsi de m'affranchir totalement de la balance d'autant qu'elle n'est pas très précise (la cuillère deviendra ainsi mon outil de "pesée")
    Pour la t° de l'eau, c'est un peu plus compliqué!je compte encore trop sur mon aquagrad.
    En ce qui concerne la théière, j'en ai une en terre depuis très peu, je l'ai testé sur quelques thés dont un rou gui et je suis déçue!
    le Zhong et ma petite théière en porcelaine (17cl) me conviennent nettement mieux.

    Juste une petite question pratique si tu veux bien, quand tu parles du re-préchauffage : tu vides le zhong, tu le repréchauffe puis tu remets les feuilles ?

    Le tie guan yin de Stephane, je viens de le recevoir, pas encore goûté!

    J'ai hâte de lire ton article sur les rochers.
    Bien à toi.
    Hobthe

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  3. J'ai reçu le Tie Guan Yin torréfié de Stéphane dernièrement. Tu me l'avais décrit de la façon suivante : "je n'emploierais pas les mots Tie Guan Yin", et c'est vrai. Il me plait vraiment.

    J'ai aussi consommé le Qizhong de Stéphane, ainsi que son Hung Shui Oolong de Feng Huang. Trois thés torréfiés, qui vont très bien en zhong de porcelaine.

    Pour doser les thés j'utilise une méthode proche de celle de Hobthe. C'est valable pour les vrac, ça fonctionne bien malgré les différence de tailles des feuilles (pour les thés compressés, j'ai parfois des surprises...).

    Le rinçage d'un thé est appliqué de manière empirique. Je suis encore dans un phase de découverte. Pour le Tie Guan Yin de 2005, je rince 4 ou 5 secondes. Je me dis que ce thé à besoin de cela pour relier la forte torréfaction (perte d'eau et modification du goût, de l'odeur) à l'infusion (apport d'eau).

    C'est de nouveau un bel article que tu nous propose. La lecture a été agréable et enrichissante. J'attends aussi ton prochain article sur les thés de rocher, par curiosité. Je ne connais pour ainsi dire presque rien de cette famille.

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  4. oui, encore un chouette article avec de bien belles photos.
    je me suis particulièrement retrouvé dans tes propos quand tu expliques que tu as eu du mal à passer outre les notes de torréfaction diluées (le café anglo-saxon). sauf qu'en ce qui me concerne, je n'ai pas du tout réussi à passer de l'autre côté de la barrière.
    chaque chose en son temps, en tout état de cause, c'est un article que je relirai lorsque je serai sur le point de refaire une tentative avec un wulong torréfié.

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  5. Un billet très intéressant, qui condense beaucoup d'expérience et de réflexion. Bravo ! Il me tarde les suivants ! (en particulier celui sur les dosages)

    Comme toi, j'attends que la liqueur refroidisse avant de la boire. J'ai souvent deux infusions d'avance qui attendent sagement dans des coupes leur tour, puis je transvase.
    D'une part je ne prends pas tellement de plaisir gustatif quand c'est chaud, et d'autre part il paraît que boire chaud favorise le cancer de l'œsophage ; je préfère donc ne pas augmenter ce risque.

    J'ai encore pour habitude de rapidement rincer les thés verts. Cela permettrait de les éveiller, de sorte qu'il soient prêts pour la première infusion.
    J'avoue que je ne constate pas de différence gustative lorsqu'ils sont rincés ou pas... C'est finalement plus dans un esprit mystique qu'autre chose que je continue à le faire...

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  6. Je vais aller dans le mêmes sens que les précédents commentaires : bel article, qui prend le temps de bien dire les choses, de façon structurée et calme...il produit sur moi un effet proche de celui d'une tasse de thé...

    Coïncidence : moi aussi je reviens au zhong ces temps-ci, le même que toi en +, même provenance.

    Je n'ai jusqu' à présent jamais trop réussi ces thés torréfiés non +, ton article me donne envie d'y revenir, mais chaque chose en son temps...

