vendredi 25 mai 2012

Mi Hua Xiang 2011 - Hojo Tea






Voici venue l'heure du Mi Hua Xiang, littéralement "Honey Flavor". Après avoir patiemment goûté une bonne partie de la gamme de Phoenix Oolong d'Akira, dans l'ordre croissant de prix (et de plaisir), me voici enfin arrivé au sommet. 78 € les 15g, soit 26€ pour cette dégustation. C'est le thé le plus cher que j'ai acheté à ce jour, mais je l'ai fait en connaissance de cause, pour avoir déjà goûté la version 2010 de ce thé, déjà médaillée d'or à l'époque, grâce à un échantillon alors offert par Akira. Mais mon palais n'était pas aussi habitué aux dan cong et, a fortiori, aux dan cong frais. Rappelons que c'est précisément dans cette catégorie qu'on trouve les tous meilleurs dan cong. Idem pour les Tie Guan Yin d'Anxi d'ailleurs.








Le set up utilisé est le même quasiment que pour le Tong Tiang Xiang. Le zhong de Mandarin's Tearoom accompagné de petites tasses de Jingdezhen (style Doucai) toujours en provenance de chez Tim. J'ai utilisé 5g de feuilles. Eau Mont Roucous bien entendu, dans une bouilloire en verre. Petite différence, je n'utilise pas de pot de réserve cette fois-ci. 

Aujourd'hui mes attentes sont un peu particulières par rapport à ce thé, car Akira m'a confirmé que la qualité des Dan Cong 2012 serait inférieure à celle de l'année précédente, et cela pour cause de pluies incessantes qui se sont abattues sur le Guangdong ces derniers temps. Il se rendra sur place le mois prochain, mais à part le haut du panier comme ce Mi Hua Xiang, ou à l'inverse l'entrée de gamme (Mi Lan Xiang), on risque de ne pas trouver la même sélection cette année que l'année dernière, ou alors peut-être si, justement, ces mêmes thés de 2011 restockés faute de mieux. Cela dit, il y aura un lot de consolation : sa nouvelle sélection de puerh promet d'être exceptionnelle, avec certaines trouvailles récentes ayant un aftertaste supérieur au thé dont je vais vous parler ici (!), qui est accessoirement le top de sa sélection en la matière au jour d'aujourd'hui. Le tout avec des prix attractifs pour la qualité. Affaire à suivre...








D'emblée, l'odeur des feuilles sèches annonce la couleur, et c'est plutôt une claque. On n'est pas sur le même registre que le Tong Tiang Xiang, mais plus proche d'un Mi Lan Xiang je dirais.

Honnêtement, des fois je me dis que je pourrais m'arrêter à cette étape. Je suis déjà comblé. L'odeur des feuilles sèches, même pas encore dans le zhong qui préchauffe, c'est le pied. Un parfum incroyable. Le bonheur est déjà total. Après, on peut préférer d'autres caractères, mais le nez est proche de la perfection. Je suis obligé de préchauffer le zhong une deuxième fois tellement j'ai passé du temps à humer ces feuilles...

Une remarque juste en passant sur la qualité de l'emballage : sur les 5 g prélevés du sachet (de 15 g), je n'ai rencontré aucune brisure, que des feuilles entières, ce qui parait normal pour ce prix mais pas évident non plus. Je me suis déjà fait envoyer un thé de rochers assez cher par correspondance par la m3t pour me retrouver au final avec un sac de miettes, pourtant avec la boite rigide qui va bien (?). Inutile de dire que le thé était à peine meilleur qu'un thé de base au final...








Alors, histoire d'être moins vague sur le parfum des feuilles sèches, maintenant que je suis un peu remis de mes émotions, je dirais agrumes, orange, fruits exotiques, litchi, mangue, et pêche. Dans le zhong chaud, c'est un peu plus floral. Rincées, ce sentiment est accru, avec des notes minérales superbes. Encore une fois, c'est dans la pureté, l'absence de fausses notes, que ce thé d'emblée semble se distinguer de ses congénères de grades inférieurs. En portant le zhong au nez tout en fermant les yeux, j'ai vraiment l'impression que mes narines sont à quelques millimètres de la chaire d'un fruit qu'on viendrait de cueillir et de couper en deux.  

