Voici une nouveauté que j'attends depuis quelques temps : l'arrivée des dan cong de Master Lin dans la sélection de Tim. Ça fait un moment qu'il m'a dit avoir rencontré cette personne et que ces thés étaient excellents. Alors, maintenant, il ne reste plus qu'à goûter à tout ça ! Je vais donc parler rapidement de la rencontre avec ce thé, pour digresser ensuite sur l'astringence et la force des infusions et leurs conséquences sur l'aftertaste.
Protocole : 8g dans mon zhong habituel de 10-12cl. Ce sera de l'eau du Mont Barbier dans une bouilloire neuve - l'autre ayant rendue l'âme après de bons et loyaux services - dûment rincée plusieurs fois à l'eau de source uniquement. Cette bouilloire ne recevra que de la Mont Roucous, de la Mont Barbier et de la Montcalm. Pas d'eau plus minéralisée que ça.
Feuilles superbes, n'hésitez pas à zoomer pour les admirer...
Les feuilles sèches sentent admirablement bon. Je colle mon nez et respire longuement jusqu'à ce que mon souffle chauffe les feuilles et fasse dégager des arômes différents. Merci Philippe du tuyau.
Ah les Dan Cong ! Mine de rien, ça faisait plusieurs mois que je n'en avais pas bu et les feuilles sèches de ce thé m'ont remémoré de bien beaux souvenirs. Il faut dire qu'elles sont véritablement superbes, joliment torréfiées, sans excès, pas de vert visible mais pas de carbonisation non plus. Un thé de Maître...
Double préchauffage et go.
Dans le zhong chaud, c'est un concert de notes chaudes de torréfaction mêlées à des parfums de fleurs.
Après un rinçage flash, se dégagent des arômes céréaliers et une certaine fraicheur.
La couleur de l'eau de rinçage est magnifique. Un peu trouble, dans les tons du sirop de pêche profond, entre l'orange et le pourpre. Et quels parfums...
On va commencer léger...
15 secondes. Rien que la couleur de l'infusion est magnifique... Bon, vous savez quoi ? Je sens que ça va encore être un concert de superlatifs... Ce que j'ai dans la tasse est extra. C'est concentré sans être agressif. Superbe astringence, évolution, et longueur.
Le moment de la transformation en aftertaste est très plaisant. Je ne sais pas si c'est quelque chose qui existe vraiment, mais quand je bois de tels beautés, il y a comme un moment où les saveurs perçues en bouche se font submerger par l'aftertaste. Parfois, c'est quasi instantané, d'autres fois, ça met plus de temps.
Pas réussi à retranscrire la couleur exacte de l'infusion en photo...
Ce thé est riche. J'enchaine des infusions courtes et néanmoins puissantes pendant la phase d'ouverture des feuilles. Toujours le même plaisir. Très joli pôle acide présent dès le début. Il semble créer de l'astringence, entrainant une magnifique longueur.
Et bien sur au fil des infusions, on se rapproche de la verdure des feuilles et les notes de wulong associées viennent s'ajouter au bouquet.
Post-rinçage...
J'arrête là la description sensorielle de ce thé pour parler plus généralement de la longueur et de la force des infusions. Je me suis efforcé pour ce Dan Cong de faire plus court que d'habitude. La réflexion est la suivante : quand on apprécie l'aftertaste d'un thé et qu'on a entre les mains des spécimens qui vous le rendent bien, on a tendance à privilégier ceci au reste. Je ne dis pas que c'est systématique, mais c est souvent l'effet recherché. L'exemple de la théière est ici le meilleur pour illustrer cette idée : souvent, on est prêt à perdre des arômes au profit de cette longueur en bouche si addictive... Mais rares sont les théières qui réussissent ce genre de transformation.
N'infusant mes Dan Cong qu'en porcelaine, je me suis vu pousser les thés bien plus que la moyenne pour me retrouver avec des liqueurs très serrées en bouche. Mais qu'importe, la longueur n'en était que plus belle et endurante.
Magnifique petite tasse de Suzuki Toshiyuki (Daisen-yaki)
Alors plus fort, plus bourrin, plus d'aftertaste ? J'ai posé la question à Akira Hojo et la réponse semble être... non ! Il suffit pour cela de mettre une feuille d'un bon Dan Cong dans une tasse d'eau chaude et deux feuilles de ce même thé dans une autre tasse identique. Même longueur en bouche. CQFD.
Alors pourquoi plus de sensations avec des liqueurs plus fortes ? Deux raisons selon moi.
Premièrement, il faut avoir un palais très précis et exercé pour sentir l'aftertaste d'un thé peu concentré. Un palais ça s'entraine ! Et il y a un long chemin à parcourir pour être capable de discerner l'aftertaste déjà, puis toutes ses nuances. Et au niveau dont je parle, niveau que je cherche à atteindre un jour, il faut s'entrainer sérieusement, faire attention à ce qu'on mange avant. Bien entendu, exit le tabac, l'alcool, etc pour la journée sous peine de perdre toute précision. Ça, c'est fatal. Donc pour résumer, sentir l'aftertaste dans toutes les conditions demande un palais entrainé et préparé. Une liqueur forte est plus visible au début pour le débutant (que je suis).
C'est quand même beau un zhong rempli de feuilles, non ?
La deuxième raison pour moi est due à l'astringence. En effet, j'ai remarqué que ce phénomène - qui consiste à assécher la bouche - contribue à prolonger les saveurs et leurs évolutions. Seul revers de la médaille, trop de punch va petit à petit anesthésier les perceptions, en ce qui me concerne en tout cas.
Yin / Yang ?
Donc voilà pour cette petite réflexion. La concentration mène à des perceptions différentes, "plus" devient synonyme de "plus lisible." Et qu'importe si c'est très tendu en bouche quand l'aftertaste vient rapidement balayer tout ça et durer longtemps, en évoluant parfois. Enfin, l'astringence, souvent née de l'utilisation d'une eau plus chaude, ici au maximum, aidera aussi à prolonger les saveurs et donc améliorera leur visibilité. En tout cas c'est ce que je remarque.
Je précise pour finir que je ne suis que très peu sensible à l'amertume (qui est différente de l'astringence). Je ne suis pas né comme ça, je le suis devenu à force de boire du thé. Je le précise car cela restera l'ennemi numéro un des personnes non habituées aux infusions "chargées." Je vous renvoie à un article de Thomas qui développe très bien l'idée que l'amertume est quelque chose qui s'apprivoise, et qu'on vient à rechercher même. Voilà.
À bientôt.