    Allez, je vais mettre 1 morceau de jeune pu er sheng dans mon zhong, ton article m'a donné soif !

    merci david

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  7. Merci à tous.

    Thomas, je suis d'accord avec toi pour les infusions "flash." Pour la concentration mini, ça dépend : certains thés très fins et fleuris sont bien "dilués" je trouve. Mais je préfère aussi une certaine matière en général, surtout pour les thés fermentés.

    Les différences entre les zhongs sont assez fines encore pour moi. Je préfère un gros zhong pour les thés plus lourds car cela me semble logique. Par exemple, j'adore les rochers très peu torréfiés en zhong avec un dosage généreux (6-7g pour 10cl.) Je n'ai pas fait l'expérience mais dans un zhong fin, je ne le sens pas. Je tenterai quand même.

    Hobthe, j'ai une aquagrad aussi mais pratiquement tous les thés que je fais (très rarement des thés verts chinois) sont à température max. Je n'utilise pas la fonction de maintien de T°C (de peur de l'oublier) ou alors je ne verse que juste après qu'elle ait fait rebouillir l'eau. Mais je me méfierais de la température de cette bouilloire, pour les thés assez couteux en tout cas. Pour un thé vert de base, c'est amplement assez précis.

    Quant à ta question, ça dépend d'où j'en suis dans les infusions. Si j'ai du m'arrêter rapidement, que les feuilles sont encore très chargées, je les retire et préchauffe le zhong à part. Si j'ai déjà bien tiré dessus, je fais un rinçage flash avec les feuilles.

    Sébastien, pour "passer de l'autre côté de la barrière," je te conseille de pousser le dosage au moins une fois pour essayer, de très bien préchauffer et d'utiliser une eau très chaude (max.)

    Julien, on est pareils. Personnellement, je fais une infusion, verse le contenu de mon pot dans des tasses puis en prépare une autre dans la foulée. Le temps que je boive la première, la seconde a déjà refroidi dans le cha hai. Dès que ce dernier est vidé, je le remplis.

    Quand je bouquine, j'aime aligner plein de tasses et faire des infusions d'avance. À noter que mes tasses de Hagi très épaisses gardent très bien la chaleur ce qui est parfait pour ce genre de circonstance.


    Le prochain article sur les rochers ne va pas sortir demain. Il faut que j'en boive encore un peu dans différentes configurations pour en parler sereinement, surtout que maintenant, vous me mettez la pression ! ;-)

    ++

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  8. Mon Qizhong Oolong de 2008 n'est pas aussi torréfié que le Tie Guan Yin. Il conviendrait mieux de le classer dans les Oolongs à torréfaction moyenne.

    Je soutiens complètement l'utilisation du zhong! Bien vu.
    Par contre, je ne recommande pas de sortir les feuilles du zhong pour le repréchauffer. L'idéal reste de préserver l'harmonie de l'ouverture naturelle des feuilles. Mieux vaut rechauffer l'eau au maximum et prolonger l'infusion. Comme les feuilles sont déjà ouvertes -vu qu'on n'est plus à la première infusion-, c'est moins critique.

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  9. Cela m'arrivait rarement de sortir les feuilles mais je ne le ferai plus ! Je me doutais que le Qizhong était moins torréfié mais je lui trouve pas mal de similitudes avec des thés qui le sont un peu plus. J'y reviendrai sûrement.

    Merci de ta contribution.

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  10. je me joins aux autres commentaires : j'aime beaucoup ton approche , sincère, personnelle et vraie .
    au sujet de la porcelaine : je n'utilise pas le zhong mais théière et bols en porcelaine et je trouve aussi que les oolongs et les thés verts réagissent bien à la finesse de cette terre.
    ( le quizhong oolong de stéphane m'a beaucoup plu !)
    ps . ah ...: sublime bol présenté par ta première photo !!!!

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