Je conserve le même protocole que les dernières fois. Je ne sens aucunement le besoin de changer quoi que ce soit. Je pense avec un petit peu de recul que ces infusions courtes couplées à une bonne quantité de feuilles, sont particulièrement adaptées aux dan cong frais… À voir avec un thé torréfié.








C'est parti avec une poignée de secondes. Tout d'abord, c'est assez différent de mes souvenirs. Ce qui attrape mon attention au premier contact avec la liqueur, c'est une épice. D'emblée, ça m'a fait penser à du curry, plus précisément à du curcumin. Non, en fait ça ressemble beaucoup plus à de la coriandre. Je rassure le lecteur, j'ai fait particulièrement attention à ce que j'ai mangé avant cette dégustation. J'ai même fait attention d'être bien reposé et que toutes les planètes soient alignées de façon à ce que cette dégustation se passe au mieux. 

Pas le temps d'attendre la deuxième infusion avant de me faire rattraper par l'énergie de ce thé. Je fais une pause, pas forcement volontaire, m'assois bien. Ce thé est puissant et fortement relaxant. Je suis envahi par le besoin de bailler, de m'étirer. J'ai l'impression d'être un chat qui s'étire au milieu d'une siseste avec ce sentiment de satisfaction et de souplesse qu'on leur envie tant. Rares sont les fois où un thé m'a fait autant d'effet. La dernière fois, c'était lors de la dégustation d'un Wuyi Yancha d'Essence of Tea, pas au même niveau que ce dan cong, mais tout de même impressionnant à ce niveau là.








La deuxième infusion, qui durera aussi quelques secondes, est un peu moins légère. Elle laisse plus de place aux fruits, mais il y a aussi ce pôle épicé ressenti précédemment. Et c'est loin d'être désagréable. L'aftertaste est tel qu'on a l'impression que la liqueur se vaporise au moment d'atteindre la gorge. On respire mieux, on se sent mieux. Ce thé n'est pas extraordinaire de façon "évidente". Tout est dans la subtilité, même au niveau de l'aftertaste. En fait, ce n'est pas comme si le goût d'un fruit vous restait dans la gorge pendant des heures, mais c'est une sensation, une présence, qui reste. Alors bien sûr, elle est fruitée. Mais parler uniquement des saveurs, des fruits ou des fleurs auxquelles ce thé me fait penser, serait extrêmement réducteur et ne lui rendrait pas hommage. C'est un thé à vivre, pas à décrire.








Troisième. Cinq secondes à la louche. La liqueur est une version plus intense des deux précédentes. Malheureusement, y'a pas 36 moyens de dire à quel point cette dégustation est extraordinaire. Les mots me manquent. 

Aussi, je ne vais pas épiloguer longtemps parce que je n'ai pas envie d'aligner les superlatifs en boucle. Je vais plutôt profiter d'un moment tête-à-tête avec ce thé. En plus, j'ai une fâcheuse tendance à piquer du nez, et je ne crois pas que le thé soit totalement étranger à cet état...








La suite de la dégustation durera encore longtemps. Au dixième passage, je n'avais presque pas augmenté le temps d'infusion. Ce thé a vraiment une longévité assez extraordinaire. J'ai fini par faire une pause. Et c'est en me levant que je me suis rendu compte à quel point j'étais "teadrunk", limite à ne pas marcher droit. Impressionnant... !


Lorsque j'ai partagé mes impressions avec Akira, il m'a répondu ceci : "cet effet est précisément ce qu'on recherche. En Chine, l'aftertaste est souvent appelé de plein de façon différentes. Le Cha Qi a la même signification que le Hou Yun. On l'appelle Qi car il impacte directement le Qi de notre corps." Voilà qui éclairera peut-être la lanterne de certains, moi le premier...


