Voilà un moment que je n'avais rien écrit, ou plutôt que je repousse la date de publication. Chaque nouvelle infusion fait un peu progresser, donne de bonnes et de mauvaises idées, toutes dignes d'être considérées, testées. Aussi, j'ai toujours peur que ce que je vais écrire, alors que j'ai l'impression d'être satisfait de moi, ne se voit contredit ou amoindri par une nouvelle expérience.
Telle est la voie du thé : sinueuse, faisant parfois demi-tour, donnant sur une impasse ou du moins c'est ce qu'on croit, car une revisite pourra faire apparaitre de nouveaux sentiers.
Tout change. Les goûts changent, les envies changent, le palais change. Et dans ce mouvement perpétuel, une idée, un avis n'est que le reflet d'une position à un instant "t". Dans dix ans, avec de l'expérience, je reviendrais peut-être exactement au même endroit de ma voie : les mêmes goûts pour les mêmes méthodes.
J'en profite pour rappeler que ces articles et ce blog n'ont nullement vocation à enseigner une façon, encore moins la façon. C'est un ensemble de balises sur ma voie du thé, de façon à pouvoir la revisiter et considérer avec du recul le chemin emprunté et parcouru. Et bien entendu, c'est un espace de partage dont le retour d'expérience de chacun permet de façonner ses propres choix.
Je commence une série de billets sur les wulong. Pour débuter, je vais m'intéresser aux spécimens très torréfiés et leur infusion en zhong. Cela parait très pointu mais ce n'est pas un hasard.
J'ai mis du temps à apprécier ces wulong, faute de préparation appropriée. Ces thés très travaillés, à 100% ou pas loin pour ceux dont on va parler aujourd'hui, ne me rendaient auparavant que des notes de torréfaction diluées, que je n'apprécie pas vraiment. Le café anglo-saxon, très peu pour moi !
J'ai souvent lu que le mieux était d'utiliser une glaise pourpre, zisha, souple et poreuse, pour arrondir les angles de ces thés. Je me suis acheté une telle théière et fait des tests. Le résultat ne m'a pas convenu. Efficace pour lisser certaines aspérités, ce "filtre" n'est cependant pas réglable et cela se fait aux dépends de détails et de certaines notes, ce qui me dérange ne serait-ce que philosophiquement : j'ai peur de passer à côté de plein de choses. Je ne prétends pas cependant que cette terre soit mauvaise. Je ne lui ai pas encore trouvé de domaine de prédilection. J'y reviendrai. Il est en effet toujours intéressant de pouvoir essayer un nouveau thé dans une telle théière.
Ensuite, j'ai essayé d'autres méthodes d'infusion, sans que rien ne me convienne vraiment. Ce que j'ai trouvé de mieux au bout du compte : le zhong. Comme quoi des fois il ne faut pas chercher bien loin... Comme d'habitude, les avantages de cet instrument sont multiples : on peut surveiller la liqueur, sa couleur, son odeur. Mais j'ai trouvé qu'en plus, ces wulong très torréfiés réagissaient particulièrement bien à la porcelaine. Ces thés déjà ronds n'ont rien à redouter de cet instrument qui accentue des fois les angles de certains thés trop fougueux. Les parfums sont rendus de façon très précise et quand on a sous la main un thé à la torréfaction très bien maitrisée, c'est un vrai bonheur.
Voici les détails de la préparation type que j'effectue pour ces thés :
Un dosage généraux, 4-5 grammes pour un zhong de 10cl. J'ai trouvé qu'il fallait mieux être généreux, pour éviter l'effet "café dilué" évoqué plus haut. Le dosage est actuellement au centre de mes réflexions. Je développerai plus dans un prochain billet.
