L'une des premières leçons que j'ai apprise d'Akira est d'être conscient de la différence entre la
qualité d'un produit et son
caractère. Et cela n'est pas valable que pour le thé mais pour tout : nourriture, boisson, parfum, etc.
La qualité est quelque chose d'indéniable : on peut ne pas aimer quelque chose - dans ce cas, on dira qu'on n'aime pas son caractère - mais être à même de reconnaître qu'il est de qualité.
Pour Akira, le signe de la qualité est le
Hou Yun ("Hou" = gorge), ou
aftertaste, terme maintes fois utilisé, pas toujours à bon escient, et difficile à traduire autrement que par
longueur en bouche. Personnellement, j'utiliserai le terme d'
aftertaste par la suite, question d'habitude.
Pour parvenir à évaluer un thé, il faut le comparer à d'autres,
sauf si vous vous imposez un entrainement aussi drastique qu'Akira...
Voici le postulat important : aftertaste et qualité vont de paire. Un thé de qualité aura un très bon aftertaste, et un thé ayant un bon aftertaste sera de qualité. En effet, la différence entre deux thés bus l'un à côté de l'autre, l'un ayant un aftertaste nul et l'autre ayant à l'opposé un aftertaste excellent sera impressionnante. Pas besoin d'être entraîné pour voir la différence. Le meilleur s'installera longtemps dans la gorge, alors que le premier flattera les nasaux quelques secondes avant de disparaître. C'est aussi quelque chose qui dépasse l'analyse gustative du thé : ça se sent, c'est profond, a un effet sur l'organisme.
Pour Akira, en tant que vendeur, il est de son devoir que sa sélection arbore les produits de meilleure qualité possible. Ainsi il recherche les thés ayant le plus grand aftertaste. Malheureusement, cela est presque toujours proportionnel au prix. Car d'après lui, quasiment tous les producteurs savent cela. Il n'y a pas de mystère...
Malheureusement, une partie de la population est incapable de sentir l'aftertaste. Après avoir fait faire des tests à des centaines et des centaines de clients, Akira pense qu'environ un petit tiers des personnes est incapable de sentir l'aftertaste de façon significative. Pour lui, c'est surement génétique en cela que ça semblerait se transmettre de génération en génération. Aussi, les femmes ont l'air d'avoir une meilleure perception de l'aftertaste que leurs homologues masculins.
Bref, pour résumer, qualité et aftertaste sont intimement liés. Un thé avec un excellent aftertaste aura également des effets visibles sur l'organisme : on peut devenir "teadrunk" très rapidement, mais c'est surtout par sa persistance qu'il sera remarquable.
Le caractère quant à lui ne sera en rien lié aux qualités intrinsèques des feuilles. Cette notion renverra au goût, aux arômes, donc directement aux choses qui sont sujettes aux préférences de chacun. C'est là où se situe le piège, vous l'aurez compris, quand on se livre à ce petit exercice : se défaire de ses préférences pour essayer d'estimer la seule qualité. Voici un exemple.
Personnellement, j'adore les puerh fruités qui tirent sur les agrumes. En goûtant plusieurs puerh de la sélection d'Akira côte à côte, tout en essayant de déterminer lequel avait le meilleur aftertaste, pas facile de faire abstraction de leurs caractères. J'ai comparé par exemple son Lao Hei Zhai et son Ai Lao Shan. Dans un cas, un goût familier que j'adore et dans l'autre des saveurs que je n'apprécie vraiment pas (une première pour moi dans la sélection d'Akira). Il est alors facile de penser que le thé de meilleure qualité est celui que j'ai préféré, qui me parle le plus. Mais en fait, il n'en est rien. Une appréciation plus fine, exempte de toute opinion personnelle est nécessaire pour apprécier la réelle valeur d'un thé.
Magnifique Tie Guan Yin d'Akira...
Cet exemple est juste pour illustrer la différence entre qualité et caractère. Il est évident qu'on boit ce qu'on préfère. Mais un caractère qui plait dans un thé n'implique pas forcément qu'il soit de bonne qualité.
Une chose qu'il est important de noter est que l'aftertaste est directement lié aux matières minérales contenues dans les feuilles (notamment le fer). Cela implique qu'un thé ayant un excellent aftertaste l'aura toujours, même s'il est mal conservé. Son caractère pourra être gâché mais pas son aftertaste. A contrario, un thé n'ayant pas de qualité n'en gagnera.
Photo prise avec mon téléphone. Trois sencha, la fois où j'ai loupé le Tsukigase Zairai... Too deep...
Akira pense que l'intensité de l'aftertaste n'a rien à voir avec la fabrication du thé en elle-même. Toutes les étapes qui la composent influeront sur le
caractère du thé, mais l'aftertaste est lié à la
matière première : les feuilles, l'arbre, le sol, la géographie. Parmi tous ces facteurs, Akira en cite particulièrement quatre que je développerai ultérieurement :
l'altitude, l'âge du théier, le cultivar et le nombre de récolte par an. Pour parler avec précision de cela, il faut rentrer dans la chimie de la plante. Alors, tout devient clair...
On comprend aussi mieux pourquoi les vendeurs chevronnés vont visiter les jardins pour choisir leurs thés et ne se contentent pas juste de goûter au produit fini, a fortiori quand on s'y connait autant en agriculture qu'Akira. Cela permet d'apprécier l'utilisation ou non de pesticide, la fréquence et le soin porté à la taille des arbres, la nature du sol, etc. Tout cela sera révélateur de la qualité du produit fini.
Trouvez l'erreur...
Voilà donc pour cet article sur la
qualité et le
caractère. Encore une fois, on boit ce qu'on aime et on peut tout à fait se passer de ce genre de notions. Mais, par exemple, si on veut faire vieillir un thé, il sera bon de savoir que la
qualité n’apparaîtra pas par magie à partir d'un matériau de base qui en est dépourvu. Par contre, le thé changera de
caractère avec le temps
. D'où le besoin de pouvoir déterminer rapidement un thé ayant des qualités. Et ce sera possible en appréciant son aftertaste.
À bientôt.