Trois jours plus tard, alors que je peaufine cet article, je sirote toujours ce thé, qui tire à présent plus sur la banane verte. Hier, c'était l'ananas et la mangue fraîche. Toujours pas de fausse note.  Le thé est peut-être à présent moins intéressant, mais c'était encore loin d'être le cas hier. J'effectuerai une ultime infusion nocturne avant de déclarer cette session finie. C'est la première fois que je rencontre un oolong frais qui est encore excellent après une pause, a fortiori plusieurs. Voilà qui relativise un peu son prix.


À bientôt !


vendredi 18 mai 2012

Back to Basics III : L'Eau






Voici un article qui j'espère motivera de nombreuses personnes à faire attention à leur eau, car il s'agit selon moi du paramètre le plus importantsusceptible de changer de manière significative la dégustation, sans pour autant demander d'expérience ou d'effort particulier, à part transporter des packs d'eau.

Cela fait un moment qu'Akira m'a permis de me rendre compte de son importance. À l'époque, il avait véritablement bouleversé mon petit monde avec ses théories sur l'eau, à tel point que j'avais arrêté d'utiliser toutes mes théières pendant plusieurs mois. D'ailleurs, aujourd'hui encore, j'utilise toujours à 80% mes gaiwan...  

Plus que jamais, je suis persuadé qu'il a raison sur toute la ligne à ce sujet. Aussi, il me paraissait important, quitte à parler de ses théories, de mettre les choses à plat. Croyez-le ou non, en Malaisie, j'ai bu énormément d'eau. La voie du thé, c'est aussi la voie de l'eau. 

Je déterre donc un article qui n'avait jamais vu le jour faute de procrastination. Bonne lecture. 








L'eau du robinet permet-elle de faire du bon thé ? 

Déjà, elle ne sera jamais la même d'une ville à une autre, et même souvent différente en fonction de votre quartier si vous habitez dans une grande agglomération. Toujours propre à la consommation si tout se passe bien, voire même de qualité croissante (cf Que Choisir Mars 2012), elle n'en reste pas moins chargée en produits chimiques, comme le chlore mais aussi d'autres additifs qui ont un goût pas toujours agréable. Sans parler du calcaire, qui envahira vos bouilloires et autres théières. Après, il y surement des endroits sur terre où l'eau du robinet est très bonne pour préparer son thé. Mais, statistiquement, la réponse à cette question a plus de chance d'être "non" que le contraire.








Il y a des moyens d'enlever tous ces produits indésirables, comme les cruches filtrantes... 

Certes, cela marchera pour certains types de produits nocifs. Et encore, une étude parue chez Que Choisir montre qu'en laboratoire les résultats sont corrects, mais une cruche qui reste à l'air ambiant (ie dans un milieu non stérile) apportera peu en fait, voire même pourra rajouter des choses dans l'eau. Et il faut changer souvent la cartouche pour avoir de bons résultats... 


Avec une cruche, genre Brita, je peux sentir que mon eau a meilleur goût... 

Le chlore s'évapore vite. Mettre son eau au frigo ou juste à l'air libre pendant quelques heures changera le goût de l'eau sans forcément avoir recours à une cruche filtrante. 








Le mieux est donc l'eau minérale (en bouteille) ? 

Oui. La différence peut être considérable. Je me souviens avoir lu le témoignage d'un amateur de thé qui au bout de 20 ans de passion a découvert la différence entre son eau du robinet et l'eau minérale, et qui regrettait bien toutes ces années perdues... 


N'importe laquelle fera l'affaire ? 

Non. Essayez de préparer un thé avec de la Vichy Saint-Yorre et vous verrez. En gros, il y a deux principes de base à respecter si possible :   

1 - choisir une eau peu minéralisée ;  
2 - essayer de se tenir à une seule et même eau.








Pourquoi peu de minéraux dans l'eau ? 

Personnellement, je trouve que les eaux très minéralisées ont un goût prononcé et peuvent être "lourdes". Elles formeront d'ailleurs un dépôt à la surface de votre tasse. Les conséquences sur le thé sont donc évidentes : une partie du goût de l'eau viendra cacher celle du thé, mais cela pourra aussi jouer sur les parfums, la texture... Si je prends l'exemple de mon eau du robinet (non filtrée) très minéralisée, ce seront quasiment toutes les subtilités du thé qui s'envoleront si je prépare un thé avec.