J'utilise mon zhong de Terre de Chine pour ces thés, car c'est celui que je possède qui a les parois les plus épaisses et qui est donc susceptible de conserver au mieux la chaleur. Il faut si possible qu'il reste toujours chaud. De plus, les wulong supportent assez mal les interruptions d'après mon expérience, aussi il ne vaut mieux pas que le matériel refroidisse, ou alors il faut le repréchauffer. Je ne le fais que pour le zhong par contre et pas pour la cruche ni les tasses. J'aime boire mon thé à une température pas trop élevée, mon palais étant sensible à la chaleur, et je dois avouer qu'il m'arrive même de transvaser mon thé d'une tasse à une autre afin de le faire refroidir plus rapidement. Je perds peut-être des choses ce faisant, mais mes papilles sont plus précises à température plus faible.
Il faut donc bien préchauffer son zhong à l'eau bouillante. L'un des meilleurs moments de ces thés sera de sentir l'odeur des feuilles sèches dans un zhong brulant, mais je vous conseille de faire de même quelque soit la variété que vous infusez, en zhong ou en théière, dont la forme influera sur le ressenti. Un rinçage rapide (avec l'eau utilisée pour préchauffer le zhong par exemple pour pas gâcher) et on est parti !
Petite parenthèse sur le rinçage : autant avant j'avais tendance à rincer tout mes thés (sauf les verts,) autant à présent je ne le fais que sur les thés fermentés (et donc les puerh.)
J'utilise une eau à température maximum. J'attends juste qu'elle se soit calmée après ébullition. J'effectue la première verse avec virulence, pour faire tourner les feuilles afin qu'elles s'ouvrent mieux. Les autres seront faites délicatement pour ne pas brusquer les feuilles ouvertes, surtout au début.
Pour la durée d'infusion, je n'utilise plus qu'un seul principe avec le zhong : je soulève le couvercle et arrête quand ce que je sens me plait. Je trouve que le couvercle est plus précis qu'une tasse à sentir et je me dis que cette méthode doit former mon nez à être plus précis. La couleur est aussi une bonne indication quand on connait bien le thé qu'on infuse.
Cela fait également partie de mes résolutions récentes d'essayer - à terme - de me passer de deux de mes accessoires : chronomètre et balance. Pour cette dernière, je m'amuse à essayer de doser mon thé au jugé dans une petite coupelle et pèse le résultat pour voir si je suis loin du poids escompté. Avec un peu d'entrainement, je devrais pouvoir m'en passer sous peu ! Restera le thermomètre. Chaque chose en son temps...
En gros, concernant mes temps d'infusion, cela dépendra vraiment des goûts. Même une liqueur très dense et forte aura un intérêt en la persistance et l'évolution en bouche. Mais il est intéressant de jouer avec ce paramètre et de faire la corrélation entre ce qu'on sent sous le couvercle et ce qu'on trouve en bouche.
Enfin, ces thés se prêtent magnifiquement aux infusions longues. Plusieurs heures, une nuit, tant qu'il y a de la matière à extraire, j'infuse !
Il faut à présent que j'élargisse ma gamme de cette famille de thé. J'en ai repéré quelques uns chez Essence of Tea qui devrait en recevoir de nouveaux la semaine prochaine. Pour le moment, j'ai le Tie Guan Yin torréfié de Stéphane, celui avec qui tout a commencé : sublime. À prix à peu près équivalent, le Tie Guan Yin 2 de Taïwan de la maison des 3 thés ne tient pas la distance. J'aime bien le Qizhong Oolong de Stéphane (Baozhong torréfié) mais je ne sais pas s'il est si torréfié que les autres dont je parle ici. N'hésitez pas à me donner vos impressions sur d'autres produits, je commence juste.
Ces wulong torréfiés sont vraiment des thés spéciaux qu'il convient de bien préparer. Je ne dis pas que ma méthode est la meilleure. J'en changerai peut-être plus tard, mais pour l'instant elle me satisfait.
L'intérêt de ces thés réside dans leur longueur en bouche et leur évolution qui peut durer plusieurs minutes.
J'ai encore un long parcours à faire pour comprendre bien ces thés. J'y reviendrai sûrement. Mais je tenais à les présenter car il est facile de passer à côté selon moi.
Voilà pour ce premier volet sur les wulong. Le prochain sera consacré aux Wuyi yancha (thés de rochers.)
À bientôt !