Comment je sais si une eau minérale est peu ou fortement minéralisée ? 

Sur les étiquettes des bouteilles, il y a des informations sur leur composition, dont la teneur en substances minérales. Les "résidus à sec à 180°C" représentent l'ensemble des matières minérales. Plus le nombre sera faible, moins l'eau sera minéralisée. Voici quelques chiffres : 

- Mont Roucous : 19 mg/l
- Montcalm : 28.5 mg/l
- Grand Barbier : 52.2 mg/l
- Volvic : 130 mg/l
- Vichy Saint-Yorre : 4774 mg/l








Pourquoi toujours se tenir à la même eau ? 

Deux raisons. La première, c'est que si on change tout le temps, on perd ses références. Il est important d'essayer de faire en sorte que le moins d'éléments possible ne changent d'une session à une autre. C'est le meilleur moyen de se faire le palais et surtout de voir l'influence du changement d'un paramètre particulier, "toutes choses restant égales par ailleurs", du moins autant que possible. La deuxième raison est plus pointue. Elle suit une théorie qui dit qu'une théière par exemple, mais aussi une bouilloire, se culotteront plus avec les minéraux contenus dans votre eau que par le thé lui-même, surtout si vous utilisez une théière avec différents thés par exemple. 








Et la bouilloire a-t-elle une influence ? 

Oui. Tout a une influence. Il faut dans la mesure du possible dédier une bouilloire à un type d'eau. Si on utilise la même pour son eau minérale et son eau du robinet, les minéraux de cette dernière se retrouveront dans votre thé et le bénéfice sera minime. Enfin, dans l'idéal, choisir une bouilloire avec peu ou pas de plastique en contact avec l'eau. Le matériau devra être le plus neutre possible. Le verre pour moi c'est le top mais le plus simple reste l'inox.


Tous les thés sont-ils meilleurs avec une eau peu minéralisée ? 

Théoriquement non. Certaines alliances entre certains types de thés et d'eau assez minérale seront très bien (comme la Volvic avec le thé japonais). Mais on entre dans le domaine des préférences personnelles. Il n'existe pas de tableau ou de règle pour cela. Il faut essayer. Le fait de toujours rester avec une eau assez neutre apporte l'avantage de ne plus se prendre la tête. Une eau peu minéralisée marchera bien pour tous les thés alors que l'inverse ne sera pas forcement vrai. 








On parle d'une grande consommation de bouteilles en plastique pour quelqu'un qui boit beaucoup de thé... 

Effectivement. On peut cependant se dire que si placé dans le conteneur qui va bien, le plastique des bouteilles est un matériau qui se recycle bien. On en fait du textile, etc. Certaines associations récupèrent même les bouchons pour les faire recycler en matériel pour les personnes handicapées. À coté de ça, je me suis toujours demandé si les cartouches des cruches filtrantes étaient facilement recyclables, pour ceux qui font l'effort de les déposer dans les conteneurs spécialisés évidemment... 








Voilà. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur ce sujet. Un article plus pointu verra le jour ultérieurement.


À bientôt.


vendredi 11 mai 2012

Phoenix Tong Tiang Xiang - Hojo Tea






Tong Tiang Xiang : "le goût qui va jusqu'au paradis", tout un programme...


Cela faisait un moment que j'avais sorti ce sachet de thé de son rangement, que je le regardais, qu'il me faisait de l'oeil. Il s'agit du deuxième Phoenix Oolong par ordre de prix, si ce n'est de qualité, dans la sélection d'Akira. 50€ les 15g au prix d'aujourd'hui, soit ici un peu plus de 15€ la dégustation. Ce n'est pas donné, mais la question est justement de savoir si ça les vaut, si ce genre de thé mérite de se limiter en quantité au profit de la qualité. Je vous le dis tout de suite, en ce qui me concerne, la réponse est oui. Et puis c'est dimanche... 








Je vais faire attention aux paramètres, c'est aussi pour cela que j'ai bu les Dan Cong d'Akira dans l'ordre croissant de qualité - aussi suite à ses conseils - histoire d'être habitué à préparer ces Dan Cong frais, non torréfiés. Une préparation légèrement différente par rapport à leurs confrères plus fortement oxydés et torréfiés peut être justifiée. Ou non, c'est chacun qui voit. En fait, la préparation n'est pas compliquée, à condition de respecter quelques principes de base : eau adaptée, compatibilité voire neutralité du matériel, bon ratio de feuilles et température max. 








5g donc dans mon plus petit zhong. Le zhong de la maison des 3 thés est peut être un peu plus petit mais ses parois très fines ne gardent pas la chaleur très longtemps. C'est bien pour certains thés, mais je préfère celui en "bone china" (porcelaine à la cendre d'os) de Mandarin's Tearoom qui est parfait : dense, il garde longtemps la chaleur. C'est mieux pour moi qui ne me précipite pas pour boire mes tasses. 

La chaleur max est importante, comme très souvent pour les Oolong et particulièrement au début pour ouvrir les feuilles. C'est donc eau bouillante, ici Mont Roucous chauffée en bouilloire inox et transférée en bouilloire en verre et gardée à faible ébullition pendant la dégustation, en rajoutant de l'eau fraîche de temps à autre. Enfin, j'utilise un pot de réserve en verre et deux tasses en porcelaine de Jingdezhen, tournées et peintes à la main, bref du bon matos très agréable à utiliser. 




deux formes différentes pour deux nez différents...




Les feuilles sèches puis humides dégagent des senteurs de rêve. Douceur. Rien d'agressif. Pas de fausse note. Complexe aussi. J'ai bien du mal à trouver des analogies. C'est exotique, frais, sucré, gourmand. Pêche, agrumes. Des fleurs. Les inspirations renvoient directement au fond de la gorge. Pas de doute possible... 

Première infusion flash, aussi pour re-préchauffer le zhong car j'ai passé pas loin de 5 min à sentir les feuilles... Du coup la liqueur est légère, mais elle ne cache en rien pour autant ce qui va se passer. Un thé de qualité n'a pas besoin de passer mille ans à infuser pour qu'on ressente son aftertaste. Une poignée de secondes suffit. La liqueur obtenue n'aura peut être pas énormément d'intensité, mais l'aftertaste lui sera bien là. Ici, cette première infusion très légère apporte de la fraîcheur dans tout le système respiratoire. C'est comme si la gorge se faisait plus large, qu'on vous avez débouché le nez. Je sens également les effets de ce thé, une légère ivresse. La suite promet... 




après rinçage...




J'infuse très court aussi la deuxième car je trouve intéressant ce genre de liqueur. On boit. Sur le coup, pas grand chose. Presque pas de goût. Et au bout d'un laps de temps plus ou moins long, le fruit arrive. Ça m'a toujours éclaté avec ces thés. Kiwi, banane, pêche, abricot, c'est fantastique. Avant, j'infusais comme un bûcheron. Maintenant, c'est l'inverse. Il est fort probable que je glisse vers la voie du milieu avec le temps, on verra...

Je commence aussi à me dire que j'ai confondu par le passé la rémanence en bouche des saveurs due à l'astringence, et l'aftertaste à proprement parler (Hou Yun). Une liqueur très tannique comme un vieux puerh, ou un vin, va laisser un goût dans la bouche qui pourra rester longtemps du à leur acidité voire leur degré d'alcool dans le cas du vin ou d'un autre spiritueux. Mais je ne pense pas qu'on puisse parler d'aftertaste dans ce cas-là. C'est le problème de traduire "aftertaste" par "longueur en bouche". Ce genre d'hypothèse est à confirmer néanmoins.








On continue. Je pousse un poil plus, mais pas trop, disons 10 bonnes secondes, histoire de donner un coup de pouce à l'ouverture des feuilles. Le parfum est discret. Akira me confiait que pour beaucoup de personnes, les arômes étaient le critère prédominant. Les Phoenix Oolong sont des thés qui peuvent émerveiller par leurs parfums très exotiques et complexes. Mais voilà, autant il est facile de trouver un Phoenix Oolong avec un parfum superbe, autant en trouver un qui aura de la profondeur et une longueur correctes sera une autre paire de manche. Il en sera de même pour les TGY, les thés verts, etc. Autant il faut se fier à son nez comme vu précédemment, autant il faut aussi faire attention aux informations qu'il nous délivre. 

A contrario, un thé qui ne sent pas grand chose ne sera pas forcément dénué d'intérêt. Quand j'ai senti pour la première fois le Tsukigase Zairai à côté d'autres thés, je l'ai trouvé discret. Mais en réalité chaque inspiration renvoyait tellement profondément dans la gorge que mon nez s'est fait avoir. 








La suite de ce thé est à l'image du début. Énormément de finesse. Il m'a calmé, relaxé. J'ai poussé plus sur la fin. Me sont apparues des notes plus citronnées ce qui ne fut pas pour me déplaire, du melon aussi. Jamais acide, amer, astringent. C'est pur, qu'importe la façon dont on le pousse. 

Comme observé auparavant, et confirmé par quelques dégustations en Malaisie,  je ne pense pas que les thés de ce niveau se distinguent de façon très évidente. Il faut être attentif et avoir l'habitude. Un néophyte ne sera pas à même de relever toutes les finesses d'un grand vin pour prendre un exemple similaire.

Pour finir cette description, je noterai que plusieurs heures après la dernière tasse, je sentais encore la présence fruitée de ce thé en bouche. 








Voilà donc pour cet avant dernier Phoenix Oolong sur l'échelle des prix d'Akira. Il bat dans ma tête le Ya Shi Xiang bien que plus discret. Il me reste à boire le Mi Hua Xiang, médaille d'or. Je le connais, mais je sens que ce sera encore un voyage...




"Dan Cong" calligraphie offerte par un ami. Merci encore...




À bientôt !


samedi 5 mai 2012

Détection de l'aftertaste par le nez : notion de direction






Je vais à présent continuer de partager les choses que m'a transmises Akira.

Ce dernier me racontait que quand il visite des producteurs pour sélectionner des thés, il n'est pas toujours possible de goûter sur place. Il faut donc être à même de reconnaître les qualités d'un thé sans ustensile ni eau chaude. Heureusement, avec un entrainement adéquat, il est possible de détecter l'aftertaste uniquement par le nez à partir des feuilles sèches. Encore une fois, cela ne s'applique pas que pour le thé, mais aussi pour toute la nourriture, la boisson, le parfum. Akira utilise aussi cette technique pour sélectionner l'argile qu'il utilisera pour confectionner les théières qu'il vend. Tout a un parfum, même l'eau, et ce parfum permet de définir l'aftertaste.








Pas facile de sélectionner son thé quand on arrive chez un producteur. D'après Akira, il est assez fréquent surtout au début, quand il ne vous connait pas, qu'il vous teste en vous faisant goûter plusieurs thés de qualités différentes. L'aspect des feuilles n'étant pas toujours éloquent, seule l'aptitude à détecter la qualité permettra de s'en sortir. Et il est important de ne pas se tromper pour que soient dévoilés les meilleurs thés disponibles, une manière pour les producteurs de sélectionner les vendeurs qui seront dignes de mettre en avant leurs meilleurs thés, qui savent de quoi ils parlent. 

Pour nous autres simples consommateurs, être à même de détecter la qualité pourra s'avérer utile pour sélectionner notre thé, mais aussi pour apprécier d'autres liqueurs, nourritures, parfums, etc. C'est loin d'être une obligation bien entendu, mais cela en intéressera peut-être certains. À ma grande surprise, avec un peu d'entrainement et une bonne méthode - et un bon mentor dans mon cas - ce n'est pas si difficile que ça en a l'air.




la mousson en Malaisie...




En gros, ce qui va être important, c'est la notion de direction. Comme déjà évoqué, l'aftertaste va surtout se sentir au niveau de la gorge. Il en sera de même pour la détection de l'aftertaste par l'odorat. Rappelons au passage que l'air qu'on inspire par le nez passe directement dans la gorge.

En gros, pour un thé n'ayant pas un fort aftertaste, lors de l'inspiration les arômes se sentiront au niveau du nez, ils monteront verticalement pour imprégner les fosses nasales. Au contraire, pour un thé ayant un fort aftertaste, le flux d'air à l'inspiration se ressentira plus horizontalement comme allant directement dans la gorge. D'où cette notion de direction. Un thé qui monte : pas d'aftertaste ; un thé qui descend : bon aftertaste.




Akira m'a dit qu'en général, plus la plantation est belle, moins bon est le thé.
Cet endroit n'est pas l'exception confirmant la règle...




Il est important de noter qu'il est très difficile de se rendre compte de ce phénomène sans comparer systématiquement deux thés, du moins au début. Le mieux est d'avoir un thé dont on sait où il se situe sur l'échelle de l'aftertaste et de comparer systématiquement. On renifle un thé trois fois, en entrecoupant chaque inspiration par une respiration de l'air ambiant pour ensuite revenir aux feuilles, puis on sent l'autre thé. Les différences seront bien plus évidentes ainsi. Surtout, on essaie de faire fi du caractère du thé, pour se focaliser sur la direction ressentie.

Il est plus facile au début de sentir des feuilles infusées encore chaudes, par exemple dans un zhong. La chaleur aide. Les feuilles sèches sont plus dures à juger et demandent plus d'entrainement. Mais si on est sérieux et régulier, on pourra même repérer les différences entre ses théières juste en les remplissant d'eau chaude, en les vidant et en comparant les vapeurs qui s'en dégagent.




Figuier sauvage dans la Rainforest...





... protégé par des fourmis vraiment pas sympas...
... surtout quand on porte des tongs...




Au final, tout peut se juger ainsi : choisir ses fruits et légumes sur le marché, apprécier un alcool, etc. Rappelons que le sens de l'odorat est responsable à 90% de l'appréciation du goût. Pas étonnant qu'on puisse détecter quasiment tout par le nez.

Encore une fois, un amateur de thé n'aura pas foncièrement besoin de ce genre d'entrainement. Il boira ce qu'il veut, ce qui lui plait. Personnellement, ça m'éclate alors je m'y essaie, même si j'en suis au tout-tout début et loin de pouvoir distinguer autre chose que des différences flagrantes. Mais il faut bien commencer quelque part.




J'ai eu un mal de chien à trouver la petite bête qui se cache au centre de la photo,
celle là-même responsable de l'oxydation de l'Oriental Beauty...
Et pour cause ! Qui dit pesticide, dit absence d'insectes...




Akira tenait particulièrement à ce que je partage cette technique, mais surtout que les amateurs soient conscients de cette notion de direction, que l'aftertaste renvoie à la gorge. Il y aurait encore mille choses à dire sur le sujet mais chaque chose en son temps. C'est par cela que nous avons commencé notre "entrainement" malaisien et ces quelques jours passés en compagnie d'Akira auront beaucoup mis à contribution notre odorat et cette recherche de direction, à apprécier d'abord par le nez les différences "d'angles" entre des thés de base et d'autres très haut-de-gamme. Evidemment, nous n'avons pas fait que sentir les thés...








Akira s’entraîne tous les jours de façon à être le plus efficace possible quand il va sélectionner son thé. Quand il arrive à la veille d'une rencontre avec un producteur, à l'instar d'un chanteur professionnel qui économiserait sa voix, il fait attention à son nez, à la clim' de l'hôtel, il se repose, car le goût comme l'odorat est très influencé par la fatigue, ce qui n'est pas évident à gérer en cas de fort décalage horaire. Bref, il soigne son nez car c'est lui qui sera mis à contribution pour sélectionner ce qu'il va acheter. Et vu le résultat, on va dire que ça marche selon moi plutôt pas mal...


À bientôt !